24 janvier 2008
Père Marie-Antoine de Lavaur
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
Toulouse, le 10 février 1907. Une foule, que les journaux estiment à cinquante mille personnes, se presse sur le parcours d’un convoi funèbre. Le corps que l’on porte en terre n’est pas celui d’un grand de ce monde mais d’un humble religieux, un Capucin, le Père Marie-Antoine de Lavaur. La rumeur populaire l’a surnommé: «Le Saint de Toulouse». Même La Dépêche, journal anticlérical local, salue «ce fils de saint François, très populaire dans certains milieux, qui ne savait pas garder un sou sur lui et donnait tout aux pauvres. L’amour-propre, le respect humain, il ne les connaissait pas. Il courait droit à son but. Et nul ne voyait, dans ses démarches hardies, prétexte à se moquer…»
Né à Lavaur dans le Tarn, le 23 décembre 1825, Léon Clergue est baptisé le jour même. Son père, Frédéric, clerc de notaire, d’une piété profonde, porte ce fils premier-né à l’autel de la Vierge Marie: «Sainte Vierge, je vous le consacre, il est à vous». Sa mère, Rose, est animée d’une énergie virile. Elle sera surnommée «la Vendéenne» quand, à l’occasion des émeutes de 1830, elle arrachera à des jeunes gens un drapeau révolutionnaire. Les traits de ces deux tempéraments se retrouvent et s’harmonisent chez Léon, forgeant un caractère à la fois énergique et aimable. L’enfant aura un frère et une soeur: Célestin et Marie. Le petit Léon n’a qu’un idéal: devenir prêtre, célébrer la Messe, prêcher. Sa tendre piété lui inspire déjà de grands désirs: «Quand je serai grand, je veux être saint». Dès l’âge de six ans, au cours de jeux pleins d’entrain et de gaieté avec ses camarades, pris d’une ardeur impétueuse et enflammé d’un zèle oratoire, il s’improvise prédicateur: monté sur une chaire de fortune, il prêche et fait chanter les louanges du Seigneur. Aussi l’appelle-t-on «le petit pape». Toutefois, il n’aime pas qu’on lui résiste: «Une tête dure», dit sa mère, soucieuse.
À la rentrée de 1836, ses parents l’envoient au petit séminaire de l’Esquile, à Toulouse. Il s’y fait remarquer non seulement comme un sujet sage et studieux, mais aussi comme un apôtre qui déjà s’affirme et commence ses conquêtes. Quelques années plus tard, au cours de ses études de théologie, il parcourt la ville de Toulouse en tous sens pour évangéliser les adolescents qui tentent de gagner leur vie par un travail pénible: sans domicile fixe, presque toujours errants, ces petits rémouleurs, savetiers ou marchands ambulants, qui échappent à la vigilance pastorale de l’Église, sont réunis par le jeune séminariste en diverses confréries ou associations.
Le 21 septembre 1850, Léon est ordonné prêtre par Mgr Mioland, archevêque de Toulouse. Nommé vicaire à Saint-Gaudens, il s’y distingue par un zèle ardent: on le voit parcourir les campagnes à la recherche des fermiers qui, privés de secours religieux, sont redevenus païens; il fonde la Société de Saint-Vincent de Paul, à laquelle adhèrent les magistrats et le sous-préfet; il groupe les jeunes filles sous la bannière de Marie, pour les protéger des périls du monde. Son dévouement le tourne vers les pauvres auxquels il réserve les plats de sa table, donne jusqu’à son matelas et son bois de chauffage. En janvier 1854, l’abbé Clergue lutte avec énergie contre le choléra qui fait de nombreuses victimes dans la région.
