26 septembre 2001

Jacques Fesch

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

Vendredi saint. Cruellement cloué sur la Croix, Jésus essuie les sarcasmes des deux malfaiteurs qui subissent le même supplice. L’un d’eux l’injurie: Puisque tu es le Christ, sauve-toi toi-même et sauve-nous ! Voyant la patience de cet étrange condamné, l’autre larron, touché par la grâce, prend la défense de Jésus : Il n’a rien fait de mal. Puis, il s’adresse au Sauveur: Seigneur, souvenez-vous de moi, quand vous serez parvenu dans votre royaume. – Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis, lui répond Jésus (cf. Lc 23). Par ces paroles, Notre-Seigneur prononce la première «canonisation» de l’histoire. Il ne faut donc «jamais désespérer de la miséricorde divine» (cf. Règle de saint Benoît, ch. 4): comme la conversion du bon larron, la vie de Jacques Fesch illustre cette belle sentence.

On a dit que l’éducation d’un enfant commence vingt ans avant sa naissance par celle de sa mère; il faut ajouter: et par celle de son père. Le père de Jacques, Georges Fesch, est né à Liège en 1885, de parents déjà quadragénaires. Il se fixe en France dans les années 1920, comme directeur de banque. Incroyant, fier de l’être et de le manifester, il affiche un «esprit fort». Son cynisme cache de l’amertume, des déceptions et des désillusions. Sa table, abondante, accueille, certains jours, de nombreux commensaux. Cependant, ardent au travail, il réussit professionnellement.

Quatrième enfant de la famille, Jacques vient au monde sans avoir été désiré, à Saint-Germain-en-Laye, le 6 avril 1930, et il reçoit le Baptême le 6 juillet suivant; son père a 45 ans. Madame Fesch partage les idées de son mari. Bien que sans pratique religieuse, c’est une bonne mère pour les tout-petits qu’elle chérit et soigne tendrement. Mais quand ils atteignent et dépassent 13 ou 14 ans, elle les délaisse. Les contacts de Jacques avec sa mère deviendront alors froids et réservés.

Jacques grandit sans goût pour quoi que ce soit. Il fréquente divers établissements scolaires d’où il se fait renvoyer à cause de sa paresse et de son indiscipline. Il est mou, apathique, instable et vicieux. Il a toujours beaucoup d’argent, et se modèle sur les maximes de son père: amoralité, mépris du prochain. Il fait tout de même sa première Communion, selon la coutume. Avec son brassard blanc, il a le regard limpide. Mais bientôt, il oublie tout cela; jeune homme, il passe une partie de ses nuits dans des lieux mal famés. Son père ne s’en préoccupe pas.

Au cours des années 1947-1948, Jacques fait la connaissance de Pierrette Polack, dont le père occupe un poste important à la direction des Charbonnages d’Alsace. Chrétienne d’origine, elle a été baptisée et a fait sa première Communion. Elle prend les devants, semble-t-il, pour entrer dans la vie de Jacques qui travaille, tant bien que mal, à cette époque, dans la banque de son propre père.

Les parents de Jacques ne s’entendent pas. Il en résulte une ambiance tendue. Monsieur Fesch, charmant avec les étrangers, se révèle en famille un esprit sarcastique et orgueilleux. En 1950, la famille se disloque. Madame Fesch reste à Saint-Germain-en-Laye, son mari se fixe dans la région de Saumur. Si l’amour de Dieu n’habite pas le coeur des époux, leur mariage est souvent bien fragile: l’expérience du foyer où naquit Jacques Fesch le démontre tragiquement.

Un «mariage» sans amour

En 1950, Jacques part en Allemagne pour son service militaire. Pierrette qui se sait enceinte de lui, trouve un travail à Strasbourg dans les établissements de son père, M. Polack. Après de longues hésitations, elle finit par prévenir Jacques que l’enfant qu’elle attend est de lui. Celui-ci attend sa majorité pour épouser Pierrette civilement, à la mairie de Strasbourg, le 5 juin 1951, un mois avant la naissance du bébé, une petite Véronique. Il avouera: «Je me suis marié parce que, en premier lieu, ma femme était enceinte… Ma femme, je ne l’aime pas, je m’entendais bien avec elle, mais amicalement…» Libéré du service militaire, il trouve du travail dans les établissements de Monsieur Polack. Mais, après avoir commis un détournement de fonds, il se sépare de son beau-père et rompt avec Pierrette; celle-ci dira plus tard: «Il était très malheureux quand nous nous sommes séparés. Je suis sûre qu’il souffrait beaucoup. Il pleurait comme un gosse. Nous n’avons jamais cessé de nous voir». Lorsque Jacques vient voir sa fille Véronique chez son beau-père, il n’est pas invité à entrer: il demeure sur le seuil de la porte pour lui faire des caresses…

