8 septembre 2007
Saint Marcellin Champagnat
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
Au mois de septembre 1828, dans une voiture publique qui se rend de Saint-Étienne à Saint-Chamond, deux prêtres côtoient trois jeunes gens revêtus d’un costume religieux. L’un des deux ecclésiastiques demande à son confrère quels sont ces religieux dont la modestie le frappe: «Ce sont, répond l’autre prêtre, des Frères qui font la classe aux petits enfants des campagnes – Quel nom portent-ils? – Ils s’appellent les Petits Frères de Marie – Qui a fondé cette communauté? – On n’en sait trop rien. Quelques jeunes gens se sont réunis, ils se sont tracé une règle conforme à leur but, un vicaire leur a prodigué ses soins, Dieu a béni leur communauté et l’a fait prospérer au-delà de toutes les prévisions humaines». Le prêtre qui parle si modestement, dissimulant son nom et son rôle, est leur fondateur, l’abbé Marcellin Champagnat.
Neuvième enfant d’une famille qui en comptera dix, Marcellin est né le 20 mai 1789 au Rosey, petit hameau de la commune de Marlhes dans le département de la Loire. Marlhes est un village de cultivateurs éloigné de toute voie de communication importante. La foi s’y est maintenue intacte, entretenue par le zèle de prêtres fervents. Toutefois, des informations sur la Révolution parviennent jusqu’à Marlhes et les idées nouvelles n’y sont pas sans influence. Jean-Baptiste Champagnat, le père de Marcellin, doté d’une certaine instruction, est promu colonel de la Garde Nationale du canton. Cette fonction le mène à officier pour le culte décadaire, qui remplace la Messe dominicale, dans l’église de Marlhes transformée en temple de la déesse Raison. Il héberge néanmoins chez lui sa soeur, Religieuse, et laisse son épouse et ses enfants assister aux Messes des prêtres réfractaires cachés dans la région. Sa femme, quoique plus effacée que lui, ne manque pas de personnalité.
Un procédé malencontreux
Sous la conduite de sa mère et de sa tante, Marcellin apprend les vérités de la foi, mais sa première scolarisation est sans lendemain. Dès le premier jour de classe, en effet, il est appelé au tableau par le maître; un autre enfant, plus rapide, le devance mais reçoit une paire de claques. Marcellin en est tellement terrorisé qu’il refuse de retourner en classe le jour suivant, malgré les instances de ses parents. Souvent, par la suite, il reviendra sur cet épisode qui lui semblait l’exemple à ne pas suivre. Dans l’éducation des enfants, il commencera par s’interdire l’usage de toute violence. L’autorité, telle qu’il la conçoit, ne requiert pas de pareils procédés.
Marcellin se fait un plaisir de suivre partout son père: au four, au moulin, aux champs, aux pâturages. Il se montre assidu aux travaux et développe une aptitude spéciale pour le négoce: on lui a confié deux jeunes agneaux qu’il soigne et revend quelques mois après. Avec son frère, Jean-Pierre, il projette de monter un commerce lucratif.
Au cours de l’été 1803, deux prêtres se présentent chez les Champagnat. Ils parcourent le diocèse, à la demande de l’archevêque de Lyon, Mgr Fesch, oncle de Napoléon, pour encourager les vocations sacerdotales. Le curé de Marlhes leur a suggéré de visiter cette famille qui compte trois garçons de bonne réputation. Un peu surpris par cette visite, M. Champagnat répond: «Mes enfants ne m’ont jamais manifesté le désir de se faire prêtres. Mais ils sont là tout près; vous pouvez voir vous-mêmes». Ses frères répondent que ce n’est pas leur intention, mais Marcellin manifeste son désir, jusqu’alors inavoué, du sacerdoce. Pour le mettre aux études, on l’envoie chez son beau-frère, instituteur dans un bourg du voisinage. Il s’y trouve dans de bonnes conditions pour rattraper son retard; mais il a la douleur de perdre subitement son père. À la fin de l’année scolaire, le beau-frère affirme à Madame Champagnat: «Votre enfant s’entête à vouloir faire des études, mais vous auriez tort de le laisser faire. Il a trop peu de talents pour réussir, trop de handicaps pour parvenir». Marcellin a conscience de ses limites, mais sa mère le soutient; tous deux vont à La Louvesc, à une journée de marche de Marlhes, où se trouve le tombeau de saint François-Régis, l’apôtre de la région au XVIe siècle. Au retour, le jeune homme déclare: «Préparez mes affaires, je veux aller au séminaire. Je