Quitter tout pour trouver tout
Fervent pèlerin du sanctuaire de Notre-Dame du Bout-du-Puy, Léon entend un jour le Seigneur lui dire: «Tu seras Capucin!» Après deux ans de discernement, il prend sa décision malgré l’opposition de sa famille et de ses amis. L’un d’eux, qui ne conçoit sans doute la prédication que sous une forme solennelle, lui demande, étonné: «Qu’allez-vous faire dans un Ordre de prédicateurs, vous qui ne savez pas prêcher? – Je dirai au Bon Dieu: Voici votre fusil, si vous voulez que le coup parte, chargez-le». Dieu le chargera si bien que le futur Capucin deviendra le grand missionnaire du Midi. Le 1er juin 1855, Léon rejoint à Marseille le Noviciat des Capucins. Le 13, en la fête de saint Antoine de Padoue, il revêt la bure et devient le Père Marie-Antoine de Lavaur. «Je suis heureux, affirme-t-il: il faut quitter tout pour trouver tout». Cependant, ses Supérieurs se demandent s’il saura prêcher. Après avoir écrit et appris par coeur, sur leur ordre, un sermon solennel, il se trouve dans l’incapacité de le prononcer et doit, après un silence humiliant, recourir à une improvisation qui produit une impression profonde et opère des conversions. Sa vie durant, le Père Marie-Antoine se contentera d’écrire le canevas de ses homélies, qu’il méditera longuement devant Dieu; puis il se livrera à son inspiration. Le 13 juin 1856, il prononce ses voeux. Bientôt, ses Supérieurs lui confient le ministère de la prédication. Sa haute taille, sa longue barbe, son oeil vif, la douceur de son sourire et son éloquence toute spontanée captivent aussitôt les quartiers populaires de Marseille.
En 1857, le Père Marie-Antoine fonde le Couvent Saint-Louis de Toulouse qui sera sa résidence durant les cinquante ans que durera son apostolat de prédicateur. Il devient «l’Apôtre du Midi», un «Midi» qui s’étend sur trente-cinq départements. Qu’on l’invite pour un Carême ou un Mois de Marie, le Père prêche une Mission, avec cette constante: «Chaque mission, dit-il, est un combat. Aussi ai-je senti le besoin de les mettre toujours sous la bannière de la Mère des combattants (Marie)». Ses prédications produisent des fruits extraordinaires, attirent les foules dans les églises, et beaucoup renouent avec la pratique des sacrements, notamment les pécheurs les plus invétérés, pour la conversion desquels il reçoit de Dieu une grâce spéciale. Son unique souci est, d’ailleurs, de ramener les hommes à Dieu. Depuis son noviciat, sa prière habituelle consiste à demander: «Mon Dieu, donnez-moi une âme! une autre! une autre!» Devait-il charger du bois? «Mon Dieu, encore une âme!» Arracher des herbes? «Mon Dieu, pour chacune, donnez-moi une âme!»
Un grand levier
Quand le Père Marie-Antoine arrive dans une paroisse, il fait sonner les cloches, distribuer des tracts, poser des affiches. Il s’adresse d’abord au Curé et à ses ouailles les plus fidèles: «Ce n’est pas assez, à l’heure actuelle, d’avoir une foi grande, vive, savante, éclairée. Il faut qu’elle soit militante et triomphante. Il faut vaincre le mal par la foi. Il n’y a pas d’autre arme». Les enfants sont ses meilleurs ambassadeurs dans les familles. Le jeudi leur est réservé. Il leur recommande surtout la prière, les fait mettre à genoux et leur adresse, avant le signe de croix, quelques paroles bien appropriées, illustrées de belles histoires, pour leur faire sentir l’importance de la prière, les qualités qu’elle doit avoir. La prière est son grand levier, surtout celle des enfants. «Quand tout semble perdu ou impossible, écrit-il, cherchez un petit enfant, mais bien petit et bégayant à peine. Faites-lui joindre ses petites mains et réciter: «Je vous salue Marie». Récitez-le vous-même, pieusement avec lui». Bien avant les décrets de saint Pie X, le Père comprend les désirs de l’Église au sujet de la communion précoce des enfants. Pour préparer ces jeunes coeurs, il leur explique ce qu’est la contrition, les entraîne devant Jésus au Tabernacle et fait avec eux un fervent acte de contrition.
