28 mars 2013
Marie-Alphonse Ratisbonne
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
Le 27 novembre 1830, rue du Bac à Paris, au noviciat des Filles de la Charité de saint Vincent de Paul, la communauté fait oraison à la chapelle. Une jeune novice, Sœur Catherine Labouré, voit apparaître «un tableau de la Sainte Vierge, telle qu’elle est ordinairement représentée sous le titre d’Immaculée Conception, debout et tendant les bras… Il sort de ses mains, comme par faisceaux, des rayons d’un éclat ravissant.» La Sœur entend au même instant: «Ces rayons sont le symbole des grâces que Marie obtient aux hommes.» Autour du tableau, elle lit, en caractères d’or, l’invocation suivante: «Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous.» Puis ce tableau se retourne et, sur le revers, elle distingue la lettre M surmontée d’une petite croix, et, au bas, les saints Cœurs de Jésus et de Marie. Après que la Sœur a bien considéré tout cela, la voix lui dit: «Il faut faire frapper une médaille sur ce modèle, et les personnes qui la porteront bénite et qui feront avec piété cette courte prière, jouiront d’une protection toute spéciale de la Mère de Dieu.» Le 30 juin 1831, 1500 mé-dailles sont frappées et diffusées d’abord de la main à la main. Peu à peu se divulgue la nouvelle de bienfaits extraordinaires accordés, et le peuple donne à la médaille le nom de “miraculeuse”. À partir de 1834 s’amorce une diffusion fulgurante: dès 1839 on aura frappé, en France et à l’étranger, dix millions de médailles! En 1842 se produit à Rome un événement éclatant qui confirme l’appellation de cette médaille. Laissons le protagoniste, Alphonse Ratisbonne, se présenter lui-même.
«Ma famille est assez connue, car elle est riche et bienfaisante. À ces titres, elle tient depuis longtemps le premier rang en Alsace.» Né le 1er mai 1814, Alphonse est le dernier fils de cette famille opulente qui compte dix enfants. Le chef de famille, Auguste Ratisbonne, appartient à une génération d’Israélites qui ne songe qu’à jouir de la vie terrestre; bien que Président du Consistoire, il ne se montre à la synagogue que rarement et par convenance. Les enfants sont élevés sinon dans la religion, du moins selon les traditions et les mœurs judaïques. Dès ses quatre ans, Alphonse perd sa mère, femme accomplie et vertueuse dont les exemples étaient les seuls à tenir lieu, chez ses enfants, de principes moraux.
En 1825, il commence ses études au collège royal de Strasbourg. «À cette époque, écrit-il, un événement porta un rude coup à ma famille. Mon frère Théodore (son aîné de douze ans) se déclara chrétien; et bientôt après, malgré les plus vives sollicitations, il se fit prêtre et exerça son ministère dans la même ville, sous les yeux de ma famille. Cette conduite me révolta, et je pris en haine son habit et son caractère. Élevé au milieu de chrétiens, indifférents comme moi, la conversion de mon frère me fit croire au fanatisme des catholiques, et j’en eus horreur.» En juillet 1831, Alphonse est, à dix-sept ans, reçu bachelier ès lettres.
Jouir du monde
Son père était mort l’année précédente. Un oncle sans enfants devint son second père. «Cet oncle si connu dans le monde financier voulut m’attacher à la banque dont il était le chef. Je fis mon droit à Paris, puis revins auprès de lui. Il me donna toute latitude. Je pensais qu’on est au monde pour en jouir… J’étais juif de nom; je ne croyais pas même en Dieu.» Pourtant, atteste un témoin, «son cœur s’était conservé pur». Il s’emploie à «servir la cause de son peuple opprimé, et à travailler à obtenir pour lui une parfaite égalité de droits, ainsi qu’une fusion plus entière avec l’ensemble de la société».
En 1841, Alphonse va atteindre ses vingt-sept ans. Sa famille, d’accord avec son propre attrait, décide de son mariage avec l’une de ses nièces. «Je voyais ma famille au comble de la joie, car je dois dire qu’il en est peu où l’on s’aime plus que dans la mienne… Un seul membre m’était odieux: mon frère Théodore. Sa parole sérieuse excitait ma colère. Je nourrissais une haine amère contre les prêtres, les églises, les couvents et surtout contre les Jésuites. Heureusement, mon frère quitta Strasbourg; il était appelé à Notre-Dame-des-Victoires, à Paris. Son départ me soulagea d’un grand poids.» Alphonse célèbre ses fiançailles à Nice, mais un vide reste dans son âme: «Dans la négation de toute foi, je me trouvais parfaitement en harmonie avec mes amis, catholiques ou protestants indifférents; mais la vue de ma fiancée éveillait en moi quelque chose qui me portait à croire à l’immortalité de l’âme; bien plus, je me mis instinctivement à prier Dieu; je le remerciais de mon bonheur, et pourtant, je n’étais pas heureux.» La jeune fille n’a que seize ans, et on juge bon de différer le mariage. Alphonse entreprend alors un voyage pour se rendre en Orient.