Dans le but d’aider son fils, Madame Fesch met à sa disposition la somme d’un million de francs de l’époque, pour lancer une entreprise de transport de charbon (1953), mais Jacques engloutit la moitié de cette somme dans l’achat d’une voiture de sport. De cette époque, il écrira plus tard: «Je me suis retrouvé seul à Saint-Germain-en-Laye, encore plus déséquilibré par cette expérience (la séparation d’avec Pierrette) qui me laissait un goût de remords. J’ai essayé de travailler… un mois. Au premier échec, j’ai tout abandonné…» Un de ses amis, Jacques Robbe, lui fait alors miroiter une aventure au premier abord enthousiasmante: «Qu’y a-t-il de plus romanesque, aventureux et séduisant qu’un ami qui vous susurre à l’oreille les merveilles d’une vie libre de navigateur solitaire?» Jacques Robbe n’est pas méchant mais nocif; il entretient, par des films et des lectures, le rêve fou d’acheter un voilier pour «fuir au loin», mais il abandonnera son camarade au dernier moment… Le voilier coûte deux millions de francs et Jacques Fesch n’a pas d’argent; son père refuse de financer un pareil projet.

Une aventure qui coûtera cher

Une idée folle prend soudain forme dans l’esprit de Jacques: se procurer la somme par le vol! Il accepte de voler parce que cet acte «découle naturellement de sa façon de voir». Les complices auxquels il s’adresse, Robbe et Blot, décident d’attaquer un changeur, M. Silberstein. Ils n’ont pas l’intention de le tuer. Jacques fait cependant un long voyage pour s’emparer d’un pistolet appartenant à son père.

Le 25 février 1954 au matin, Jacques commande chez M. Silberstein la somme de 2 220 000 francs, en lingots d’or, qu’il désire prendre le soir même. Vers 18 heures, il gare sa voiture à proximité du bureau du changeur, prend son pistolet bloqué au cran de sûreté. Robbe et Blot l’abandonnent alors. Le premier s’adresse à un agent de police: «Venez, mon meilleur ami est en train de faire une bêtise». Pendant ce temps Fesch a frappé à la tête Silberstein, avec la crosse de son pistolet, sans réussir à lui faire perdre connaissance. Le banquier appelle au secours. Jacques retire le cran d’arrêt de son pistolet, frappe une deuxième fois Silberstein avec la crosse, et se tire maladroitement une balle dans le doigt. Il rafle l’argent qui se trouve dans le coffre (330000 francs seulement) et s’enfuit à toutes jambes, poursuivi par quelques passants. Il s’engouffre sous la voûte d’une porte cochère et se cache un moment au sommet d’un escalier de service, puis redescend. On le reconnaît. Un agent de police lui crie: «Haut les mains ou je tire!» Jacques, plus rapide, a tiré à travers l’étoffe de son imperméable: la balle atteint l’agent de police en plein coeur et le tue. Jacques continue de fuir et finalement est arrêté par un policier retraité qui lui lance une lourde porte dans la figure et le blesse: il s’écroule.

Pierrette, qui ne se doute de rien, l’attend à proximité du bureau du changeur, dans un café. Ce n’est pas Jacques qui vient la chercher à ce rendez-vous, mais la police. Elle est bientôt reconnue innocente et relâchée, après avoir été confrontée à Jacques dont la tête est encore tout ensanglantée par le coup qu’il a reçu. Le 27 février, le meurtrier est écroué à la prison de la Santé: il y restera trois ans.

Peu après l’arrestation de Jacques, Dieu rallume dans le coeur de Madame Fesch quelques sentiments religieux jamais tout à fait éteints. Avant de mourir d’un cancer et de chagrin, en 1956, elle dira: «J’offre ma vie pour que mon fils meure bien».