réussirai, puisque Dieu le veut». Il part donc pour le petit séminaire de Verrières, à l’automne de 1805. Là, il s’applique de son mieux à l’étude. Il a seize ans passés; ses camarades de classe, bien plus jeunes que lui, ne lui épargnent pas les moqueries. Les débuts sont bien difficiles et les maîtres peu encourageants. De plus, la conduite de Marcellin laisse parfois à désirer; pour sa fête, sous l’influence de quelques camarades, il va prendre un verre dans un cabaret. À la fin de la première année, Marcellin est jugé incapable de continuer. Il demeure cependant persuadé de l’appel de Dieu et fait un nouveau pèlerinage à La Louvesc; puis il supplie le Supérieur du séminaire de le laisser essayer une nouvelle année. Grâce à un prêtre et à un condisciple qui le soutiennent, ce nouvel essai est couronné de succès. En 1810, Marcellin perd sa mère. Il poursuit cependant ses études durant huit ans au petit séminaire avant d’entrer, le 1er novembre 1813, au grand séminaire Saint-Irénée de Lyon. Les trois années qu’il y passe se déroulent dans une atmosphère de paix, de piété et d’étude, malgré les événements politiques liés à la chute de Napoléon. Une transformation s’opère chez le séminariste dans le sens d’une plus grande fidélité à tous ses devoirs. Pendant les vacances, il fait le catéchisme aux enfants de son village.
«Chargez-vous des Frères!»
Au cours de leur dernière année de séminaire, Marcellin et quelques compagnons, touchés de l’état de déchristianisation du pays, songent à constituer la «Société des Pères maristes», dont les membres seront des missionnaires voués au renouveau de la foi chez les chrétiens, sous la protection de la Très Sainte Vierge. Cette Société verra le jour et s’organisera, peu à peu, de 1817 à 1836, date de son approbation par le Saint-Siège. Marcellin, qui a beaucoup souffert pendant son enfance du manque d’instruction, insiste pour que l’on prenne aussi en charge l’éducation scolaire des enfants. Il voudrait former des Frères éducateurs. Son insistance porte les autres à lui dire: «Eh bien, chargez-vous des Frères, puisque vous en avez eu l’idée!» Il voit là une invitation de Dieu.
Le 22 juillet 1816, Marcellin reçoit l’ordination sacerdotale avec cinquante et un confrères. Le lendemain, douze d’entre eux montent au sanctuaire marial de Fourvière pour consacrer leur ministère et leur vie à la Sainte Vierge, et s’engager à fonder la Congrégation des Pères maristes. Le 13 août suivant, l’abbé Champagnat arrive au village de La Valla, sur les pentes du Mont Pilat, où il est nommé vicaire. La région est pauvre: ces terrains montagneux ne laissent que peu de place aux cultures. La pratique religieuse est faible en raison d’un habitat dispersé et des effets de la Révolution. Le curé dont Marcellin sera vicaire pendant huit ans, est un homme âgé à la parole hésitante, qui prêche le moins possible et ne fait pas de catéchisme. Marcellin, alors âgé de vingt-sept ans, se met à l’oeuvre. Sa sollicitude se porte spécialement sur les enfants. Il les rassemble tous les dimanches et, en hiver, tous les matins. Ses instructions sont simples, claires, émaillées de comparaisons prises dans le milieu où vivent ses auditeurs, de traits puisés dans l’Écriture Sainte et la vie des Saints. Dans ses prêches du dimanche, Marcellin rappelle les grandes vérités de la foi. Il montre parfois une certaine rigueur que sa grande bonté fait accepter. Parce qu’il aime ses ouailles, il peut se permettre de les morigéner quand il les voit se perdre dans l’alcoolisme ou les bals de village, dangereux pour les âmes. Il ne supporte pas les jalousies et les querelles entre proches.
Lui-même étudie chaque jour la théologie. Bientôt, avec l’autorisation de son curé, il célèbre le dimanche après-midi un Office auquel il ajoute quelques réflexions pratiques de nature à toucher ses auditeurs. Ceux-ci viennent de plus en plus nombreux à cette réunion. Sa parole simple et douce fait dire à ses auditeurs: «On voit bien qu’il est du Rosey (son hameau natal); ses paroles sont douces comme des roses!» En toute saison, même dans la tempête et les tourbillons de neige, Marcellin s’impose des heures de marche pour visiter les malades, administrer le sacrement de Pénitence ou assister les mourants. Peu à peu, une véritable transformation s’accomplit chez les chrétiens de La Valla et des environs.