Une subite antipathie
Il aborde à Naples le 9 décembre. «J’y passai un mois pour tout voir et tout écrire. Oh! que de blasphèmes dans mon journal!… Je n’avais aucune envie d’aller à Rome, malgré l’invitation de deux amis… Comment suis-je allé à Rome? Je ne puis me l’expliquer.» Il part pour la Ville éternelle, avec l’intention de revenir le 20 janvier. Arrivé le 6, il commence à visiter fiévreusement tous les monuments de la ville. Le 8, une voix l’appelle par son nom dans la rue: celle de Gustave de Bussierre, un ancien condisciple de Strasbourg, protestant piétiste. Invité à dîner chez le père de son ami, Alphonse y aperçoit le frère aîné de Gustave, Théodore de Bussierre, qui s’était fait catholique: «C’en était assez pour m’inspirer une profonde antipathie; cependant, comme Théodore s’était fait connaître par la publication de ses voyages en Orient, je lui exprimai mon intention de lui faire ma visite.» Quelques jours plus tard, il entre dans l’église d’Ara Cœli, au Capitole. On est sur le point d’y baptiser deux Israélites. Innocemment, le guide l’invite à assister à cette cérémonie: Alphonse se récrie et sort. La misère du Ghetto, quartier des Juifs tout proche, soulève son indignation.
La visite qu’il avait annoncée à Théodore de Bussierre lui revient à l’esprit «comme une obligation malencontreuse». Il s’y décide pourtant. Une conversation polie s’engage: «Je lui parle de ses courses dans Rome, raconte M. de Bussierre; il me fait part de diverses impressions… Il me parle du Ghetto, qui avait rallumé sa haine contre le catholicisme. J’essayai de le raisonner; et lui, répondait qu’il était né juif et qu’il mourrait juif… Alors me vint l’idée la plus extraordinaire, une idée du ciel, car les sages du monde l’auraient appelée une folie: “Puisque vous êtes un esprit si fort, promettez-moi de porter sur vous ce que je vais vous donner. – Quoi donc? – Sim-plement cette médaille.” Et je lui montrai une médaille miraculeuse… Il se rejeta vivement en arrière. “Mais, d’après votre manière de voir, cela doit vous être parfaitement indifférent, et c’est me faire à moi un très grand plaisir. – Qu’à cela ne tienne, s’écria-t-il en riant aux éclats: je veux au moins vous prouver qu’on a tort d’accuser les Juifs d’obstination.” Et il continua par des plaisanteries qui, pour moi, étaient des blasphèmes. Cependant, je lui avais passé au cou un ruban, auquel mes petites filles venaient d’attacher la médaille bénite… Il me restait quelque chose de plus difficile encore à obtenir; je voulais qu’il récitât le Memorare, la prière de saint Bernard qui commence ainsi: “Souvenez-vous, ô très compatissante Vierge Marie.” Alors, il n’y tint plus. Mais une force intérieure me poussait moi-même, et je luttais contre ses refus réitérés avec une sorte d’acharnement. Je lui tendais la prière, le suppliant de l’emporter avec lui, mais d’être assez bon pour la copier, parce que je n’en avais pas d’autre exemplaire. Alors, avec un mouvement d’humeur et d’ironie: “Soit, je l’écrirai; vous aurez ma copie et je garderai la vôtre!”»
Alphonse s’en va au spectacle. De retour à son hôtel, il se met à recopier la prière, puis, brisé de fatigue, s’endort. Pendant ce temps, Théodore de Bussierre veille, avec des amis, devant Jésus au Très-Saint-Sacrement. Le lendemain 17 janvier, Alphonse repasse chez Théodore, qui le lui avait demandé: «Bien qu’agacé par mes instances, dit celui-ci, il lisait et relisait la prière, afin de découvrir ce qui la rendait si précieuse à mes yeux.» Mal à l’aise, Alphonse apostrophe son hôte: «Sorcier! Magicien!… Vous me connaissez depuis vingt-quatre heures, et vous me forcez à entendre des choses que mon frère n’oserait pas me dire!» Exaspéré, il se lève pour prendre définitivement congé. «Vous ne partirez pas, dit M. de Bussierre. “Impossible, ma place est retenue aux Messageries. – Vous ne partez pas, dussé-je vous tenir sous clé dans ma chambre!” Et je lui représente qu’il ne peut quitter Rome sans avoir vu une cérémonie à Saint-Pierre; qu’il y en a une dans quelques jours. Je l’entraîne, tout stupéfait, pour annuler sa réservation.»
