3 décembre 2006
Saint François-Xavier
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
«Xavier, que sert à l’homme de gagner l’univers entier, s’il vient à perdre son âme?» (Mt 16, 26). Cet avertissement de Notre-Seigneur est adressé à François-Xavier par Ignace de Loyola qui le commente ainsi: «Pensez-y bien, le monde est un maître qui promet et qui ne tient pas parole. Et quand même il tiendrait ses promesses à votre égard, jamais il ne pourra contenter votre coeur. Mais supposons qu’il le contente, combien de temps durera votre bonheur? En tout cas, pourra-t-il durer plus que votre vie? Et à la mort, qu’emporterez-vous dans l’éternité? Que sert à l’homme de gagner l’univers entier, s’il vient à perdre son âme?» Peu à peu, cette maxime entre dans le coeur de François-Xavier et s’y grave profondément. Ainsi s’amorce un cheminement qui fera de lui un des plus grands saints de l’histoire de l’Église.
Plus qu’une passion
François naît le 7 avril 1506, au château de Xavier en Navarre, au nord-ouest de l’Espagne. En 1512, son père est condamné à la perte de ses biens pour avoir combattu aux côtés du roi de Navarre dans une guerre contre la couronne de Castille; il mourra de chagrin en 1515. L’année suivante, la forteresse de Xavier est démantelée et les terres familiales confisquées. Lorsque Xavier atteint sa majorité, sa famille est ruinée. Dans cette conjoncture, la carrière des armes ne l’attire pas. Quittant sa mère et ses frères en septembre 1525 pour ne plus les revoir en ce monde, il se rend à l’Université de Paris, où il loge au collège Sainte-Barbe en compagnie de condisciples adonnés, pour la plupart, à une vie peu édifiante. Cependant, parmi eux se trouvent deux hommes d’une piété exceptionnelle, Pierre Le Fèvre et Ignace de Loyola. Ce dernier, originaire du Pays basque voisin de la Navarre, médite depuis quelque temps la fondation d’une oeuvre sainte pour le bien de l’Église; ayant constaté les qualités d’âme de Pierre et de Xavier, il cherche à leur faire partager son ambition spirituelle. Ignace emmène donc Pierre Le Fèvre faire les Exercices Spirituels durant trente jours; à l’issue de cette retraite, celui-ci est entièrement gagné à la bonne cause. Pour Xavier, c’est plus difficile. Il est vrai que, grâce aux conseils d’Ignace et de Pierre, il s’est déjà éloigné de relations suspectes et a repoussé les doctrines malsaines mises en circulation à Paris par les partisans de Calvin. Mais le coeur de Xavier, fier et ouvert au souffle d’une ambition mondaine, n’éprouve que du dégoût pour la vie obscure de renoncement que prône Ignace. Celui-ci, fin connaisseur d’âmes, entre d’abord dans les sentiments de Xavier qui, devenu professeur de philosophie, brigue une belle carrière et un vaste auditoire. Ignace lui trouve tant de disciples que Xavier reconnaît en lui un véritable ami à qui il peut se confier. Ignace profite de cette amitié pour lui rappeler la vanité des grandeurs et des avantages de ce monde, et leur inutilité pour la vie éternelle. Que sert à l’homme de gagner l’univers entier, s’il vient à perdre son âme? Xavier, touché par la grâce de Dieu, suit à son tour les Exercices Spirituels, au cours desquels il demande «la connaissance intime du Seigneur qui s’est fait homme pour moi, afin de L’aimer avec plus d’ardeur et de Le suivre avec plus de fidélité» (Ex. Sp. 104). Désormais, il n’aura qu’une passion: aimer et faire aimer Jésus-Christ.
Bientôt, le petit groupe est rejoint par quatre autres étudiants. Ignace propose alors à ses six compagnons de se donner plus complètement à Dieu et de s’unir entre eux par le lien des voeux de religion. Le 15 août 1534, dans la chapelle Notre-Dame de Montmartre, Pierre Le Fèvre, alors le seul prêtre du groupe, célèbre la Sainte Messe au cours de laquelle tous font les voeux perpétuels de pauvreté et de chasteté avec la promesse de se rendre en Terre Sainte ou de se remettre à la volonté du Souverain Pontife. En attendant de connaître la sainte volonté de Dieu, ils se réunissent souvent pour prier et s’encourager mutuellement à la pratique des vertus.
