8 décembre 2001
St François-Antoine Giovanni Fasani
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
Le 25 mars 1858, vers quatre heures du matin, Bernadette Soubirous quitte le «cachot», la masure où habite sa famille, pour se rendre à la grotte de Massabielle, où, depuis le 11 février, une mystérieuse Dame lui apparaît. L’adolescente de quatorze ans se glisse dans Lourdes endormie, accompagnée de quelques personnes mises dans le secret par sa tante. À peine a-t-elle récité une dizaine de chapelet devant la grotte, que la Dame se montre à elle. Souriante, elle lui fait signe d’approcher. Bernadette se trouve alors tout près de la Visiteuse à qui elle transmet, dans son patois bigourdan, la requête instante de son Curé: «Madame, voulez-vous avoir la bonté de me dire qui vous êtes?» L’Apparition sourit et ne répond pas. Deux fois, l’enfant répète sa question. À la troisième fois, la Dame, qui tient les mains ouvertes, les joint à la hauteur de la poitrine, et dit: «Que soy era Immaculada Councepciou… (c’est-à-dire: Je suis l’Immaculée Conception). Je désire une chapelle ici…» Puis, toujours souriante, elle disparaît.
Sur le chemin du retour, Bernadette ne cesse de répéter, de peur de les oublier, ces mots incompréhensibles pour elle: «Que soy era Immaculada Councepciou». Elle se précipite chez Monsieur le Curé et lui déclare, sans même dire bonjour: « Que soy era Immaculada Councepciou. – Que dis-tu là, petite orgueilleuse? – C’est la Dame qui m’a dit ces paroles… – Ta Dame ne peut pas porter ce nom! Tu te trompes! Sais-tu ce que cela veut dire, l’Immaculée Conception? – Je ne le sais pas; c’est pour cela que j’ai répété les mots tout le temps jusqu’ici pour ne pas les oublier».
Comment saurait-elle ce que veut dire «l’Immaculée Conception», elle qui ne sait pas encore lire et qui vient à peine de s’inscrire au Catéchisme? Mais le prêtre, lui, le sait bien: moins de quatre ans plus tôt, le pape Pie IX a proclamé la Sainte Vierge immaculée dans sa Conception. Dans la Bulle Ineffabilis, du 8 décembre 1854, il a dit: «Nous définissons que la doctrine qui tient que la Bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu tout-puissant, en prévision des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu’ainsi elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles». Plus de dix-huit siècles après Jésus-Christ, par cet acte solennel, le Pape a défini un nouveau dogme. Certains se demandent: comment est-ce possible? L’Église a-t-elle un pareil pouvoir? La Révélation n’est-elle pas achevée avec Jésus-Christ?
Effectivement, on lit dans la Lettre aux Hébreux: Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé par les prophètes, Dieu en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par son Fils (He 1, 1-2). Saint Jean de la Croix commente ce passage en ces termes: «Dès lors qu’il nous a donné son Fils, qui est sa Parole, Dieu n’a pas d’autre parole à nous donner. Il nous a tout dit à la fois et d’un seul coup en cette seule Parole… car ce qu’il disait par parties aux prophètes, il l’a dit tout entier dans son Fils, en nous donnant ce tout qu’est son Fils». Le Concile Vatican II rappelle de même: «L’économie chrétienne, étant l’Alliance Nouvelle et définitive, ne passera jamais et aucune nouvelle révélation publique n’est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus-Christ» (Dei Verbum, n. 4).
Croître dans l’intelligence de la foi
«Cependant, enseigne le Catéchisme de l’Église Catholique, même si la Révélation est achevée, elle n’est pas complètement explicitée; il restera à la foi chrétienne d’en saisir graduellement toute la portée au cours des siècles» (CEC, n. 66). La Révélation a été confiée par Dieu à l’Église pour qu’elle la transmette et l’interprète. «La charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou transmise, a été confiée au seul Magistère vivant de l’Église dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus-Christ… Le Magistère de l’Église engage pleinement l’autorité reçue du Christ quand il définit des dogmes, c’est-à-dire quand il propose, sous une forme obligeant le peuple chrétien à une adhésion irrévocable de foi, des vérités contenues dans la Révélation divine… Ainsi, grâce à l’assistance du Saint-Esprit, l’intelligence des réalités comme des paroles de l’héritage de la foi peut croître dans la vie de l’Église» (CEC, n. 85-88-94); ce qui s’est réalisé notamment lors de la définition du dogme de l’Immaculée Conception.