Deux miracles sont nécessaires
Alphonse continue donc ses visites des monuments romains en compagnie de Théodore: «M. de Bussierre amenait si naïvement les questions religieuses, il insistait avec tant d’ardeur, que je me disais: “Si quelque chose peut éloigner un homme de la religion, c’est l’insistance qu’on met à le convertir.” En passant devant la Scala Santa – l’escalier que Jésus a gravi, selon la Tradition, au cours de sa Passion – le baron fut pris d’enthousiasme: il se lève dans sa voiture et s’écrie: “Salut, saint escalier! Voici un homme qui te montera un jour à genoux!” J’en riais, et dis à mon apôtre qu’il n’obtiendrait rien de moi. À quoi il répondit qu’il se tenait pour assuré de ma conversion. “En ce cas, deux miracles seraient nécessaires: l’un pour me convaincre, l’autre pour me décider!»
Le 20 janvier, vers midi, Alphonse se rend dans un café, place d’Espagne, pour y lire les journaux; là, il rencontre deux Alsaciens, l’un juif, l’autre protestant. «Nous parlâmes de Paris, d’art, de politique et de choses futiles. J’invitai ces deux amis aux fêtes de mon mariage… Si à ce mo-ment, un troisième interlocuteur m’avait dit: “Alphonse, dans un quart d’heure tu adoreras Jésus-Christ, ton Dieu et ton Sauveur, et tu te frapperas la poitrine aux pieds d’un prêtre, dans une maison de Jésuites, où tu passeras le carnaval pour te préparer au Baptême, prêt à t’immoler pour la foi catholique… j’aurais jugé cet homme complètement fou!»
«En sortant du café, j’aperçois M. de Bussierre qui m’invite à monter dans sa voiture. Le temps était magnifique, j’acceptai avec plaisir. Il me demande la permission de s’arrêter quelques minutes à Saint-André delle Fratte et me propose de l’attendre dans la voiture; je préférai descendre pour voir cette église. On y faisait des préparatifs funéraires: “C’est un de mes amis, le comte de Lafferronnays; sa mort subite est la cause de la tristesse que, hier, vous avez remarquée en moi.” Il me quitte: “Ce sera l’affaire de deux minutes”. L’église de Saint-André est petite, pauvre et déserte… Aucun objet d’art n’y attirait mon attention. Je promenai machinalement mon regard autour de moi, sans m’arrêter à aucune pensée; je me souviens seulement d’un chien noir qui sautait et bondissait devant mes pas. Bientôt, je ne vis plus rien… ou plutôt, ô mon Dieu, je vis une seule chose!!!… Comment sera-t-il possible d’en parler? Oh! non, la parole humaine ne doit point essayer d’exprimer ce qui est inexprimable… J’étais là, prosterné, baigné dans mes larmes, le cœur hors de moi-même.»
Que Dieu est bon!
«En rentrant dans l’église, rapporte M. de Bussierre, je découvre monsieur Ratisbonne agenouillé devant la chapelle de saint Michel et de saint Raphaël, dans l’attitude d’un profond recueillement. Je vais à lui, je le secoue à diverses reprises, sans qu’il s’aperçoive de ma présence. Enfin, relevant vers moi son visage baigné de larmes, il joint les mains et me dit: “Oh! que ce monsieur a prié pour moi!” Il s’agissait du défunt, à qui j’avais confié trois jours auparavant l’intention qui me tenait à cœur; il m’avait répondu: “S’il dit le Memorare, vous le tenez, et bien d’autres avec lui”. “Où voulez-vous aller? dis-je à Alphonse. – Où vous voudrez. Après ce que j’ai vu, j’obéis… Combien je suis heureux! Quelle plénitude de grâce et de bonheur pour moi! Que Dieu est bon! Et qu’ils sont malheureux ceux qui ne savent pas!” Il couvrait de baisers et de larmes brûlantes la médaille miraculeuse qu’il portait sur lui. Puis il me serra dans ses bras, disant avec un visage illuminé: “Conduisez-moi à un confesseur. Quand pourrai-je recevoir le Baptême, sans lequel je ne puis plus vivre?” – Je le conduis au Gesù, l’église des Jésuites, près du Père de Villefort; en l’abordant, il montre sa médaille et s’écrie: “Je l’ai vue!! Je l’ai vue!!!” Puis, il raconte: “J’étais depuis un instant dans l’église lorsque, tout d’un coup, je me suis senti saisi d’un trouble inexprimable. Tout l’édifice était comme voilé à mes regards; une seule chapelle avait, pour ainsi dire, concentré toute la lumière et, au milieu de ce rayonnement, a paru, debout sur l’autel, grande, brillante, pleine de majesté et de douceur, la Vierge Marie, telle qu’elle est sur ma médaille; une force irrésistible m’a poussé vers Elle. La Vierge m’a fait signe de la main de m’agenouiller. Elle a semblé me dire: c’est bien! Elle ne m’a point parlé, mais j’ai tout compris.” Resté seul avec le Père, il déclara qu’il voulait être chrétien. “Je prévois que j’aurai beaucoup à souffrir; mais je suis prêt à toutes les souffrances, et je les mérite, parce que j’ai beaucoup péché.”»