Droit au coeur
Le 25 janvier 1537, les premiers membres de la Compagnie de Jésus se retrouvent à Venise, mais, la situation politique rendant impossible le pèlerinage en Terre Sainte, ils décident d’aller à Rome pour demander la bénédiction du Pape Paul III. Celui-ci les accueille avec bienveillance et leur accorde l’autorisation de se faire ordonner prêtres; cette cérémonie a lieu le 24 juin 1537. Puis, le petit groupe se disperse en plusieurs villes d’Italie. Le Père Xavier est affecté à Bologne où il s’adonne à l’instruction des gens du peuple, des malades et des prisonniers. Ne connaissant pas bien l’italien, il parle peu, mais avec une telle conviction que ses paroles vont droit au coeur des auditeurs. À la fin de 1538, le roi du Portugal, Jean III, demande à Ignace de lui accorder des religieux pour l’évangélisation des Indes. Celui-ci, de concert avec le Pape, met à sa disposition deux religieux, dont François-Xavier. Ce dernier n’est mis au courant que la veille du départ, le 15 mars 1540. Pour tout bagage, il emporte avec lui l’habit dont il est vêtu, son crucifix, un bréviaire et un autre livre.
Après un voyage de trois mois, le Père Xavier arrive à Lisbonne en compagnie de Simon Rodriguez; tous deux sont reçus par Jean III, homme véritablement pieux et soucieux du salut des âmes. En attendant de partir pour les Indes, ils s’adonnent au ministère des âmes dans la capitale du Portugal. Leur dévouement apostolique suscite dans Lisbonne une telle admiration qu’on demande au roi de les garder dans le pays. Ignace décide que Rodriguez restera à Lisbonne; quant au Père Xavier, il partira pour les Indes. Son départ, en compagnie de trois jeunes confrères, a lieu le 7 avril 1541.
À cette époque, le voyage du Portugal aux Indes par le cap de Bonne-Espérance est une aventure dont nul ne peut se flatter au départ de sortir vivant. Si le navire ne fait pas naufrage, les épidémies, le froid, la faim et la soif se chargent souvent de décimer les passagers. Le 1er janvier 1542, le Père Xavier écrit à ses frères de Rome: «J’ai eu le mal de mer pendant deux mois; et tous ont bien souffert pendant quarante jours sur les côtes de Guinée… Telle est la nature des peines et des labeurs que, pour le monde entier, je n’aurais pas osé les affronter un jour seulement. Nous trouvons un réconfort et une espérance sans cesse croissante en la miséricorde de Dieu, dans la conviction que nous manquons du talent nécessaire pour prêcher la foi de Jésus-Christ en terre païenne». Le 6 mai 1542, ils atteignent Goa, sur la côte occidentale de l’Inde.
Premier mode d’oraison
Ayant reçu du Pape les pleins pouvoirs spirituels sur les sujets de l’empire colonial du Portugal, François-Xavier arrive en Inde muni du titre de «Nonce apostolique». Il trouve à Goa une chrétienté confrontée aux exemples peu édifiants de certains européens. Grâce à son zèle, avant même la fin de l’année, Goa paraît bien changée; un bon nombre d’âmes y marchent déjà dans la voie de la perfection: le Père Xavier les soutient en les exerçant à méditer, suivant la méthode que saint Ignace appelle le «premier mode d’oraison» (Ex. Sp. 238-248). Cette façon de méditer consiste à s’examiner sur les dix commandements de Dieu, les sept péchés capitaux, les trois puissances de l’âme (mémoire, intelligence, volonté), et les cinq sens corporels. On y demande à Dieu la grâce de savoir en quoi l’on a observé ou transgressé ses commandements, et le secours nécessaire pour se corriger à l’avenir. L’évêque de Goa désire que le Père Xavier poursuive le grand bien qu’il a fait dans la ville, mais celui-ci, poussé par l’Esprit de Dieu, aspire à de plus larges conquêtes. Comme les apôtres, il brûle du désir d’affronter les dangers, les souffrances, les persécutions, pour gagner le plus d’âmes possible à Jésus-Christ. Le gouverneur de Goa, qui connaît son zèle, entre dans ses vues et lui signale les vingt mille hommes de la tribu des Paravers, précipitamment baptisés huit ans auparavant sur la côte de la Pêcherie, et qui, depuis, sont retournés à leur ignorance et à leurs superstitions.