L’aurore de la conversion

À la première visite de l’aumônier, Jacques s’exclame d’emblée: «Ce n’est pas la peine! Je n’ai pas la foi». Le prêtre lui fait cependant chaque jour une petite visite de sympathie, comme aux autres détenus. Parmi les livres qu’il lui fournit, un seul retient son attention: le récit des apparitions de Notre-Dame du Rosaire à Fatima. Cette lecture amorce le retour de Jacques à la foi chrétienne. Marie est appelée l’Astre précurseur du Soleil; en effet, quand la dévotion envers la Sainte Vierge s’allume dans une âme, c’est un signe assuré que Dieu viendra bientôt l’enrichir de sa grâce. De plus, d’innombrables personnes, dociles à la demande de Notre-Dame de Fatima, récitent après chaque dizaine de leur chapelet cette prière: «Ô mon Jésus, pardonnez-nous nos péchés, préservez-nous du feu de l’enfer, et conduisez au Ciel toutes les âmes, surtout celles qui ont le plus besoin de votre miséricorde»; sans aucun doute, cette petite prière exerce une influence salutaire sur les âmes pécheresses, et en particulier sur celle de Jacques Fesch.

Un an après le crime, le 28 février 1955, au cours d’une visite à la prison, Pierrette apprend à Jacques les suites d’une dramatique histoire confidentielle, que le couple avait vécue dans l’angoisse en décembre 1953, donc avant l’incarcération. Cette conversation fait naître dans l’âme de Jacques une douleur affective qui lui ôte le sommeil pendant plusieurs nuits. Le 1er mars, il entend distinctement une voix qui n’est pas de la terre, lui dire: «Jacques, tu reçois les grâces de ta mort». Ce choc produit instantanément sa conversion. Dans son Journal spirituel, il précise: «Ce jour-là, j’étais dans mon lit, les yeux ouverts et je souffrais réellement, pour la première fois de ma vie, avec une rare intensité, de ce qui m’avait été révélé touchant certaines choses de famille, et c’est alors qu’un cri jaillit de ma poitrine, un appel au secours: «Mon Dieu!» Et, instantanément, comme un vent violent qui passe sans qu’on sache d’où il vient, le Seigneur m’a pris à la gorge. Et, à partir de ce moment-là, j’ai cru, avec une conviction inébranlable, qui ne m’a pas quitté depuis». Jacques n’a pas déduit l’existence de Dieu d’un raisonnement, il a rencontré Celui qui, seul était capable de le transformer en l’enveloppant de sa tendresse. La peur n’a rien à y voir, car le meurtrier espère bien, à cette époque, échapper à la peine capitale.

Étapes vers la lumière

Après ce passage de l’athéisme au christianisme, se produit, le 2 décembre 1955, une seconde conversion. Jacques s’élève à la ferveur héroïque qui consiste à recevoir sa mort des mains de Dieu, pour soi, et pour les autres: «Je suis comblé, écrit-il: on me sauve malgré moi, on me retire du monde parce que je m’y perdrais… Le châtiment qui m’attend n’est pas une dette que j’aie à rembourser, mais un don que le Seigneur me fait». Il se documente abondamment sur l’âme et sur les fins dernières, l’enfer, la vie des bienheureux dans le Ciel, la Croix. C’est un véritable noviciat de la vie éternelle. Malgré la surveillance continue des gardiens, il prie à genoux. Auprès des membres de sa famille et des autres détenus, son apostolat de néophyte se fait ardent; il les traite rudement pour les réveiller de leur incrédulité, surtout Pierrette, qu’il veut convertir, par amour, car son incarcération a excité en lui un véritable et profond amour pour elle: «Il y a une double transformation en moi, lui écrit-il: la possibilité de t’aimer et le fait que je t’aime». Il l’aime, mais il apprend par expérience que le véritable amour ne va pas sans la souffrance ici-bas. Peu à peu, la foi se réveille dans l’âme de Pierrette. Quelques jours avant la mort de Jacques, elle ira communier, après plus de dix ans de vie loin de l’Église.

La religion sans rabais

Jacques est maintenant persuadé qu’il va mourir, parce que Jésus lui a fait comprendre à deux reprises qu’il recevait des grâces en vue de sa mort. Il regrette que son aumônier ne s’arrête pas suffisamment sur le salut éternel. «Cet aumônier, écrit-il, est un savant homme… mais il en arrive à présenter une synthèse de concepts philosophiques et religieux qui est loin de la simplicité évangélique».