Ce dogme se fonde, dans la Sainte Écriture, sur la salutation de l’Ange Gabriel à la Vierge Marie: Je vous salue, pleine de grâce (Lc 1, 27); cette plénitude de grâce n’est vraiment complète que si elle s’étend, dans le temps, au premier instant de la vie de la Sainte Vierge, celui de sa conception. Cependant, ce passage de l’Évangile, bien que donnant une indication précieuse, ne suffit pas, à lui seul, à démontrer la vérité de l’Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge; pour que la lumière qu’il contient soit pleinement saisie, il faut recourir au témoignage de la Tradition. En effet, l’Église «ne tire pas de la seule Écriture Sainte sa certitude sur tous les points de la Révélation. C’est pourquoi l’Écriture et la Tradition doivent être reçues et vénérées avec un égal sentiment d’amour et de respect» (Concile Vatican II, Dei Verbum, n. 9).
La croyance en la conception immaculée de Marie remonte aux premiers siècles de l’histoire de l’Église. Les Pères de l’Église qui en ont parlé sont unanimes à reconnaître que la Mère de Jésus-Christ est l’épouse toute belle et sans tache dont il est question dans le Cantique des Cantiques (4, 7). Saint Éphrem († 373) écrit que la Mère de Dieu est «pleine de grâce…, toute pure, tout immaculée, toute sans faute…, complètement étrangère à toute souillure et à toute tache du péché» (Oratio ad Deiparam). La fête liturgique de la Conception de Marie (8 décembre) existe au moins depuis le septième siècle dans l’Église grecque. De grands théologiens, au Moyen-Âge, ont, il est vrai, formulé des objections contre la croyance dans l’Immaculée Conception, qui leur semblait porter atteinte à l’universalité de la Rédemption du Christ. Le bienheureux Duns Scot (1266-1308), et à sa suite, les théologiens de l’école franciscaine ont répondu que Marie est restée intacte de toute souillure du péché originel, en prévision des mérites futurs de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain; la Sainte Vierge a donc bien été rachetée par le Sang de Jésus-Christ, mais dans un mode très sublime, celui de la préservation du péché.
Saint Maximilien Kolbe, mort en martyr de la charité à Auschwitz en 1941, figure parmi les Franciscains qui ont le mieux parlé de l’Immaculée Conception. Saint François Antoine Fasani, canonisé par le Pape Jean-Paul II, le 13 avril 1986, est moins connu; longtemps avant la proclamation du dogme, ce religieux a eu le mérite de faire connaître et aimer l’Immaculée.
Le «pécheur de l’Immaculée»
Antoine Giovanni Fasani est né le 6 août 1681 à Lucera, dans les Pouilles (sud-est de l’Italie). Ses parents sont d’humble condition; son père gagne sa vie comme journalier. Dans la famille Fasani, pauvre des biens matériels, on est riche de foi. Chaque soir, le chapelet est récité devant une image de Marie Immaculée. Antoine trouve auprès de sa mère les racines de sa profonde dévotion envers la Sainte Vierge. Dès 1695, à quatorze ans, le jeune homme entre chez les Franciscains Conventuels. L’année suivante, il prononce ses voeux sous le nom de Frère François-Antoine, au couvent de Monte Sant’Angelo. Le jeune religieux a un naturel vif et ardent, tempéré par une humble réserve. Il s’est fait Religieux pour devenir parfait.
De 1696 à 1709, Frère François-Antoine poursuit des études de théologie qu’il achève à Assise par l’obtention du grade de Maître, qui le fait appeler «il Padre Maestro». Son affection et sa vénération envers l’Immaculée ne cessent de grandir et, dans son humilité, il se définit bien souvent comme «le pécheur de l’Immaculée», c’est-à-dire un pauvre pécheur racheté par l’intercession de Marie Immaculée.