Le Père Xavier écrit dans une lettre à saint Ignace: «Je pars content: supporter les fatigues d’une longue navigation, prendre sur soi les péchés d’autrui, quand on a bien assez des siens propres, séjourner au milieu des païens, subir les ardeurs d’un soleil brûlant, et tout cela pour Dieu; voilà sûrement de grandes consolations et un sujet de joies célestes. Car enfin la vie bienheureuse pour les amis de la croix de Jésus-Christ, c’est, ce me semble, une vie semée de telles croix… Quel bonheur égal à celui de vivre en mourant chaque jour, en brisant nos volontés pour chercher et trouver non ce qui nous profite, mais ce qui profite à Jésus-Christ?» Les Chrétiens qu’il trouve sur la côte de la Pêcherie ignorent tout de leur religion. Aussi, le Père Xavier commence-t-il par les rudiments de la foi: le signe de la croix accompagné de l’invocation des trois Personnes en Dieu; le Credo, les dix commandements, le Pater, l’Ave, le Salve Regina, le Confiteor.
Ce souci de transmettre les rudiments de la foi est celui de l’Église. En effet, à notre époque marquée par une surabondance d’information et la spécialisation des études supérieures, on constate que les vérités les plus simples, celles qui conduisent au salut éternel, ne sont pas transmises. C’est pourquoi le Saint-Père Benoît XVI a promulgué le Compendium du Catéchisme de l’Église Catholique qui, «dans sa brièveté, sa clarté et son intégralité, s’adresse à toute personne qui, vivant dans un monde incohérent et aux multiples messages, désire connaître le Chemin de la Vie, la Vérité confiée par Dieu à l’Église de son Fils» (Motu proprio approuvant le Compendium, 28 juin 2005).
«Si les ouvriers ne manquaient…»
Devant cette riche moisson d’âmes, et à la pensée du bien immense qu’on pourrait faire avec le concours de nombreux ouvriers, François-Xavier se tourne vers l’Europe où tant d’hommes intelligents consument leurs forces en des occupations sans grande utilité. «Bien des fois, écrit-il, il me vient à la pensée d’aller aux universités d’Europe et là, à grands cris, comme un homme qui a perdu le sens, de dire à des hommes plus riches de science que du désir d’en tirer parti, combien d’âmes, par leur négligence, sont frustrées de la gloire céleste et vont en Enfer! Si, tout en étudiant les lettres, ils s’étudiaient aussi à considérer le compte que Dieu leur en demandera, beaucoup d’entre eux, touchés de ces pensées, recourraient à des moyens, à des exercices spirituels faits pour leur donner la connaissance vraie et l’intime sentiment de la volonté divine; ils se conformeraient plus à elle qu’à leurs propres inclinations, et ils diraient: «Me voici, Seigneur: que voulez-vous que je fasse? Envoyez-moi où vous voulez, et si c’est nécessaire, même aux Indes…» J’ai été près d’écrire à l’université de Paris que des millions et millions de païens se feraient Chrétiens, si les ouvriers ne manquaient…»
Se soucier de l’âme
Le 7 avril 2006, le Cardinal Antonio María Rouco Varela, archevêque de Madrid, lors d’une Messe célébrant le cinquième centenaire de la naissance de saint François-Xavier, a expliqué ainsi cette passion du saint: «Xavier se souciait de l’âme: son âme et celle de toutes les personnes, l’âme de chaque être humain. Il se souciait de l’«âme», car il se souciait de la vie: la vie dans sa plénitude, la vie dans le bonheur, la vie éternelle… Il se souciait du salut de l’homme et pour cela, sa vie consista à se consumer afin que chaque créature qu’il rencontrait puisse connaître et faire sienne la vérité selon laquelle Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle (Jn 3, 16). Précisément en vertu de l’amour qu’il nourrissait pour l’homme, il désirait que le plus grand nombre possible de peuples et de personnes parviennent à la foi chrétienne; c’est ainsi que s’explique sa recherche inlassable des âmes jusque dans les lieux les plus reculés où n’était pas encore parvenue la Bonne Nouvelle de Jésus».