Un mois plus tard, le 19 février, il déposera devant notaire: «J’essayai plusieurs fois de lever les yeux vers la Sainte Vierge; mais son éclat et le respect me les firent baisser, sans m’empêcher d’avoir la certitude de sa présence. Je fixai mes yeux sur ses mains, et je vis en elles l’expression du pardon et de la miséricorde. En sa présence, bien qu’Elle ne m’ait dit aucune parole, j’ai compris l’horreur de l’état dans lequel je me trouvais, la difformité du péché, la beauté de l’Église catholique: en un mot, le bandeau tomba de mes yeux… Pénétré d’un sentiment de gratitude envers la Sainte Vierge Marie, je pensais à mon frère avec une inexprimable joie; j’éprouvais une vive compassion à l’égard de ma famille, plongée dans les ténèbres du judaïsme, et pour les hérétiques et les pécheurs.»
Que vous procure la Foi?
Le désir ardent du Baptême, inspiré par l’horreur de la tache originelle, remplit l’âme du converti. Certains proposent d’attendre: «Mais quoi, leur répond-il: les Juifs qui entendirent les Apôtres furent immédiatement baptisés (cf. Ac 2, 41); et vous voulez m’ajourner, après que j’ai entendu la Reine des Apôtres?» De fait, affirmera le Très Révérend Père Roothan, Général des Jésuites, «le sens de la foi se manifestait en lui si intense et si efficace, qu’il lui faisait saisir, pénétrer et retenir tout ce qui lui était proposé.» En peu de jours, on le juge suffisamment instruit, si bien que le cardinal vicaire du Pape pour la Ville de Rome, fixe le jour du Baptême au 31 janvier. Alphonse passe au Gesù les trois jours qui précèdent; il se plaît à dire et redire ces paroles du rituel du Baptême: Comme le cerf languit après les eaux vives, ainsi mon âme soupire vers Vous, ô mon Dieu (Ps 41, 2). Le jour venu, le cardinal, revêtu des ornements pontificaux, s’avance vers le fond de l’église où le catéchumène, revêtu de l’aube, est agenouillé. «Que demandez-vous à l’Église de Dieu? – La Foi! – Que vous procure la Foi? – La Vie éternelle! – Quel nom voulez-vous porter? – Marie! – Croyez-vous en Jésus-Christ? – J’y crois!» Lorsqu’il relève la tête tout humectée de l’eau baptismale, un ineffable bonheur inonde le cœur de Marie-Alphonse Ratisbonne. Il vient de franchir un abîme: il est chrétien! Le sacrement de la Confirmation scelle immédiatement cette effusion de grâces. Puis le Saint-Sacrifice commence; lorsque le cardinal dépose la sainte Hostie sur ses lèvres, le nouveau chrétien éclate en sanglots: «À ce moment, j’eus non une vision, mais un sentiment très vif de la présence réelle de Notre-Seigneur.»
