6 janvier 2007
Monseigneur Boleslas Sloskans
Bien chers Amis,
Qui nous séparera de l’amour du Christ? Sera-ce la tribulation, l’angoisse, la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive?… Mais en tout cela nous sommes les grands vainqueurs par Celui qui nous a aimés. Oui, j’en ai l’assurance, ni la mort, ni la vie… rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus, Notre Seigneur (Rm 8, 35-39). Ces paroles de saint Paul s’appliquent tout spécialement à la vie de Mgr Sloskans, évêque letton qui, après un an d’épiscopat, a souffert pour la foi; incarcéré dans dix-sept prisons soviétiques, il a connu la déportation en Sibérie et un exil de plus de quarante ans loin de ses diocèses de Moghilev et Minsk en Biélorussie. Sa vie témoigne de la présence de Jésus-Christ dans son Église, et en chacun de ses disciples: le Sauveur leur donne force et lumière, même dans des conditions humainement insupportables.
Boleslas Sloskans est né le 31 août 1893, dans le village de Tiltagals (l’actuelle Stirniene), en Lettonie. Ce pays balte faisait alors partie de l’empire russe des Tsars. Les parents de Boleslas, qui sont catholiques, ont la joie de mettre au monde six enfants. La formation religieuse se fait au sein de la famille. À l’issue de ses études primaires, Boleslas informe son père de son intention de devenir prêtre. Celui-ci marque son accord d’un coup de poing sur la table, mettant comme seule condition que son fils s’engage à devenir un bon prêtre. À la fin de sa formation au séminaire de Saint-Pétersbourg, Boleslas est envoyé parfaire ses études à l’Académie de théologie de cette même ville, avant son ordination sacerdotale: par humilité, il ne s’était pas senti digne de devenir prêtre. Mais à l’Académie on découvre qu’il n’est pas encore prêtre et il est alors ordonné le 21 janvier 1917. À l’automne suivant éclate la révolution bolchévique; les communistes s’emparent du pouvoir. Peu à peu, l’enseignement religieux est interdit, les églises sont fermées, les évêques et les prêtres emprisonnés. En novembre 1918, la Lettonie, qui avait été intégrée à la Russie depuis le XVIIIe siècle, obtient son indépendance, mais le jeune Boleslas décide de rester en Russie soviétique. Par la suite il va même renoncer à sa citoyenneté lettonne pour pouvoir y demeurer.
«Un homme simple mais saint»
À la suite de la révolution d’octobre 1917, le Saint-Siège se préoccupe de la situation de l’Église catholique en Union soviétique. Pour assurer à l’Église latine de meilleures chances de survie, il faudrait consacrer de nouveaux évêques. Le Père Michel d’Herbigny, jésuite, reçoit de Pie XI la mission de réaliser ces consécrations épiscopales. En 1926, il obtient un visa pour visiter les communautés françaises de Russie. En route vers Moscou, le Père d’Herbigny est reçu à Berlin par le nonce apostolique, Mgr Pacelli, le futur pape Pie XII, qui le sacre secrètement évêque. À Moscou, Mgr d’Herbigny ordonne évêque tout d’abord un religieux assomptionniste français, le Père Pie-Eugène Neveu. Celui-ci lui recommande, parmi d’autres candidats, le tout jeune Boleslas Sloskans, un «homme simple mais saint». Le 10 mai, avec l’abbé Alexander Frison destiné pour le diocèse d’Odessa, il est consacré, dans le plus grand secret, dans l’église de Saint-Louis-des-Français de Moscou, et chargé des diocèses de Moghilev et Minsk, en Biélorussie, au titre d’administrateur apostolique. Il a trente-deux ans. Au mois de septembre suivant, il fait connaître officiellement sa consécration épiscopale, ce qui ne l’empêche pas d’adopter une ligne de conduite sans complaisance à l’égard des autorités publiques.