Le Père Marie-Antoine met les femmes chrétiennes à l’école de Jésus crucifié. Il sait également parler aux hommes: rares sont ceux qui manquent les sermons qu’il fait pour eux après le travail. Ses instructions tournent souvent au dialogue sur les difficultés de la vie quotidienne; piqués d’anecdotes et d’histoires amusantes, les propos du Prédicateur disposent ses auditeurs à entendre d’austères et utiles vérités qui les conduisent au confessionnal. Là, le Père ne s’embarrasse pas de formalités, il abrège le travail, pénètre jusqu’au fond des consciences, et vient à bout, en quelques instants, d’une confession compliquée; le pénitent, heureux d’avoir été deviné, repart en paix. Parfois, le Père Marie-Antoine aime à frapper de grands coups, comme à la Mission de Meymac. Celle-ci commence quelques jours avant la fête de saint Léger, patron de cette ville.Mais la fête, religieuse à l’origine, est devenue, par un étrange abus, prétexte à la dissipation, aux bals et aux réunions mondaines. Le missionnaire annonce que la procession au cimetière aura lieu ce jour-là. Il y convoque les dames, en noir, et veut que les bannières soient voilées de crêpe. Au lieu des fêtes, des danses, de la musique joyeuse, il n’y a dans la ville étonnée qu’un long cortège de deuil, avec des chants funèbres: «À la mort, à la mort, pécheur, tout finira!» Cette mise en scène dans le style de l’époque était destinée à rappeler des vérités fondamentales: à l’heure de la mort, les plaisirs et les honneurs d’ici-bas cèderont la place au jugement de Dieu dont dépend le sort éternel de l’âme. Le Compendium du Catéchisme de l’Église Catholique, publié par le Pape Benoît XVI en 2005, pose la question: «Qu’est-ce que le jugement particulier?» Il répond: «C’est le jugement de rétribution immédiate que chacun, à partir de sa mort, reçoit de Dieu en son âme immortelle, en relation avec sa foi et ses oeuvres. Cette rétribution consiste dans l’accession à la béatitude du ciel, aussitôt ou après une purification proportionnée, ou, au contraire, à la condamnation éternelle de l’enfer» (n. 208).
Un baiser qui bouleverse
Le Père Marie-Antoine a l’art de surmonter les obstacles qui s’opposent au bon déroulement des Missions. À la fin de janvier 1875, il est à Gondrin, dans le Gers. Du fond de son échoppe, un cordonnier se moque de ceux qu’il voit accourir au sermon: «Oui, oui, allez entendre ce va-nu-pieds. Il vous en contera de belles!» Le Père va le voir et lui commande, de son air le plus aimable, une paire de sandales. Deux jours après, il revient les prendre, les trouve parfaites, et embrasse avec chaleur le cordonnier. Or, celui-ci a une tumeur au visage, qui en fait un objet d’horreur pour tout le village. Sentir sur sa plaie virulente les lèvres du missionnaire, croiser son regard amical et paisible, le transforme. À partir de ce jour, il publie partout que ce va-nu-pieds-là est un saint.
La prudence du siècle n’a pas de prise sur le Père Marie-Antoine. Avec une vigueur que certains trouvent excessive, il fait la guerre à un vice déjà très répandu au XIXe siècle: l’onanisme (cf. Gn 33, 8-10), c’est-à-dire le fait de dissocier dans l’acte conjugal l’union des époux et l’ouverture à la procréation. Le Pape Paul VI expliquera dans l’Encyclique Humanæ Vitæ: «C’est en sauvegardant ces deux aspects essentiels, union et procréation, que l’acte conjugal conserve intégralement le sens de mutuel et véritable amour et son ordination à la très haute vocation de l’homme à la paternité» (n. 12). En conséquence, est intrinsèquement mauvaise «toute action qui, soit en prévision de l’acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation» (Ibid., 14; cf. Catéchisme de l’Église Catholique, nn. 2369-2370). La question est délicate et beaucoup craignent d’en parler. L’autorité et le rôle de missionnaire du Père Marie-Antoine lui permettent de rappeler cette vérité et de réveiller les consciences. «Hélas! le vice et la stérilité ont pris la place au foyer de la famille!… Ce vice conduit infailliblement la société à la mort, parce qu’il s’attaque à la source de la vie et viole la loi fondamentale de la création… En s’insurgeant contre la volonté sainte du Créateur, les époux, infidèles aux chastes et saints devoirs de leur vocation sublime, Le blessent au coeur».
«Elle m’a visiblement assisté»
Tous ses succès, le Père Marie-Antoine les attribue à la Vierge Marie. C’est pourquoi sa tendresse et sa délicatesse n’ont pas d’égal quand il parle de Notre-Dame: «Le coeur d’une mère est un chef-d’oeuvre de Dieu, et le Coeur de Marie est le plus beau de tous les coeurs de mères. En Elle, Dieu et l’homme se sont rencontrés pour se donner le baiser du saint et éternel amour». Il prêche sur Marie, lui consacre les paroisses, fonde confréries et associations sous son patronage, crée des pèlerinages dans les chapelles qui lui sont dédiées. «Dans toutes mes Missions, dit-il, la bonne Vierge m’a visiblement assisté». Aussi, partout où il y a un lieu voisin de pèlerinage, il y conduit, en action de grâce, les paroisses qu’il vient d’évangéliser. Là, les fidèles répètent le cri incessant de son coeur: Omnia per Mariam, Tout par Marie! Bientôt, c’est à Lourdes qu’il va conduire les foules.