Le 28 octobre 1816, l’abbé est appelé dans un hameau lointain au chevet d’un enfant malade, Jean-Baptiste Montagne. Il constate avec une douloureuse surprise que ce garçon ignore tout de la religion, ne sachant même pas s’il y a un Dieu. Deux heures durant, il l’instruit des rudiments de la foi puis le confesse. Lorsqu’il revient après avoir visité un autre malade, l’enfant n’est plus de ce monde. Plein de reconnaissance à l’égard de la divine Providence qui l’a conduit auprès de ce mourant, il n’en est pas moins bouleversé d’avoir constaté une si profonde ignorance dans une paroisse réputée chrétienne. Désormais, la pensée de fonder, sans retard, une société de Frères qui donneraient aux enfants l’instruction chrétienne, ne le quitte plus.
«Urgence éducative»
Aujourd’hui encore, l’éducation chrétienne des enfants demeure une tâche primordiale. Le Pape Benoît XVI nous le rappelle: «On parle d’une grande «urgence éducative», de la difficulté croissante que l’on rencontre dans la transmission aux nouvelles générations des valeurs fondamentales de l’existence et d’un comportement droit, difficulté qui touche tant l’école que la famille… Nous pouvons ajouter qu’il s’agit d’une urgence inévitable: dans une société et dans une culture qui, trop souvent, font du relativisme leur propre credo – le relativisme est devenu une sorte de dogme –, dans une telle société manque la lumière de la vérité, on considère même dangereux de parler de vérité, on considère cela comme «autoritaire», et l’on finit par douter de la bonté de la vie… Telle est donc la priorité décisive de notre travail pastoral: rapprocher du Christ et du Père la nouvelle génération qui vit dans un monde en grand partie éloigné de Dieu. Chers frères et soeurs, nous devons toujours être conscients qu’une telle oeuvre ne peut être réalisée avec nos seules forces, mais seulement par la puissance de l’Esprit. La lumière et la grâce qui viennent de Dieu et agissent dans le plus profond des coeurs et des consciences sont nécessaires. Pour l’éducation et la formation chrétienne, donc, la prière et notre amitié personnelle avec Jésus sont fondamentales: seul celui qui connaît et aime Jésus peut introduire ses frères dans une relation vitale avec Lui… Dans l’éducation à la foi, un devoir très important est confié à l’école catholique. En effet, celle-ci accomplit sa mission en se fondant sur un projet éducatif qui place en son centre l’Évangile et qui le considère comme un point de référence décisif pour la formation de la personne et pour toute la proposition culturelle. Dans une collaboration convaincue avec les familles et avec la communauté ecclésiale, l’école catholique cherche donc à promouvoir l’unité entre la foi, la culture et la vie qui est l’objectif fondamental de l’éducation chrétienne» (Discours du 11 juin 2007).
Au retour de sa visite au jeune Montagne, Marcellin reçoit deux jeunes qui vont constituer les fondements de sa nouvelle Congrégation. Les débuts de l’oeuvre sont très humbles. Le 2 janvier 1817, l’abbé Champagnat installe ses deux novices dans une petite maison près du presbytère. La pauvreté est extrême. Leur temps est partagé entre la prière, l’étude et le travail manuel. Pour vivre, on fabrique des clous, comme font toutes les familles du voisinage. Bientôt, quatre postulants se joignent aux deux premiers novices. L’un d’eux, Gabriel Rivat, est un enfant de dix ans, élevé dans la piété. Depuis deux ans, il suit assidûment les catéchismes de l’abbé Champagnat et, après sa première communion, il s’est senti appelé à se joindre au groupe des Frères réunis à La Valla. Le 6 mai 1818, sa mère, qui l’a consacré à Marie dans son enfance, le conduit auprès du vicaire. Gabriel, qui prend pour nom frère François, deviendra le successeur du Fondateur à la tête des Frères maristes.
«C’est votre oeuvre!»