Au Carême de 1707, le Père Fasani est envoyé à l’improviste prêcher à Palazzo, non loin d’Assise. Sa jeunesse, la sûreté de sa science théologique, la chaleur de sa voix, l’ascétisme de son visage où transparaît une vie intérieure profonde, ainsi que la conviction qui l’anime, provoquent dans le peuple enthousiasme et édification. Un témoin rapporte: «Il prêchait avec une ferveur sensible, en sorte qu’il imprimait dans l’âme de ses auditeurs les vérités qu’il annonçait… Il parlait de la Sainte Mère de Dieu avec un tel transport de dévotion, une telle tendresse et une expression du visage si affectueuse, qu’il semblait qu’il avait eu un colloque face à face avec Elle».
Le mal le plus grave
Rentré à Lucera, où il demeurera toute sa vie, il y prêche ainsi que dans toute la région des Pouilles. Sa prédication, fondée sur la Parole de Dieu, ne laisse aucune place à l’ornementation rhétorique si en honneur à son époque. Le Père Fasani manifeste une horreur et un déplaisir indicibles lorsqu’il voit Dieu offensé ou qu’on lui rapporte des actions peccamineuses. Cette horreur du péché, partagée par tous les Saints, n’est nullement exagérée. Saint Ignace de Loyola, dans ses Exercices Spirituels, maintes fois recommandés par l’Église, invite le retraitant à demander à la Sainte Vierge, la grâce de connaître d’une connaissance intime ses péchés et d’en concevoir de l’horreur (n. 63). Le Catéchisme de l’Église Catholique enseigne: «Aux yeux de la foi, aucun mal n’est plus grave que le péché et rien n’a de pires conséquences pour les pécheurs eux-mêmes, pour l’Église et pour le monde entier» (n. 1488). En effet, pour le pécheur, la conséquence du péché mortel (c’est-à-dire du péché commis en matière grave, avec pleine connaissance et plein consentement) est la perte de la grâce sanctifiante; et, s’il meurt dans cet état, la privation de la vie éternelle. Saint Paul en avertit les Corinthiens: Ne savez-vous pas que ceux qui commettent l’injustice ne recevront pas le royaume de Dieu en héritage? Ne vous y trompez pas: les débauchés, les idolâtres, les adultères, les dépravés et les pédérastes, les voleurs et les profiteurs, les ivrognes, les diffamateurs et les escrocs, ne recevront pas le royaume de Dieu en héritage (1 Co 6, 9-10).
Et, à celui qui s’autorise de la bonté de Dieu pour demeurer dans le péché et se rassurer sur son sort éternel, saint Paul répond: Méprises-tu les trésors de la bonté de Dieu, de sa patience et de sa générosité, en refusant de reconnaître que cette bonté de Dieu te pousse à la conversion? Avec ton coeur endurci, qui ne veut pas se convertir, tu accumules la colère contre toi pour le jour de la colère, où sera révélé le juste jugement de Dieu, lui qui rendra à chacun selon ses oeuvres: pour ceux qui font le bien avec persévérance et recherchent ainsi la gloire, l’honneur et la vie impérissable, ce sera la vie éternelle; mais pour les partisans de la révolte, qui se refusent à la vérité pour se donner à l’injustice, ce sera la colère et l’indignation (Rm 2, 4-8).
En chaire, saint François-Antoine s’enflamme contre les vices et les scandales publics. Dès lors pleuvent contre lui des réactions de colère et des injures: on le traite d’hystérique et de rustre; mais finalement, on vient tout de même se confesser à lui. Chaque jour, il se tient plusieurs heures à son confessionnal, accueillant toutes sortes de personnes avec la plus grande patience et le visage joyeux. Ses paroles tendent à inspirer le repentir et la volonté de se corriger. Ce ministère finit par absorber le meilleur de son temps. Grande est sa joie lorsqu’il peut amener à la conversion des gens aux moeurs dissolues ou scandaleuses, des pécheurs invétérés.