À Moghilev, il s’aperçoit qu’il est espionné par les agents du Guépéou, la police de sûreté de l’État. Il pèse donc soigneusement chacune des paroles prononcées en public. Au début de septembre 1927, il entreprend un voyage de quinze jours pour visiter les régions relevant de sa juridiction. Pendant son absence, le Guépéou organise des perquisitions dans sa maison. À son retour, le 16 septembre dans la nuit, il est visité par des agents de la police qui procèdent à une nouvelle perquisition. Ils découvrent des cartes d’état-major et des documents militaires cachés derrière des tableaux, toutes pièces qui avaient été mises en place par les sbires du Guépéou lors d’une perquisition précédente. Il est immédiatement arrêté. Un simulacre d’instruction est organisé. Les interrogatoires éreintants ont lieu de préférence la nuit. Après avoir subi pendant plusieurs mois des traitements inhumains dans diverses prisons, Mgr Sloskans est condamné à trois ans de travaux forcés dans les camps de concentration de Solovki, un archipel de la Mer Blanche couvert de forêts, au climat glacial et humide. On lui avouera plus tard que l’accusation d’espionnage n’était qu’un prétexte pour l’éloigner de son diocèse: s’il avait été véritablement reconnu comme espion, la peine aurait été beaucoup plus lourde.
«Ce qui me rend si heureux»
Malgré les tourments qu’il a déjà subi, Mgr Sloskans écrit à ses parents: «Vous avez sûrement appris par les journaux que je suis arrêté. Après six mois, il m’est enfin possible de vous écrire. J’ai toujours aimé prêcher la parole de Notre-Seigneur: Pas un cheveu de votre tête ne tombera sans que Dieu l’ait voulu (cf. Mt 10, 30). Je sais maintenant d’expérience que tout ce qui arrive par la volonté ou la permission de Dieu est œuvre de salut. Au cours des quinze dernières années de ma vie, je n’ai jamais reçu autant de grâces que pendant les cinq mois de ma captivité. La captivité est le plus grand et le plus bel événement de ma vie intérieure, bien que je regrette de ne plus pouvoir dire la Messe. Chers parents, priez pour moi, mais faites-le sans angoisse et sans tristesse. Laissez votre cœur s’ouvrir au plus grand amour possible. Je suis si heureux parce que j’ai appris maintenant à aimer tous les hommes, sans exception, même ceux qui semblent ne pas mériter cet amour. Ils sont les plus malheureux. Je vous en supplie, ne laissez aucun sentiment de vengeance ou d’amertume pénétrer dans votre cœur. Si nous nous permettions pareille chose, nous ne serions plus des Chrétiens, mais des fanatiques. Je suis condamné à trois ans. Je vous le demande encore: Priez! Que la bénédiction du Dieu Tout-Puissant, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, descende sur vous et repose sur vous toujours».
La foi profonde de Mgr Sloskans dans l’action de la Providence divine s’appuie sur des vérités que rappelle le Catéchisme de l’Église Catholique: «Le témoignage de l’Écriture est unanime: la sollicitude de la divine Providence est concrète et immédiate, elle prend soin de tout, des moindres petites choses jusqu’aux grands événements du monde et de l’histoire… «Dieu Tout-Puissant…, puisqu’Il est souverainement bon, ne laisserait jamais un mal quelconque exister dans ses œuvres s’Il n’était assez puissant et bon pour faire sortir le bien du mal lui-même» (Saint Augustin)… Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu (Rm 8, 28). Le témoignage des Saints ne cesse de confirmer cette vérité: ainsi, sainte Catherine de Sienne dit à «ceux qui se scandalisent et se révoltent de ce qui leur arrive»: «Tout procède de l’amour, tout est ordonné au salut de l’homme, Dieu ne fait rien que dans ce but». Et saint Thomas More, peu avant son martyre, console sa fille: «Rien ne peut arriver que Dieu ne l’ait voulu. Or, tout ce qu’Il veut, si mauvais que cela puisse nous paraître, est cependant ce qu’il y a de meilleur pour nous»» (nn. 303, 311-313).
Les conditions de détention à l’archipel Solovki sont très dures: travaux lourds, régime alimentaire en dessous du minimum, privations et traitements inhumains de toutes sortes. Un grand nombre de prisonniers y trouve la mort. Mgr Sloskans et les autres prêtres détenus sur l’archipel s’organisent pour célébrer la Messe. On met à leur disposition la chapelle orthodoxe Saint-Germain, mais bientôt les autorités du camp la ferment. Ils célèbrent alors en cachette: pour cela ils fabriquent un calice en étain et utilisent le couvercle d’une boîte de conserve comme patène. Leur seul vêtement liturgique est un surplis avec une étole, et leur Missel est un livre de prière où se trouve le texte de la Messe. Les hosties et le vin leur parviennent grâce à la bienveillance d’un geôlier, mais quand le vin manque, Mgr Sloskans en fabrique à partir de raisins secs trempés dans l’eau. Le 7 septembre 1928, dans le plus grand secret, Mgr Sloskans ordonne prêtre un des détenus, Donat Nowicki.