Sa famille avait tenté d’empêcher le Baptême: «C’est une chose horrible de renier la foi de ses pères! – Ah! répond Alphonse, je ne renie pas la foi d’Abraham, de Moïse, je ne renie pas les prophéties d’Isaïe, Malachie, je ne renie pas David ou Salomon… mais je renie Judas.» Je ne suis pas venu, dit Jésus, abolir la Loi, mais l’accomplir (Mt 5, 17); aux disciples incrédules en route pour Emmaüs, Il montre, dans toutes les Écritures, ce qui le concernait (Lc 24, 27). Dans les années 1880, deux Israélites, frères de sang devenus catholiques et prêtres, Augustin et Joseph Lémann, publieront le fruit de leur étude minutieuse des Saintes Écritures: «L’Israélite, en devenant catholique, ne change pas de religion: il est par excellence l’homme religieux qui a obtenu sa plénitude, comme la tige obtient sa fleur… La Nouvelle Loi n’est que l’accomplissement et la perfection de celle qui l’avait précédée: partout le même Dieu législateur, partout Jésus-Christ, centre et terme de la Loi.» En entrant dans l’Église catholique, l’enfant d’Israël retrouve tout ce qu’Israël a perdu: «Il retrouvera partout le Temple, l’Autel et le sacrifice perpétuel; il retrouvera le chant des Psaumes et la lecture des prophètes; il retrouvera la manne, ou mieux, ce qu’elle préfigurait: le pain vivant descendu du Ciel pour nous y reconduire.» Un sacerdoce nouveau fondé par le Christ a succédé au sacerdoce lévitique entièrement disparu… «Notre Jérusalem, cité de David, n’est plus qu’une ombre. Mais une autre Jérusalem s’est levée. L’amour est l’air qu’on y respire; la vérité en est le soleil; l’unité romaine en est le lien… Le salut, c’est-à-dire la possession du Ciel, en est la préoccupation et le but; un seul Sacrifice tout-puissant s’y offre à la Majesté divine depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher (Ml 1, 11): l’Hostie blanche et très pure!» La relation de continuité entre l’ancien Israël et l’Église est également affirmée par le Concile Vatican II:
«L’Église du Christ reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se trouvent dans les patriarches, Moïse et les prophètes. Elle confesse que tous les fidèles du Christ, fils d’Abraham selon la foi, sont inclus dans la vocation de ce patriarche et que le salut de l’Église est mystérieusement préfiguré dans la sortie du peuple élu hors de la terre de servitude» (Nostra ætate, 4).
Alphonse arrive à Paris au début de mars. Déjà, la nouvelle du miracle du 20 janvier se répand jusque dans les pays protestants, où elle provoque un réveil de la dévotion à la Vierge Marie et de nombreuses conversions. Soixante-quinze ans plus tard, le 20 janvier 1917, Notre-Dame inspirera au futur martyr Maximilien Kolbe de fonder la “Milice de l’Immaculée”, dont les “chevaliers” auront pour but la conversion des ennemis de l’Église et, pour signe de ralliement, la médaille miraculeuse. Le 12 avril 1842, Marie-Alphonse annonce au curé de Notre-Dame-des-Victoires: «Ma famille me rend toute ma liberté. Cette liberté, je la consacre à Dieu.» Le 14 juin, il entre au noviciat de Toulouse: il allait passer dix années au sein de la Compagnie de Jésus.
Vers les brebis d’Israël
Entre-temps, son frère, l’abbé Théodore, était parti pour Rome. Reçu par le Pape Grégoire XVI, il lui avait fait part du désir qui le hantait: «Oh! que je serais heureux, s’il m’était dit un jour: Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël ! (Mt 10, 6).» Telle est l’origine des fondations de l’abbé Théodore: le “Catéchu-ménat des enfants israélites”, les Sœurs de Sion, puis, à partir de 1847, la Congrégation des prêtres de Notre-Dame-de-Sion. Marie-Alphonse suit de près les œuvres de son frère, et leur prête main forte autant que l’obéissance le lui permet. Bientôt, il manifeste sa pensée de quitter la Compagnie de Jésus pour se joindre à lui. En décembre 1852, le Père Marie-Alphonse, dont les vœux étaient seulement temporaires, en est délié par le Très Révérend Père Roothan; il entre à Notre-Dame-de-Sion.
Être eux-mêmes anathèmes pour leurs frères israélites, de qui le Christ est issu selon la chair (Rm 9, 3-5), tel était le souhait des deux frères. Théodore s’éteint à Paris, le 7 janvier 1884, Marie-Alphonse à Jérusalem, le 6 mai suivant. Sa dernière parole, «Dieu m’est témoin que j’offre ma vie pour le salut d’Israël», fait écho à celle de saint Paul: L’élan de mon cœur et ma prière à Dieu pour eux, c’est qu’ils soient sauvés! (ibid. 10, 1).
Que sa conversion éclatante, opérée par la médaille miraculeuse, nous incite à voir dans le recours à Marie Immaculée un puissant rempart contre les assauts du démon et le grand moyen de gagner les âmes à Dieu. Ô Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous!
Pour publier la lettre de l’Abbaye Saint-Joseph de Clairval dans une revue, journal, etc. ou pour la mettre sur un site internet ou une home page, une autorisation est nécessaire. Elle doit nous être demandée par email ou sur la page de contact.