Marie, refuge des pécheurs
Dans sa lutte contre le péché, le saint recourt à Marie Immaculée. Il souligne que si la Mère de Dieu est immaculée, c’est pour être le refuge des pécheurs. Sa pureté efface nos taches et nous rend purs; sa clarté chasse nos ténèbres. Après le péché d’Adam et d’Ève, Dieu dit au serpent (c’est-à-dire au démon): Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité; elle t’écrasera la tête, et tu la mordras au talon (Gn 3, 15 [Vulgate]). Les Pères de l’Église ont vu cette prophétie accomplie en la Vierge Immaculée, nouvelle Ève, qui a secondé de façon unique son divin Fils, le nouvel Adam, dans son combat contre le mal. Aux pécheurs qui veulent se convertir, le Père Fasani répète inlassablement que Marie, ennemie du péché, est en même temps la Mère de miséricorde et la «porte du Ciel» parce qu’elle nous incite à prier, à fréquenter les sacrements de pénitence et d’Eucharistie, à écouter son divin Fils et à Le suivre. Saint Maximilien Kolbe, deux siècles plus tard, ira jusqu’à dire que l’Immaculée est la personnification de la miséricorde divine: elle n’ajoute rien à la miséricorde de Dieu qui passe à travers le Sacré-Coeur de Jésus; mais, conformément au bon plaisir de son Père, Jésus veut que la miséricorde soit dispensée par les mains de Marie.
Dans l’Immaculée Conception, saint François-Antoine voit en premier lieu la réalité positive, la sublimité de la grâce qui élève dès le premier instant la personne de Marie, parfaitement sanctifiée en vue de sa mission de Mère de Dieu. Il met en lumière, comme par contraste avec la grandeur du don divin, l’humilité de la Vierge en tant que créature; sa sublimité lui vient exclusivement de Dieu: elle n’est pas une conquête de la nature humaine. Le Père Fasani souligne aussi qu’après cet éclatant commencement, la vie de Notre-Dame a été marquée par une croissance spirituelle constante dans une libre correspondance aux grâces de Dieu.
À l’occasion de ses prédications, le saint distribue largement, surtout aux enfants, de petites images de la Vierge Immaculée, au dos desquelles est inscrite une recommandation pieuse, une brève prière ou une pensée élevée. Les fruits spirituels de cette pratique toute simple sont nombreux. La Sainte Vierge daigne même accomplir des guérisons miraculeuses par l’attouchement de ces images.
Modèle de l’âme d’oraison
Les prédications mariales du Père François Antoine s’achèvent toujours sur une leçon pratique: les chrétiens peuvent et doivent imiter Marie, modèle très parfait de fidélité à l’Évangile, pour parvenir en sa compagnie à l’intimité d’amour avec Jésus et Lui appartenir entièrement. Il se plaît à contempler dans la Mère de Dieu le modèle de l’âme d’oraison. La vie de la Vierge Immaculée a été un colloque permanent avec Dieu. Qui mieux qu’Elle, après son divin Fils, peut nous apprendre à prier? Le saint fait remarquer à ses religieux: «On étudie Dieu, on prêche Dieu, on discute de Dieu, mais l’esprit demeure aride, sans dévotion: beaucoup de science, et pas d’oraison». Mais qu’est-ce que l’oraison? À cette question, le Catéchisme de l’Église Catholique répond en citant sainte Thérèse d’Avila: «L’oraison mentale n’est, à mon avis, qu’un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé». L’oraison cherche Celui que mon coeur aime (Ct 1, 7), Jésus, et en Lui, le Père. Elle est également écoute de la Parole de Dieu. Loin d’être passive, cette écoute est l’obéissance de la foi, accueil inconditionnel du serviteur et adhésion aimante de l’enfant (cf. CEC, n. 2709 – 2716).
Le choix du temps et de la durée de l’oraison relève d’une volonté déterminée qui révèle les secrets du coeur. On ne fait pas oraison quand on a le temps: on prend le temps d’être avec le Seigneur, bien déterminé à demeurer en Sa présence quelles que soient les épreuves et la sécheresse de la rencontre. L’oraison peut se faire «contemplation», c’est-à-dire regard de foi, fixé sur Jésus. «Je l’avise et Il m’avise», disait à son saint curé le paysan d’Ars en prière devant le Tabernacle. La lumière du regard de Jésus illumine les yeux de notre coeur qu’il purifie; elle nous apprend à tout voir dans la lumière de sa vérité et de sa compassion pour tous les hommes. La contemplation porte aussi son regard sur les mystères de la vie du Christ. Elle apprend ainsi à connaître d’une connaissance intime le Seigneur, pour L’aimer et Le suivre davantage (cf. saint Ignace, Exercices Spirituels, n. 104).