Telle est la multitude de ceux que François-Xavier amène tous les jours à la foi, que souvent il lui arrive d’avoir les bras lassés à force de baptiser. Accablé de travaux, il ne se trouve seul que pendant les nuits qu’il consacre en grande partie à ses exercices religieux et à l’étude de la langue du pays. Mais Dieu ne délaisse jamais ses serviteurs: Il inonde l’âme du missionnaire de consolations célestes; Il lui accorde largement le don des miracles. À la fin d’octobre 1543, le Père Xavier décide de retourner à Goa pour y chercher du renfort. Là, il apprend – avec trois ans de retard – que Paul III a approuvé la Compagnie de Jésus et qu’Ignace a été élu Général. Il fait donc sa profession solennelle, en utilisant la formule dont se sont servis ses Frères de Rome.
Cependant le Père sait que d’autres contrées attendent la Bonne Nouvelle. Il est perplexe: doit-il pousser vers ces terres lointaines, où le nom du Christ est inconnu de tant d’hommes? Il se rend auprès du tombeau de l’apôtre saint Thomas pour demander à Dieu de l’éclairer. Il y reste quatre mois (avril-août 1545), rendant service au curé de la paroisse, qui dira de lui: «Il menait en tout la vie des apôtres». «Dans la sainte maison de saint Thomas, écrit le missionnaire aux Pères de Goa, je me suis employé à prier sans interruption pour que Dieu notre Seigneur m’accorde de sentir en mon âme sa très sainte volonté, avec la ferme résolution de l’accomplir… J’ai senti avec grande consolation intérieure, que c’était la volonté de Dieu que j’aille dans ces lieux de Malacca, où l’on a récemment fait quelques Chrétiens».
Après quelques mois passés à la presqu’île malaise de Malacca, où il ne craint pas d’aller chercher les pécheurs à domicile, dans les maisons de jeux et de plaisirs pour les ramener dans le bon chemin, il commence, le 1er janvier 1546, une croisière de plus de 2000 km au cours de laquelle il évangélise plusieurs îles, en particulier l’île du More où il risque sa vie au milieu de populations cannibales. Dans une lettre à ses confrères d’Europe qui s’inquiètent de cette aventure, il répond: «Il est nécessaire que les âmes de l’île du More soient instruites et que quelqu’un les baptise pour leur salut. J’ai de mon côté l’obligation de perdre la vie du corps pour assurer à mon prochain la vie de l’âme. J’irai donc à l’île du More, pour y secourir spirituellement les Chrétiens, et j’affronterai tout péril, me confiant en Dieu notre Seigneur et mettant en Lui toute mon espérance. Je veux, dans la mesure de mes petites et misérables forces, faire en moi l’épreuve de cette parole de Jésus-Christ, notre Rédempteur et Seigneur: Quiconque voudra sauver sa vie la perdra; mais quiconque perdra sa vie à cause de moi la trouvera (Mt 10, 39)».
Le salut intégral
Le zèle de saint François-Xavier qui s’est dépensé sans compter pour annoncer l’Évangile à des milliers d’âmes, constitue une leçon et un exemple pour notre génération; il nous rappelle l’urgence et la nécessité de la mission, en conformité avec l’enseignement de Jean-Paul II: «Aujourd’hui, la tentation existe de réduire le christianisme à une sagesse purement humaine, en quelque sorte une science pour bien vivre. En un monde fortement sécularisé, est apparue une «sécularisation progressive du salut», ce pourquoi on se bat pour l’homme, certes, mais pour un homme mutilé, ramené à sa seule dimension horizontale. Nous savons au contraire que Jésus est venu apporter le salut intégral qui saisit tout l’homme et tous les hommes en les ouvrant à la perspective merveilleuse de la filiation divine. Pourquoi la mission? Parce que, à nous comme à saint Paul, a été confiée cette grâce-là, d’annoncer aux païens l’insondable richesse du Christ (Ep 3, 8). La nouveauté de la vie en lui est la Bonne Nouvelle pour l’homme de tous les temps: tous les hommes y sont appelés et destinés… L’Église, et en elle tout Chrétien, ne peut cacher ni garder pour elle cette nouveauté et cette richesse, reçues de la bonté divine pour être communiquées à tous les hommes» (Encyclique Redemptoris Missio, 7 décembre 1990, n. 11).
Le Japon… et la Chine
En décembre 1547, le Père Xavier fait la connaissance d’un noble Japonais du nom d’Anjiro. Celui-ci erre depuis cinq ans en quête d’un maître spirituel qui puisse rendre la paix à son âme. «Nous découvrîmes le Père François, racontera Anjiro, dans l’église Notre-Dame de la Montagne, où il célébrait un mariage. Je tombai complètement sous le charme et lui donnai un long récit de ma vie. Il m’embrassa et parut si enchanté de me voir qu’il était évident que Dieu lui-même avait arrangé notre rencontre». Au cours de ses conversations, le Père s’informe sur le Japon. En apprenant que «le roi, la noblesse et tous les gens de distinction se feraient Chrétiens, car les Japonais sont entièrement guidés par la loi de la raison», c’en est assez pour lui; il partira au Japon.