Le Père Marie-Antoine rencontre pour la première fois Bernadette Soubirous en juillet 1858, à la fin des apparitions de Lourdes. «En grandissant, cette angélique enfant a conservé, écrira-t-il, toute sa sublime et sainte simplicité… Elle me faisait les mêmes gestes que Marie. Quand on n’a pas vu et entendu ces choses, on n’a pas encore connu Marie». Pie IX avait défini le dogme de l’Immaculée Conception le 8 décembre 1854; la Vierge est venue le confirmer le 25 mars 1858. Le 18 janvier 1862, un mandement de Mgr Laurence, évêque de Tarbes, reconnaît les apparitions et annonce la construction d’un sanctuaire. Lors d’une des apparitions, Marie a en effet demandé: «Qu’on vienne en pèlerinage ici… Qu’on y bâtisse une chapelle». Ces paroles ne laissent pas insensible le Capucin, le grand remueur d’âmes, le dévot de Marie. Il n’aura de cesse de satisfaire sa Bonne Mère qui réclame des pèlerins. Avec le curé de Lourdes, l’abbé Peyramale, il échafaude bien des projets. C’est le Père qui amène à la Grotte les premiers grands pèlerinages organisés. Pour une bonne part, il est à l’origine de la liturgie populaire de Lourdes: la procession aux flambeaux dès 1863, la procession du Saint-Sacrement et la prière nocturne en 1886, la procession des malades. C’est à son initiative que sont réalisés, en 1886, le chemin de croix et les calvaires auprès des sanctuaires, ainsi que les grottes des Espèlugues, en 1887, dédiées à Notre-Dame des Sept-Douleurs et à sainte Marie-Madeleine.
Lourdes devient le foyer principal du zèle du Capucin et le centre de ses opérations pendant plus de trente ans. Il s’y trouve dans son élément et y devient le prédicateur, le confesseur, le convertisseur le plus populaire. Il semble être le confident de la Vierge, l’ouvrier de ses miséricordes et, à le voir prier avec tant de ferveur, on se dit qu’il voit Marie, comme Bernadette autrefois. «Vous aidez la Sainte Vierge à faire ses miracles», lui lance-t-on parfois, non sans une pointe de malice. Lui se contente de sourire, sa vive foi trouvant tout naturel qu’une prière soit exaucée, et que le Coeur de Marie ne puisse résister à l’amour de ses enfants. Un jour, un pèlerinage du Poitou est sur le point de repartir, et parmi les nombreux malades amenés, aucun n’a encore éprouvé même un commencement d’amélioration. Quelques prêtres font part de leur peine au Capucin. «Venez, venez, dit-il, allons prier ensemble!» Et à partir de ce moment, les miracles se multiplient.
Avant de prendre la plume
C’est à Lourdes que le Père Marie-Antoine rencontre Émile Zola, écrivain fêté et couvert d’éloges par tous. Le Père l’exhorte à la conversion: «Toute la philosophie chrétienne, Monsieur Zola, se résume en ceci: la chair lutte contre l’esprit, l’esprit lutte contre la chair. Si la chair l’emporte, c’est la mort. Si l’esprit l’emporte, c’est la vie: la vie que Jésus-Christ a donnée au monde… Il faut, continue le Père, trouver ici votre chemin de Damas». À la suite de cette entrevue, le Père Marie-Antoine adresse une lettre à l’écrivain qui prépare un livre: «Le fait de Lourdes est le grand fait divin de notre siècle, et le coeur seul comprend les choses divines; mais pour les comprendre, il faut qu’il soit pur. Bienheureux les coeurs purs, car ils verront Dieu! Avant de prendre la plume, purifiez donc votre coeur. Purifiez-le par une bonne confession, et mettez-le ensuite en rapport avec Dieu par une sainte et fervente communion. Après cela, prenez la plume et commencez votre livre». Mais au lieu de l’écouter, Zola écrira un roman contre le pèlerinage de Lourdes. Le Père Marie-Antoine écrit aussi à l’un de ses compatriotes, le très anticlérical Émile Combes, alors en danger de mort: «Les tempora nubila (les temps sombres) sont venus pour vous. C’est l’heure où les vrais amis arrivent. Me voici. Vous venez d’être renversé, comme saint Paul, sur le chemin de Damas. Entendez Jésus vous dire comme à lui: Je suis Jésus que tu persécutes. Autant d’enfants arrachés à son enseignement et à son amour: autant de victimes vous avez faites, autant de fois vous L’avez crucifié Lui-même. Dites comme saint Paul: Seigneur, que voulez-vous que je fasse? Dites-le, convertissez-vous, revenez à Jésus! Vous savez ce qu’il faut faire: renoncer à Satan, c’est-à-dire à ses infernales loges; venir frapper votre poitrine, pleurer vos fautes, en demandant pardon à Dieu et aux hommes; vous jeter enfin aux pieds du prêtre du Seigneur, avec un grand repentir, pour en recevoir le pardon».