Le fil qui relie les siècles
À la fin d’octobre 1928, la chapelle Saint-Germain est fermée par les autorités du camp. Les prêtres décident alors de célébrer la Messe en cachette, la nuit, dans un grenier au-dessus de leur cellule. Le matin, dans le convoi qui se rend au travail, Mgr Sloskans distribue en toute discrétion les hosties consacrées aux catholiques qui le désirent et cache celles qui restent sous les racines d’un arbre, enveloppées dans un morceau d’étoffe pourpre pour que ceux qui n’ont pas communié le matin puissent le faire dans la journée. Cet épisode illustre l’affirmation suivante du Compendium du Catéchisme de l’Église Catholique: «L’Eucharistie constitue le fil rouge qui, à partir de la dernière Cène, relie tous les siècles de l’histoire de l’Église jusqu’à nous aujourd’hui. Les paroles de la consécration : «Ceci est mon Corps» et «Ceci est mon Sang», ont été prononcées, toujours et partout, même dans les goulags, dans les camps de concentration, dans les milliers de prisons qui existent encore aujourd’hui. C’est sur cet horizon eucharistique que l’Église fonde sa vie, sa communion et sa mission» (Introduction de la 2e partie: Explication du tableau «Jésus donne la Communion aux douze Apôtres»).
Mais en janvier 1929, les prêtres sont dispersés dans d’autres groupes de prisonniers ou dans des cellules isolées. Mgr Sloskans est transféré à l’île Anser. Le 29 octobre 1930, après avoir purgé sa peine de trois ans, il est remis en liberté. Il choisit de retourner à Moghilev; là, il constate que beaucoup de ses fidèles ont disparu sans laisser de trace, surtout ceux qui avaient envoyé des colis à des prêtres en captivité. De nombreux enfants, influencés par l’enseignement athée, sont prêts à dénoncer leurs parents à la police lorsque ceux-ci manifestent des convictions contraires à la propagande communiste. Huit jours après son retour, Mgr Sloskans est à nouveau arrêté: en son absence et sans procès, il avait été condamné à une période supplémentaire d’exil.
En décembre 1930, durant le voyage long et épuisant vers la Sibérie, une conviction inébranlable l’habite: il n’est pas seul. Il se souvient des paroles du psaume: Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer… Passerais-je un ravin de ténèbres, je ne crains aucun mal… Car Toi, mon Dieu, Tu es avec moi. Ton bâton, ta houlette sont là qui me consolent (Ps. 22 [23]). À Ienisseïsk, il descend du train; au moment où celui-ci redémarre, quelqu’un lui lance un paquet mal ficelé. Il y trouve un petit livre intitulé Histoire d’une âme, l’autobiographie de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Au mois de juin suivant, il lui faut partir plus au nord encore vers le lieu-dit Starotouroukhansk. Là, vit une petite colonie de treize familles, installées sur les plaines glacées. L’habitat est constitué par des baraques en bois d’une seule pièce où loge et vit toute la famille. Mgr Sloskans est hébergé par une des familles qui lui cède un coin de sa baraque. Il est libre de ses mouvements, mais le village est entouré d’immenses champs de neige et la ville la plus proche est à 1400 km. Dans une des rares forêts du lieu, il remarque une roche émergeant du sol. Là, seul au milieu des arbres, devant la vaste création de Dieu, il parvient à célébrer la Messe, le mystère de la foi, la victoire de la vie sur la mort, la résurrection après la souffrance.
