7 juin 2013

Bienheureuse Hildegarde Burjan

Bien chers Amis,

Un soir, une petite fille aperçoit, de la fenêtre de sa chambre, des femmes habillées de blanc qui vont et viennent dans un jardin tout en chantant des psaumes. Elle demande à sa mère ce qu’elles font : « Ce sont des Religieuses, elles prient. – Qu’est-ce que c’est, une Religieuse ? Et qui est-ce qu’elles prient ? » , insiste la fillette. « Elles prient leur Dieu. – Où est Dieu ? Pourquoi prient-elles au lieu d’aller dormir ? » La mère, agnostique, ne sait plus que répondre. « Comme cela doit être bon de pouvoir prier Dieu… » , soupire la fillette qui ajoute en murmurant : « Mon Dieu, je voudrais aussi prier ! » Hildegarde vient de faire son premier pas dans un long chemin en quête de la Vérité.

Bienheureuse Hildegarde BurjanHildegarde Lea Freund est née le 30 janvier 1883 à Görlitz, en Saxe (aujourd’hui sur la frontière germano-polonaise), dans une famille juive non pratiquante. En 1895, la famille Freund s’installe à Berlin où Hildegarde fera ses études secondaires. Elle manifeste de grands dons intellectuels et un profond désir de rectitude morale ; elle veut devenir une “personne éthique”, ce qui, pour elle, signifie une femme de conviction et de principes. Elle ne se soucie pas de ce qui passionne les adolescentes : habillement, loisirs, vie mondaine… En revanche, elle s’intéresse à la philosophie, à l’art et à la culture ; son regard, néanmoins, ne voit rien au-delà de la vie présente. Après avoir lu Schopenhauer, pour qui la croyance en un absolu transcendant et la recherche d’un bonheur sans fin ne sont qu’illusion et néant, elle écrira un poème au refrain désabusé : « Elles passent les joies et les douleurs ; il passe, le monde : il n’y a rien ! » Déjà, peu avant la naissance de Jésus-Christ, le livre de la Sagesse mettait sur les lèvres des incrédules ces paroles : Le hasard nous a amenés à l’existence, et, après cette vie, nous serons comme si nous n’avions jamais été (Sg 2, 2). Après sa conversion, Hildegarde confiera, à propos d’une personne qui s’est suicidée : « Pourquoi donc devrait-on se battre avec ce monde, si l’on ne croit pas à l’au-delà ? Je suis sûre que moi aussi, je me donnerais la mort, si je n’étais pas croyante. Je ne comprends pas comment des hommes peuvent vivre sans croire en Dieu. » Le Pape Benoît XVI constatait, lui aussi, dans l’encyclique Caritas in veritate (2009) : « Sans Dieu, l’homme ne sait où aller et ne parvient même pas à comprendre qui il est. »

En 1899, la famille Freund s’installe à Zurich, en Suisse. Après avoir passé son baccalauréat en 1903, Hildegarde s’inscrit à l’université, privilège rare pour les jeunes filles à cette époque. Elle y étudie la littérature allemande et la philosophie, sous la direction de deux professeurs protestants, Saitschik et Förster ; ceux-ci enseignent un système, la “philosophie de la vie”, qui, à l’encontre du rationalisme ambiant, affirme que l’homme est capable de connaître Dieu. Saitschik insiste sur la pureté de cœur et la droiture de l’âme qui sont requises pour cette connaissance. Hildegarde, touchée mais pas convaincue, répète sans cesse, dans les larmes et la supplication, la “prière de l’incroyant” : « Mon Dieu, si vous existez, faites que je vous trouve ! » . Mais pour le moment, elle ne reçoit aucune réponse.