Le soin de ses Frères n’empêche pas l’abbé Champagnat de remplir ses fonctions paroissiales. Cependant, le curé trouve que son vicaire en fait trop. Marcellin demande alors et obtient la permission de s’installer dans la maison des Frères, pour la formation desquels il se fait aider par un instituteur. Mais quatre ans après son arrivée à La Valla, constatant qu’il ne trouvera pas sur place d’autres vocations de Frères, il fait une neuvaine à la Sainte Vierge: «C’est votre oeuvre, lui dit-il, pas la mienne. Envoyez-moi des Frères». Sa prière est écoutée et des jeunes venant de plus loin se présentent. Mais les locaux s’avèrent bientôt trop étroits: il devient urgent de construire. Toute la communauté se met à l’ouvrage sous la direction de Marcellin qui se fait maçon ou menuisier.
Entre-temps, le Père Champagnat a commencé la fondation d’écoles, dont une à Marlhes, sa paroisse natale. Toutefois, dans les presbytères de la région, courent des remarques acerbes sur le vicaire de La Valla: «Sa congrégation, insinue-t-on, est une chimère enfantée par l’orgueil et la témérité. Comment, lui, qui n’a ni ressources ni talents, peut-il songer à créer une communauté?» Loin de soutenir son oeuvre, certains curés en détournent les vocations. «On avait tort de se méfier de nous, dira un des disciples de Marcellin, de suspecter les motifs qui nous amenaient à Champagnat. Si ces motifs eussent été humains, nous ne fussions pas restés un seul jour. Qui aurait pu nous retenir dans une maison où nous n’avions pour dortoir qu’une grange, pour lit qu’un peu de paille ou de feuilles sèches, pour nourriture du pain noir qui tombait en miettes tant il était mal cuit, quelques légumes et de l’eau pour boisson?… Ce qui pouvait nous plaire dans une position si contraire à la nature… ce fut la dévotion professée pour Marie. Tant que nous étions, nous fûmes si touchés des belles choses que notre Père Champagnat nous disait de la Sainte Vierge, que rien au monde n’aurait pu nous détourner de notre vocation».
Dans le désarroi
Les rumeurs contre l’oeuvre du vicaire de La Valla remontent jusqu’à l’archevêché de Lyon. Un des vicaires généraux, qui gouverne de fait le diocèse, fait des reproches au Père Champagnat; un autre vicaire général l’approuve. Peu à peu, un climat de défiance se développe contre les Frères enseignants. La communauté vit dans l’attente d’une catastrophe. Dans le désarroi, elle se tourne vers la Sainte Vierge. Mais, le 22 décembre 1823, Mgr de Pins est nommé administrateur apostolique du diocèse de Lyon, et il se montre favorable au Père Champagnat.
Pour l’aider dans sa tâche, Marcellin fait appel à l’abbé Courveille, son ancien condisciple du séminaire, qui dirige la Société des Pères maristes. Dans le même temps, il est relevé de ses fonctions de vicaire de La Valla. Les deux prêtres décident d’acquérir un grand terrain près de Saint-Chamond et d’y construire un vaste bâtiment pour cent cinquante Frères. Le projet est inouï et, dans le voisinage, beaucoup ne le comprennent pas. Une nouvelle campagne de dénigrement se déclenche. Malgré tout, le chantier avance rapidement. On appellera la maison Notre-Dame de l’Hermitage.
Cependant, l’abbé Courveille se donne mission de diriger les Frères qui, pourtant, considèrent Marcellin comme leur Père. Il s’obstine et met au vote le choix du Supérieur. Marcellin est élu à l’unanimité. L’abbé Courveille ne désarme pas; il profite des absences du fondateur, qui va visiter les écoles, pour troubler les Frères. À la fin de décembre 1825, alors que Marcellin rentre d’un voyage, il l’accable de reproches. Épuisé de fatigue et miné par de nombreux soucis, notamment quant aux finances de son oeuvre, le Père Champagnat s’effondre et doit s’aliter. Une semaine plus tard, il est aux portes de la mort. À cette nouvelle, les créanciers se présentent en foule. Heureusement, le curé de Saint-Chamond paye une partie des dettes; mais le désarroi est total dans la maison. La Congrégation semble perdue lorsque, contre toute attente, la santé du fondateur commence à s’améliorer. Toutefois, le Père Champagnat ne recouvrera jamais toutes ses forces. L’abbé Courveille cherche toujours à être reconnu comme Supérieur des Frères. Cependant, en mai 1826, une faute notable l’oblige à se retirer à la Trappe d’Aiguebelle. Soucieux de stabiliser la vocation des Frères, le fondateur leur fait prononcer des voeux de religion lors de la retraite de communauté de 1826.