Question sociale, question d’amour
Aucun genre de ministère n’est étranger au Père Marie-Antoine. Son amour des pauvres le rend populaire plus encore que ses prédications: à l’intention des plus démunis, il propage l’oeuvre du «Pain de Saint-Antoine de Padoue». Pour lui, la question sociale, les injustices sociales sont davantage une affaire d’amour, à laquelle l’Évangile apporte la seule vraie solution, qu’une affaire de lois et de droits: «Saint François est là pour résoudre la question sociale qui n’est qu’une question d’amour: aimons-nous, prouvons au peuple que nous l’aimons, et le triomphe est assuré». Un autre de ses charismes est l’éveil des vocations. Un grand nombre de prêtres, de religieux, de missionnaires peuvent dire: «Nous devons notre vocation au Père Marie-Antoine, à une invitation de lui, à l’un de ses sermons que nous avons entendus».
Le démon poursuit d’une haine spéciale cet homme qui lui ravit tant d’âmes et qui lutte sur tous les terrains. «Si je n’ai plus de dents, pourra dire le Père Marie-Antoine à la fin de sa vie, c’est que je les ai toutes laissées dans la peau du diable». Aux persécuteurs qui s’acharnent contre l’Église et les Ordres religieux à partir de 1880, il dit: «Vous voulez tuer Dieu, fous que vous êtes! Tuer Dieu, ce que personne, depuis le début des temps, n’aurait jamais osé imaginer sans trembler. Ne savez-vous pas que la nature a horreur du vide? D’autres idoles le remplaceront, le pouvoir, l’argent, le sexe, bien plus exigeantes. Et alors, elle sera belle, votre liberté!»
Au printemps de 1903, les couvents sont mis sous scellés et livrés aux liquidateurs, à l’exception de celui des Capucins de Toulouse, vidé cependant de tout son mobilier. Seule demeure une Vierge monumentale qui domine le choeur de la chapelle dépouillée. La notoriété du Père Marie-Antoine auprès du peuple et sa force de résistance lui évitent l’expulsion, tandis que ses frères en religion ont trouvé refuge à Burgos, en Espagne.
Au début de février 1907, en allant visiter un prêtre de ses amis, il est atteint de refroidissement; le mal empire bien vite. Conscient de son état, le Père reçoit les derniers sacrements et se prépare à la mort. Il passe sa dernière nuit à prier à haute voix. À ses infirmiers qui l’invitent à se reposer, il affirme: «Je ne me suis jamais fatigué de prier!» Le lendemain, 8 février, il dit encore, et ce sont ses dernières paroles: «Sachez que je vais droit au Ciel! N’écoutez jamais le démon. Moi, je n’ai jamais écouté le démon; aussi je m’en vais au Ciel!» Son corps repose dans la chapelle du couvent qu’il a fondé à Toulouse, aujourd’hui le Couvent des Carmes. Une association (APMA, 25 rue de la Concorde, 31000 Toulouse), créée en 2005, oeuvre pour la cause de sa béatification.
L’exemple du Père Marie-Antoine nous incite à suivre une recommandation du Pape Benoît XVI, en date du 23 juillet 2006: «Nous devons apporter notre amour, pour autant que nous le pouvons, à tous ceux qui souffrent, en sachant que le Juge du jugement dernier s’identifie à ceux qui souffrent. Il est important que nous puissions porter sa victoire au monde, en participant à sa Charité… Nous avons besoin du visage du Christ, pour connaître le vrai visage de Dieu et porter ainsi la réconciliation et la lumière dans le monde».
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