Le sens profond de la vie

En 1907, Hildegarde retourne à Berlin pour étudier l’économie et la politique sociale. Elle y rencontre Alexander Burjan, un ingénieur juif hongrois jusqu’alors agnostique qui, comme elle, cherche le sens profond de la vie ; ils se marient dans l’année. En octobre 1908, une crise de colique néphrétique contraint la jeune femme à se faire hospitaliser à l’hôpital catholique Sainte-Hedwige de Berlin. Son état de santé s’aggrave au point qu’elle doit subir plusieurs interventions chirurgicales. Durant la Semaine Sainte de 1909, elle est à l’article de la mort et les médecins perdent tout espoir de la sauver. Contre toute attente, le lundi de Pâques, sa santé s’améliore nettement. Après sept mois d’hospitalisation, elle peut revenir chez elle ; mais elle souffrira, sa vie durant, des suites de cette maladie du système rénal.

Au cours de son long séjour à l’hôpital, Hildegarde a admiré le dévouement et la charité des religieuses hospitalières “borroméennes” (membres d’un Ordre fondé par saint Charles Borromée, archevêque de Milan, mort en 1584). Elle remarque : « Seule l’Église catholique peut réaliser ce miracle de remplir une communauté entière d’un tel esprit… L’homme laissé à ses seules forces naturelles ne peut pas faire ce que font ces Sœurs ; en les voyant, j’ai fait l’expérience de la puissance de la grâce. » C’est à la suite de cette révélation de la “vérité inébranlable” de l’Église à travers la sainteté de ses membres qu’Hildegarde se convertit. Après un temps de catéchuménat, elle reçoit le Baptême le 11 août 1909. Cet acte décisif est l’aboutissement d’un long parcours spirituel ; après avoir longtemps pensé que les hommes pouvaient, à force d’intelligence et de volonté, réaliser par eux-mêmes le progrès moral, elle écrit maintenant : « Ce n’est pas à partir de la seule sagesse humaine que nous pouvons faire le bien, mais uniquement grâce à l’union avec le Christ ; en Lui nous pouvons tout, sans Lui nous sommes dans l’indigence complète. »

« L’homme ne se développe pas seulement par ses propres forces, écrivait le Pape Benoît XVI dans Caritas in veritate… Tout au long de l’histoire, on a souvent pensé que la création d’institutions suffisait à garantir à l’humanité la satisfaction du droit au développement. Malheureusement, on a placé une confiance excessive dans de telles institutions, comme si elles pouvaient atteindre automatiquement le but recherché. En réalité, les institutions ne suffisent pas à elles seules, car le développement intégral de l’homme est d’abord une vocation… Un tel développement demande, en outre, une vision transcendante de la personne ; il a besoin de Dieu : sans Lui, le développement est nié ou confié aux seules mains de l’homme, qui s’expose à la présomption de se sauver par lui-même et finit par promouvoir un développement déshumanisé. D’autre part, seule la rencontre de Dieu permet de ne pas voir dans l’autre que l’autre, mais de reconnaître en lui l’image de Dieu, parvenant ainsi à découvrir vraiment l’autre et à développer un amour qui devienne soin de l’autre pour l’autre » (n. 11).

« L’enfant doit vivre ! »

Le Baptême signifie pour Hildegarde le début d’une vie nouvelle. Rayonnante, elle confie son bonheur à ses proches. Dès août 1910, elle a la joie de voir son mari Alexander baptisé à son tour. Peu après, enceinte, Hildegarde se prépare à un accouchement difficile. Les médecins lui conseillent d’avorter en raison du grave risque qu’elle court. Mais elle refuse énergiquement : « Ce serait un meurtre ! Si je meurs, je serai alors victime de mon “métier” de mère, mais l’enfant doit vivre. » L’accouchement se passe bien et une petite Lisa vient au monde ; ce sera l’unique enfant de la famille Burjan, dont la vie se déroule désormais à Vienne, où Alexander deviendra directeur d’une société de matériel téléphonique.