Quant à lui, sans être un obsédé de l’enfer, il a conscience de ses fautes et de ses tendances mauvaises; il regarde la damnation bien en face, comme une possibilité réelle. Cependant, tout son journal parle d’amour vrai et d’espérance ferme du Ciel. «Ma mort est rédemptrice, même si elle paraît injuste. Il ne faut pas lutter contre ce qui a été décidé par Dieu… et qui procède d’une grande miséricorde». La spiritualité de ce prisonnier repenti correspond à la vérité de l’Évangile. Dans l’Exhortation Apostolique Reconciliatio et pænitentia, du 2 décembre 1984, le Pape Jean-Paul II rappelle: «L’Église ne peut omettre, sans une grave mutilation de son message essentiel, particulier et universel, une catéchèse constante sur ce que le langage chrétien traditionnel désigne comme les quatre fins dernières de l’homme: la mort, le jugement (particulier et universel), l’enfer et le paradis; dans un contexte culturel qui tend à enfermer l’homme dans le cadre de sa vie terrestre plus ou moins réussie, on demande aux Pasteurs de l’Église une catéchèse qui ouvre et éclaire avec les certitudes de la foi l’au-delà de la vie présente; derrière les mystérieuses portes de la mort se profile une éternité de joie dans la communion avec Dieu ou de peine dans l’éloignement de Dieu. C’est seulement dans cette vision eschatologique (qui concerne le sort de l’homme après sa mort) que l’on peut avoir la mesure exacte du péché et se sentir poussé de façon décisive à la pénitence et à la réconciliation» (n. 26).

Les secrets de son coeur

Entre le 1er août et le 1er octobre 1957, Jacques rédige son journal spirituel, adressé à sa fille Véronique alors âgée de six ans. Il révèle moins sa familiarité avec les siens que son intimité avec Dieu. Jacques a découvert Jésus, et il souhaite ardemment le faire découvrir à Véronique: «Ce que j’ai, je te le donne pour le jour où, devenue une femme, tu pourras, par ces lignes, suivre la vie de celui qui fut ton papa et qui n’a pas cessé de t’aimer un seul instant». Le journal se conclut ainsi: «Si je réussis à la fin de ces pages à te faire toucher ce que peut être la vie, la vraie vie, celle qui débute dans ce monde pour s’épanouir là où tout est lumière, si tu as pu pressentir la grandeur et le prix d’une âme, et le peu d’intérêt de la réussite terrestre, ces lignes ne seront pas vaines, et peut-être toi-même un jour, devant Dieu sait quelle épreuve, tu puiseras dans cet exemple si près de toi, la force et le courage de discerner de quel côté vient la lumière».

Il prend peu à peu l’habitude de discerner les pensées qui viennent de Dieu et celles qui viennent du démon. Quand Jésus lui fait sentir sa présence, il écrit: «Je voudrais mourir parce que j’ai trop de joie… Il n’y a plus qu’un chant de reconnaissance qui doive jaillir de nos poitrines». Mais des moments de souffrance intérieure ne manquent pas: «Le baromètre de ma spiritualité, qui stationnait à «variable», est en train de descendre de plus en plus vers la pluie et le brouillard: le monde et ses attraits regagnent le terrain qu’ils avaient perdu sous l’invasion de la grâce… Si je ne puis empêcher que des pensées plus ou moins troubles envahissent mon esprit, rien ne peut m’empêcher de me mettre à genoux et de réciter mes prières, même si l’attention n’est plus aussi soutenue… Ce combat s’arrêtera où le bon Dieu voudra qu’il s’arrête… Mon seul mérite consiste en ce que c’est moi qui vais recevoir le couperet sur le crâne!… Ce n’est évidemment pas drôle du tout, mais après je serai si content!… Un seul quart d’heure, opposé à l’éternité!…»

Pendant ce temps se déroulent l’instruction et le procès de Jacques, affaire qui déclenche des débats passionnés aux assises et dans la Presse. Le verdict tombe le 6 avril 1957, veille de la Passion: c’est la condamnation à mort (la peine de mort a été en vigueur en France jusqu’en 1981). Le 11 juillet, le pourvoi en cassation est rejeté. Reste la grâce à demander au Président de la République.