Défenseur des pauvres
Le Père François Antoine pratique la vertu de pauvreté en dormant sur une paillasse dans son étroite cellule, se contentant de peu et portant des vêtements usés. La vue des indigents l’afflige, et dans ses prédications il insiste sur la charité envers les pauvres. Pour eux, il quête de l’argent et des vêtements. Un jour, un mendiant à demi-nu lui demande quelque habit pour se couvrir. Le P. François se dépouille de ses principaux vêtements et rentre au couvent vêtu de sa seule tunique.
Il gère avec sagesse la «banque de crédit» qui a son siège au couvent et dont le but est de protéger les pauvres contre les spéculations des usuriers. Grâce à cet organisme, il peut établir une table quotidiennement ouverte aux nécessiteux. Chaque jour on y voit venir une humble femme du peuple, Isabelle, la propre mère du P. Fasani. En ce pays ruiné par les guerres, où les grands propriétaires accablent les paysans d’énormes redevances, le Franciscain rappelle aux riches leur devoir de partager les biens de ce monde et de donner à leurs ouvriers un juste salaire.
Aujourd’hui comme hier, la pratique de la justice sociale est une obligation grave pour tous les chrétiens, spécialement les plus fortunés. «Saint Jean Chrysostome le rappelait vigoureusement à ses contemporains: «Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs». Il faut satisfaire d’abord aux exigences de la justice, de peur que l’on n’offre comme don de la charité ce qui est déjà dû en justice. «Quand nous donnons aux pauvres les choses indispensables, nous ne leur faisons point de largesses personnelles, mais leur rendons ce qui est à eux. Nous remplissons bien plus un devoir de justice que nous n’accomplissons un acte de charité» (Saint Grégoire le Grand)» (CEC, n. 2446).
Ce devoir de justice est particulièrement grave à notre époque marquée par «le scandale des sociétés opulentes d’aujourd’hui, dans lesquelles les riches deviennent toujours plus riches, parce que la richesse produit la richesse, et les pauvres deviennent toujours plus pauvres, parce que la pauvreté tend à créer d’autres pauvretés. Ce scandale n’existe pas seulement à l’intérieur des diverses nations: il a des dimensions qui dépassent largement leurs frontières… En réalité, c’est l’esprit de solidarité qui doit croître dans le monde, pour vaincre l’égoïsme des personnes et des nations» (Jean-Paul II, 4 novembre 2000).
L’humilité qui fait les miracles
Amené à défendre la vertu d’une jeune fille de quinze ans, sans ressources, sur laquelle un jeune gentilhomme a jeté son dévolu, saint François-Antoine la conduit dans un orphelinat où elle sera élevée gratuitement. Cela lui vaut les menaces et la haine du gentilhomme qui le dénonce à Rome, où il doit aller se disculper. Admis en présence du Pape, il ne dit rien pour sa défense; mais, tandis qu’il baise humblement les pieds du Pontife, celui-ci, qui souffre de la goutte, se voit, à ce contact, instantanément libéré de son mal; il est ainsi convaincu de l’innocence du Franciscain. L’obéissance de celui-ci produit également des merveilles. Un jour qu’il prêche en chaire, son évêque, entrant dans l’église, lui demande devant tout le monde de se taire; il le fait aussitôt. Quelques jours après, le domestique de l’évêque vient le chercher: le Prélat, pris d’un violent malaise, réclame le Père François-Antoine à son chevet. «Inutile, répond le saint; il a déjà reçu sa guérison de Marie Immaculée».
Le 29 novembre 1742, au commencement de la neuvaine préparatoire à la fête de l’Immaculée Conception, le Père François-Antoine Fasani meurt d’épuisement. Le 16 avril 1986, en le canonisant, Jean-Paul II faisait remarquer: «Prédicateur infatigable, saint Fasani n’atténua jamais les exigences du Message évangélique dans le désir de plaire aux hommes». Puisse-t-il, du haut du Ciel, nous aider à recourir inlassablement à Celle qui, à jamais exempte de toute souillure, peut nous délivrer de tout le mal qui est en nous.
«Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous».
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