Hildegarde est certaine que sa vie, providentiellement préservée, doit être entièrement consacrée à Dieu et aux hommes. Annoncer aux pauvres, par l’action sociale, l’amour de Dieu à leur égard, voilà sa vocation. Elle découvre bientôt la terrible réalité de la condition ouvrière. La population pauvre, installée récemment dans la capitale autrichienne, vit entassée dans des logements insalubres. Hommes, femmes et enfants travaillent en usine de douze à quinze heures par jour pour un salaire de misère. Dans ce milieu, les femmes se trouvent exposées à la tentation de se prostituer et d’abandonner leurs enfants. Pour y remédier, l’Église va créer des associations de femmes catholiques qui lutteront non seulement pour la préservation de la moralité des ouvrières, mais aussi pour la défense de leurs droits face à des employeurs sans scrupules. Hildegarde s’engage à fond dans cette tâche, forte de sa connaissance approfondie des questions sociales, acquise à l’université. Elle prend en particulier la défense des ouvrières qui accomplissent à domicile des travaux payés à la discrétion de l’employeur, sans la moindre protection sociale.

En septembre 1912, Hildegarde prend la parole lors du rassemblement annuel des Ligues catholiques féminines à Vienne : « Regardons si nous ne serions pas complices de la misère du peuple. N’achetons que chez les commerçants consciencieux, ne faisons pas tant baisser les prix, exigeons de temps en temps des fabricants qu’ils nous rendent des comptes quant à l’origine des produits ! Il arrive trop souvent que la femme aisée pousse les commerçants à livrer dans des conditions irréalistes et cela se fait toujours au détriment des pauvres ouvrières à domicile. » Presque seule au début pour prendre la défense de ces “sans-voix”, elle recrute des collaboratrices bénévoles issues des classes aisées.

Des petits esclaves

La même année, Hildegarde fonde “l’Association des ouvrières chrétiennes à domicile”, qui offre à ses membres une rémunération avantageuse, une protection sociale, une assistance juridique, la possibilité d’étudier. Au prix de gros efforts et de fréquentes humiliations, elle s’efforce de gagner le concours de personnes réticentes, voire hostiles. Elle pense que les femmes ont le droit d’exercer une profession, y compris intellectuelle, dans la mesure où ce travail ne nuit pas à leur fonction naturelle d’épouse et de mère ; mais ce droit ne doit pas être prétexte à une exploitation de leur faiblesse. Elle s’occupe également des enfants contraints à gagner leur vie – un tiers des enfants viennois est dans cette situation : à l’encontre de la loi, des enfants de six ans sont employés 14 heures par jour, en usine ou à domicile. Une effrayante mortalité atteint ces petits esclaves ; les rescapés eux-mêmes restent mentalement atteints.

Bouleversée par ce scandale, Hildegarde dénonce dans une brochure l’exploitation des enfants, en s’inspirant de l’enseignement du Pape Léon XIII dans l’encyclique Rerum novarum (1891). La charité envers les pauvres ne doit pas se borner à soulager les souffrances isolées, sans chercher à remédier aux injustices qui les provoquent. Chacun doit assumer ses responsabilités, inclusivement sur le plan politique, pour supprimer à la racine les structures de péché et établir la justice sociale. Pendant la Première Guerre mondiale, Hildegarde prend la défense des femmes qui remplacent à l’usine les hommes mobilisés. Son but : l’application au profit des ouvrières du principe “à travail égal, salaire égal”. En novembre 1918, la défaite des empires centraux (Allemagne et Autriche-Hongrie) entraîne une insurrection à Vienne et la proclamation de la république. Proposée comme candidate aux élections législatives, Hildegarde Burjan devient la seule femme député du parti social-chrétien. Au Parlement, elle promeut des réformes sociales, non dans un esprit révolutionnaire, mais dans la fidélité à la doctrine sociale de l’Église ; elle propose des lois en faveur des droits des ouvrières et de la protection de l’enfance. À son instigation, les partis s’accordent pour adopter une loi offrant une protection sociale aux aides ménagères.