La contemplation du crucifix

Au fur et à mesure qu’approche l’heure de son exécution, Jacques s’unit de plus en plus étroitement à la Passion de Jésus, et en vient même à dire: «J’ai le coeur en joie. Plus d’angoisses, plus de frayeurs, la Sainte Vierge les a enlevées». Il essaie souvent de se mettre à la place de Jésus dans sa Passion: «Ce sont surtout les clous qui doivent faire mal, la main maintenue de force le long du bois, la pointe qu’on appuie sur la main pour bien la centrer; et puis le coup de marteau lancé à toute volée, et les chairs qui éclatent, et le sang qui gicle… Et après la première main, c’est la seconde! Puis les pieds!… Ensuite le moindre mouvement du corps doit faire frotter les plaies autour des clous et provoquer d’intolérables douleurs… Et que penser des souffrances d’une mère qui contemple tout çà et ne peut rien faire pour soulager son fils; pauvre Sainte Vierge, humble, en larmes et silencieuse au pied de la croix…»

Le 30 septembre 1957 en fin d’après midi, l’avocat Baudet prévient son client, Jacques Fesch, que son recours en grâce est rejeté. L’exécution est fixée au lendemain matin. Jacques régularise sa situation matrimoniale en se mariant officiellement avec Pierrette devant l’Église, grâce au curé de Saint-Germain-en-Laye. Le 1er octobre, à trois heures du matin, il se lève et fait son lit. Les dernières lignes de son Journal sont éloquentes: «Dans cinq heures, je verrai Jésus. La paix m’inonde et mes prières coulent comme du miel… Sainte Vierge, ayez pitié de moi! Je crois que je vais arrêter ce journal là où il en est, vu que j’entends des bruits inquiétants. Pourvu que je tienne le coup. Sainte Vierge, à moi! Adieu à tous, et que le Seigneur vous bénisse». Sa dernière lettre sera pour son Père spirituel: «J’attends dans la nuit et la paix… J’ai les yeux fixés sur le crucifix et mes regards ne se détachent pas des plaies de mon Sauveur. Je répète inlassablement: «C’est pour Toi». Je veux garder cette image jusqu’au bout, moi qui vais si peu souffrir… J’attends l’Amour».

Vers 5 heures, l’aumônier et l’avocat de Jacques entrent dans sa cellule. Il se confesse une dernière fois et communie. Il est dans une paix profonde. En son coeur, c’est la certitude du Ciel tout proche, il ne cesse de le répéter. On lui a lié les mains derrière le dos; il dit à l’aumônier: «Le crucifix, mon Père, le crucifix!» Il baise son Seigneur dans l’émotion générale, et il se laisse conduire à l’échafaud. Huit minutes plus tard a lieu l’exécution. De nos jours, le premier octobre correspond avec la fête de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus que Jacques appréciait beaucoup; comme elle, il a fait l’offrande de sa vie à l’Amour Miséricordieux. À l’annonce de la mort de son mari, Pierrette se procure son Journal spirituel et le lit en entier le jour même.

En décembre 1993, le Cardinal Lustiger, archevêque de Paris, a ouvert l’enquête préliminaire à la béatification de Jacques Fesch: «J’espère, a-t-il dit, qu’il sera un jour vénéré comme une figure de sainteté». Sa conversion, en effet, nous invite à ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu et de l’intercession de Notre-Dame.

Comme Ruth la Moabite, qui plut à Booz et qui obtint de lui toute licence de glaner dans son champ les épis laissés par les moissonneurs (Rt 2, 1-13), la Sainte Vierge Marie va, ramassant précieusement dans le champ de l’Église et du monde les âmes perdues, les âmes abandonnées, celles dont personne ne veut plus: elle les met en quelque sorte dans son tablier, les protège contre le Juge redoutable devant lequel, seule, elle a su trouver grâce, et les introduit, comme furtivement, dans les greniers éternels du Père de famille.

Ô très miséricordieuse Vierge Marie, soyez notre guide, notre lumière et notre consolation sur le chemin qui mène au Paradis. Daignez nous conduire comme par la main vers la Cité céleste dont vous êtes la Reine, afin que nous y bénissions durant l’éternité le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation.

C’est dans ces pensées de confiance en Marie, Mère de Miséricorde, que nous prions à toutes vos intentions, sans oublier vos défunts.

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