Savoir se tenir tranquille
Dix ans après sa fondation, l’Institut compte plus de quatre-vingts Frères répartis dans seize établissements. L’abbé Champagnat se préoccupe de sa reconnaissance officielle de la part des pouvoirs publics, spécialement afin d’obtenir pour ses Frères la dispense du service militaire qui durait alors sept ans. Devant l’insuccès de ses efforts, il écrit: «Tôt ou tard, nous obtiendrons cette autorisation… Ce qui nous importe grandement, c’est de faire de notre côté ce que Dieu veut que nous fassions; je veux dire notre possible; après cela, nous n’avons qu’à nous tenir tranquilles, laisser agir sa Providence. Dieu sait mieux que nous ce qui nous convient, ce qui nous est bon. Je suis bien assuré qu’un peu de délai ne nous sera pas contraire». De fait, la reconnaissance publique ne viendra qu’après la mort du fondateur.
Souvent, Marcellin invite ses Frères à se donner totalement à Dieu et aux autres. Lui-même prêche d’exemple. Lorsqu’on lui reproche d’en faire trop, il répond: «Personne n’est indispensable, mais Jésus nous dit: Tant qu’il fait jour, il faut marcher (Jn 12, 35)». Il s’applique à susciter chez ses Frères une solide dévotion à la Sainte Vierge. «D’autres religieux, dit-il, se sanctifient, les uns par la pauvreté, les autres par l’obéissance, d’autres encore par un zèle ardent pour le salut des âmes. Je veux que personne ne dépasse les Frères en amour de Marie, en piété envers Marie». Non seulement Marie est la patronne des Frères qui portent fièrement son nom, mais encore elle est leur Mère, leur modèle, leur première Supérieure, et, suivant l’expression du Fondateur, leur «ressource ordinaire». On s’adresse à elle en toute occasion, on recourt à elle dans tous les dangers, on lui rapporte la gloire de tous les succès. «C’est elle, proclame le Père, qui a tout fait chez nous!» Le 12 mai 2007, le Pape Benoît XVI disait, dans le même sens: «Il n’existe aucun fruit de grâce, dans notre histoire du salut, qui n’ait pour instrument nécessaire la médiation de Notre-Dame».
Vers la fin de l’année 1839, les forces de Marcellin diminuent notablement. Le Père Colin, Supérieur de la Société des Pères maristes, lui suggère de se donner un successeur à la tête des Frères. Au mois d’octobre, un vote aboutit à l’élection du Frère François Rivat. Le Fondateur ne reste pourtant pas dans l’inaction, mais bientôt des maux d’estomac l’empêchent de s’alimenter et le contraignent à se ménager. Au début du mois de mai, il ouvre les exercices du mois de Marie; de retour dans sa chambre, il affirme: «C’est fini pour moi, je sens que je m’en vais». Le 11 mai, il reçoit l’Extrême-Onction, en présence de toute la communauté. «Mes amis, dit-il à ses Frères, l’important c’est de nous aimer les uns les autres. Souvenez-vous que vous êtes frères, que Marie est votre Mère, que vous êtes tous appelés au même héritage qui est le Ciel». La fin du mois de mai se fait très pénible pour le Père. Le 6 juin, vers deux heures trente du matin, Marcellin fait observer au Frère qui le veille que sa lampe s’éteint. Le Frère le détrompe: la lampe n’a pas perdu son éclat. «Je comprends, c’est ma vue qui s’en va, répond le mourant. Mon heure est venue. Que Dieu en soit béni!» Peu après, il entre en agonie. La communauté, assemblée aux aurores, chante auprès de lui le Salve Regina et le Fondateur achève doucement son séjour sur la terre.
Jean-Paul II dira, dans l’homélie de la canonisation de Marcellin Champagnat, le 18 avril 1999: «Grâce à sa foi inébranlable, il est resté fidèle au Christ, même dans les difficultés, au milieu d’un monde parfois dénué du sens de Dieu. Nous sommes appelés, nous aussi, à puiser notre force dans la contemplation du Christ ressuscité, en nous mettant à l’école de la Vierge Marie».
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