Un rayon qui traverse les nuages
Mgr Sloskans puise dans l’Eucharistie la force surnaturelle qui lui est indispensable pour vivre sa vie d’exilé. «L’Eucharistie est vraiment un coin du ciel qui s’ouvre sur la terre! affirmait le Pape Jean-Paul II. C’est un rayon de la gloire de la Jérusalem céleste, qui traverse les nuages de notre histoire et qui illumine notre chemin» (Encyclique Ecclesia de Eucharistia, 17 avril 2003, n. 19). «L’Église a reçu l’Eucharistie du Christ son Seigneur non comme un don, pour précieux qu’il soit, parmi bien d’autres, mais comme le don par excellence, car il est le don de Lui-même, de sa personne dans sa sainte humanité, et de son œuvre de salut… Quand l’Église célèbre l’Eucharistie, mémorial de la mort et de la résurrection de son Seigneur, cet événement central du salut est rendu réellement présent et ainsi s’opère l’œuvre de notre rédemption. Ce sacrifice est tellement décisif pour le salut du genre humain que Jésus-Christ ne l’a accompli et n’est retourné vers le Père qu’après nous avoir laissé le moyen d’y participer comme si nous y avions été présents» (Ibid. n. 11). Dans la communion, l’évêque exilé reçoit un avant-goût du ciel: «Celui qui se nourrit du Christ dans l’Eucharistie n’a pas besoin d’attendre l’au-delà pour recevoir la vie éternelle: il la possède déjà sur la terre» (Ibid. n. 18).
Pour subvenir à ses besoins, Mgr Sloskans fabrique des filets et passe beaucoup de temps à pêcher. En attendant des jours meilleurs, ce pasteur de l’Église de Dieu s’abandonne entièrement à la Providence, dans une vie de prière et de sacrifice. En novembre 1932, il est emmené à Krasnoïarsk, ville qu’il n’atteint qu’après 35 jours de voyage en traîneau. Il y arrive la veille de Noël; on l’enferme dans une geôle glaciale où il reste seul pendant deux jours sans nourriture. Il écrira: «Ce fut la fête de Noël la plus dure de ma vie!» Bientôt, il quitte son cachot pour être conduit à Moscou. Là, on le met dans une cellule relativement confortable où il reçoit la visite de l’ambassadeur de la République de Lettonie qui lui annonce sa libération prochaine. Cette libération est un échange entre un ou plusieurs espions soviétiques détenus par la Lettonie, et lui.
Le bon pasteur
Le plus grand désir de Mgr Sloskans n’est pas de rentrer au pays natal, mais de retrouver ses fidèles à Mohilev et à Minsk: «Le bon pasteur n’abandonne pas son troupeau!» s’écrie-t-il. Seul un ordre du Pape pourrait le décider à quitter l’U.R.S.S. Or, un personnage influent réussit à le convaincre que tel est bien le désir du Pape et, dans un esprit d’obéissance, il accepte et arrive à Riga, capitale de la Lettonie, le 22 janvier 1933. Peu après, il part pour Rome où il est reçu comme un «confesseur de la foi». Le Pape l’invite à célébrer à ses côtés l’ouverture de la Porte sainte de la basilique Saint-Pierre pour le jubilé de l’année sainte 1933, qui commémore le dix-neuvième centenaire de la mort du Christ. Puis, le Saint-Père lui suggère de rester un an à Rome. Un jour, parlant avec le Pape des circonstances de sa remise en liberté, il apprend que, contrairement à ce qu’on lui avait dit, jamais celui-ci n’avait demandé qu’il quitte l’U.R.S.S., abandonnant ses fidèles russes. Cette révélation lui est très douloureuse et il en gardera l’amer secret dans son cœur jusqu’à sa mort, n’en parlant qu’à quelques amis intimes.
De retour à Riga, Mgr Sloskans donne des cours de théologie morale à la faculté de théologie et parcourt le pays pour faire des conférences ou prêcher des retraites. Le 17 juin 1940, la Lettonie est envahie par l’armée soviétique et annexée par Staline. La persécution contre les croyants se met en place. Mgr Sloskans parvient à échapper aux agents de la police politique qui le recherchent. Mais en juin 1941, l’Allemagne s’empare à son tour de la Lettonie. Le libre accès aux édifices du culte est rétabli. En 1944, les Allemands sont chassés de la Lettonie par les Russes. Mgr Sloskans ainsi que deux autres évêques catholiques, Urbss et Rancans, sont emmenés de force par l’armée allemande en Allemagne.