Cependant, conscient de ses devoirs de Nonce apostolique, il reprend contact avec les Indes et retourne à Goa, qu’il quittera le 15 avril 1549 pour le Japon. Le 15 août suivant, il aborde à Kagoshima où il passe plus d’un an à s’initier à la langue et aux coutumes japonaises. Vers la fin de 1550, il part pour la résidence du plus puissant prince du Japon, puis pour la capitale. Là, une grande déception l’attend: le roi, qui de fait n’est qu’un fantoche, ne le reçoit même pas. Le Père Xavier obtient cependant du prince la permission de prêcher la foi chrétienne, et a la joie d’accueillir quelques centaines de conversions. Mais bientôt une révolution éclate, et le missionnaire doit partir. N’ayant pas de nouvelles des Indes depuis deux ans, il décide de retourner à Malacca, où il arrive à la fin de 1551. C’est là qu’il reçoit une lettre de saint Ignace écrite plus de deux ans auparavant, le nommant «Provincial de l’Est», c’est-à-dire de toutes les missions de la Compagnie de Jésus depuis le cap Comorin, au sud de l’Inde, jusqu’au Japon.
Le 17 avril 1552, le missionnaire prend de nouveau la mer, à destination de la Chine cette fois. Ce voyage, le dernier de sa vie, servira aux ultimes dépouillements et l’assimilera au Christ souffrant. Au début de septembre 1552, il atteint l’île de Sancian, à dix kilomètres des rivages de Chine. Les quelques portugais qui y font alors escale l’accueillent avec joie, lui construisent une hutte de bois et une petite chapelle de branchages. Le Père Xavier commence aussitôt à s’occuper des enfants et des malades, à prêcher, catéchiser, confesser. Cependant, il cherche à prendre contact avec quelque «passeur» chinois qui le mènerait clandestinement à Canton. En effet, l’accès des rivages de Chine est sévèrement interdit; quiconque s’aventure à braver cette défense est voué, s’il est pris, à la torture et à la mort. Au moins à deux reprises, le missionnaire trouve un homme qui consent à l’y conduire moyennant une forte somme d’argent: chaque fois, l’argent touché, le «passeur» disparaît.
Le 21 novembre, le Père Xavier célèbre sa dernière Messe. En descendant de l’autel, il se sent défaillir. Il essaie de reprendre la mer, mais le roulis du navire lui est insupportable. Ramené à Sancian, il passe les derniers jours de sa vie à demi inconscient. Privé de remèdes, et certain de sa mort prochaine, il lève les yeux au Ciel et converse avec Notre-Seigneur ou Notre-Dame: «Jésus, Fils de David, ayez pitié de moi – Ô Vierge, Mère de Dieu, souvenez-vous de moi». C’est en prononçant le nom de Jésus qu’il rend le dernier soupir, à l’aube du 2 décembre 1552. Il n’a que quarante-six ans. Son corps fut ramené à Goa où il est toujours vénéré des fidèles. François-Xavier, canonisé en même temps qu’Ignace de Loyola le 12 mars 1622, est le patron céleste des missions catholiques.
Lorsqu’on considère la vie de ce géant de sainteté, on est frappé par la quantité de travaux et de souffrances qu’il a pu endurer. Son secret se trouve dans un amour sans limites pour Jésus. Dans les Exercices Spirituels, saint Ignace lui a appris à entendre l’appel du Christ: «Ma volonté est de conquérir le monde entier, de soumettre tous mes ennemis, et d’entrer ainsi dans la gloire de mon Père. Que celui qui veut venir avec moi travaille avec moi; qu’il me suive dans les fatigues, afin de me suivre aussi dans la gloire» (Ex. Sp. 95). Docile, François-Xavier s’est montré «prompt et diligent à accomplir la très sainte volonté de Jésus» (ibid. 91); à son tour, il s’est donné sans compter à tous les travaux pour étendre le règne de Dieu sur la terre. Qu’il nous obtienne la grâce d’être comme lui remplis de zèle pour le salut éternel du prochain.
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