Au printemps de 1947, Mgr Sloskans se rend en Belgique où on lui confie le soin de séminaristes lettons réfugiés dans ce pays. Ces jeunes viennent, en 1948, étudier à l’université de Louvain, où l’évêque letton les rejoint. En 1951, le Père Abbé du Mont-César invite Mgr Sloskans à s’installer dans son abbaye. Là, il partage désormais la vie des moines. Il n’est pourtant pas reclus: le Pape Pie XII lui confie diverses missions. D’autre part, il exerce son ministère épiscopal en de nombreuses occasions: confirmations, ordinations. Chaque année, il se rend en pèlerinage à Lourdes avec la Ligue paysanne belge. Il prend aussi l’habitude de séjourner tous les ans chez les Sœurs du Pauvre Enfant-Jésus, à Simpelveld, dans le Limbourg. Mais surtout, il mène une intense vie de prière, offre son exil pour ses fidèles et prie pour ses anciens bourreaux envers lesquels il n’entretient aucune rancune. Il reste parfois plusieurs heures à genoux ou assis à méditer devant le Très Saint Sacrement.
Un véritable dialogue d’amour
L’exemple de Mgr Sloskans est un encouragement à la prière. Dans sa lettre apostolique Novo millenio ineunte, le Pape Jean-Paul II écrivait: «Il faut un christianisme qui se distingue avant tout dans l’art de la prière… Mais nous savons bien aussi que la prière ne doit pas être considérée comme évidente. Il est nécessaire d’apprendre à prier, recevant pour ainsi dire toujours de nouveau cet art des lèvres mêmes du divin Maître, comme les premiers disciples: Seigneur, apprends-nous à prier! (Lc 11, 1)… La grande tradition mystique de l’Église, en Orient comme en Occident, montre comment la prière peut progresser, comme un véritable dialogue d’amour, au point de rendre la personne humaine totalement possédée par le Bien-Aimé divin, vibrant au contact de l’Esprit, filialement abandonnée dans le cœur du Père. On fait alors l’expérience vivante de la promesse du Christ: Celui qui m’aime sera aimé de mon Père; moi aussi je l’aimerai, et je me manifesterai à lui (Jn 14, 21)… Nos communautés chrétiennes doivent devenir d’authentiques «écoles» de prière, où la rencontre avec le Christ ne s’exprime pas seulement en demande d’aide, mais aussi en action de grâces, louange, adoration, contemplation, écoute, affection ardente, jusqu’à une vraie «folie» du coeur… On se tromperait si l’on pensait que les simples Chrétiens peuvent se contenter d’une prière superficielle, qui serait incapable de remplir leur vie. Face notamment aux nombreuses épreuves que le monde d’aujourd’hui impose à la foi, ils seraient non seulement des Chrétiens médiocres, mais des «Chrétiens en danger»… Il faudrait redonner de la valeur, avec le discernement voulu, aux formes populaires et surtout éduquer à la prière liturgique» (n. 32-34).
Mgr Sloskans passe les dix-huit derniers mois de sa vie dans une maison de repos, Emmaüs, gérée par les Sœurs du couvent de Bethléem de Duffel. Il s’y fait remarquer par sa simplicité souriante et sa prière continuelle: il a toujours son chapelet à la main. Le 15 avril, il est terrassé par une crise cardiaque. Le 18 avril 1981, Samedi Saint, il perd connaissance. Aussitôt, ceux qui l’entourent prient pour lui, à haute voix. Ils entonnent le Salve Regina et tout d’un coup, son visage se transforme, sa physionomie s’illumine: il lève les yeux au ciel et remet son âme à Dieu au moment où l’on chante: post hoc exilium (après cet exil)… O clemens Virgo Maria! (Ô clémente Vierge Marie). Le 10 octobre 1993, la dépouille de Mgr Sloskans a été rendue à la Lettonie, redevenue un pays libre. On l’a déposée dans la crypte du sanctuaire national de la Vierge d’Aglona, à 230 km de Riga, où elle attend désormais la résurrection. La cause de béatification de Mgr Sloskans a été introduite à Rome en 1999 par le diocèse de Malines-Bruxelles en Belgique. En 2004 le bienheureux pape Jean-Paul II a proclamé l’héroïcité de ses vertus, faisant ainsi de lui le Vénérable Boleslas Sloskans.
La vie de Mgr Sloskans, exilé pendant plus d’un demi-siècle, peut apparaître aux yeux des hommes comme une série d’échecs. Mais Dieu en juge autrement: Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux! Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés (Mt 5, 10-12). Puissions-nous, à l’exemple de Mgr Sloskans, accepter les croix de notre vie et les offrir en union avec le Sacrifice du Christ, pour le salut des âmes!
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