La conscience du Parlement

Hildegarde avait dit : « Un plein intérêt pour la poli- tique fait partie du christianisme pratique. » Soixante-dix ans plus tard, le bienheureux Jean-Paul II affirmera : « Les fidèles laïcs ne peuvent absolument pas renoncer à la participation à la “politique”, à savoir à l’action multiforme, économique, sociale, législative, administrative, culturelle, qui a pour but de promouvoir, organiquement et par les institutions, le bien commun » (Exhortation post-synodale Christifideles laici, 30 décem–bre 1988, n. 42).

Pendant les deux années de son mandat, Hildegarde gagne l’estime de tous au Parlement. Le chancelier Ignace Seipel dira n’avoir jamais rencontré une personne plus enthousiaste dans son action politique ni plus avisée dans ses intuitions. Le cardinal Piffl, archevêque de Vienne, voit en elle “la conscience du Parlement”. Invitée à se présenter pour les élections de 1920 et pressentie pour le poste de ministre des Affaires sociales, elle décline ces offres à cause de sa faible santé mais surtout pour se consacrer à l’organisation de la Caritas Socialis (Charité sociale), une œuvre dont l’objet et le nom lui ont été inspirés par l’exclamation de saint Paul (2 Co 5, 14) : Caritas Christi urget nos, la charité du Christ nous presse !

Hildegarde a compris que, pour atteindre son but et être vraiment efficace, une action sociale réclame de la part des personnes qui s’engagent qu’elles soient totalement motivées par l’idéal évangélique : d’où son idée de fonder une communauté de femmes consacrées à Dieu pour promouvoir la justice sociale au cœur des cités ouvrières devenues étrangères au christianisme. Animées par la divine charité, ces personnes vivront selon les “conseils évangéliques” (pauvreté, chasteté et obéissance), sous un habit religieux simple et discret, à proximité des ouvriers. Hildegarde formule ainsi l’intuition fondatrice de la Caritas Socialis : « L’Église catholique a, au cours des siècles, fait éclore les fleurs les plus variées. Devant chaque détresse qui se présentait, elle envoyait des hommes remplis par l’Esprit-Saint pour y porter remède… Peut-être, à son tour, notre Caritas pourra-t-elle, au milieu du paganisme moderne, apparaître comme une branche discrète sur le tronc de l’Église. » Le projet est approuvé par le cardinal Piffl et béni par le Pape Benoît XV.

Le 4 octobre 1919, les dix premières Sœurs de la “Société apostolique des Sœurs de la Caritas Socialis” prononcent leur engagement devant Dieu au cours d’une Messe, à Vienne. À côté d’elles travaillent des associées laïques. L’ambition de la Caritas est de se dévouer à des œuvres nouvelles de charité : procurer un toit aux femmes sans logis, secourir les jeunes filles pauvres en danger, accueillir les mères célibataires pour leur éviter la tentation d’avorter (un “Foyer pour la mère et l’enfant” est ouvert à Vienne en 1924), arracher au vice les prostituées en les réhabilitant, soigner les femmes atteintes de maladies vénériennes, etc. Cet apostolat scandalise certains catholiques, qui y voient un encouragement ou du moins une excuse à l’immoralité. En réalité, comme l’écrit Hildegarde, « il ne s’agit pas seulement de soulager la misère matérielle, mais bien d’éveiller une vie nouvelle dans le Christ » . Ces femmes dites “perdues” ou menacées sont appelées à la conversion et à mener désormais une vie chrétienne. La Caritas leur en donnera le moyen.

À la tête des Sœurs

Femme mariée et mère de famille, Hildegarde Burjan exerce en tant que fondatrice la fonction de supérieure des Sœurs, anomalie qui soulève les critiques de certains fidèles. Le cardinal Piffl leur répond : « Posséder Madame Burjan dans mon diocèse est une grâce dont je serai comptable devant Dieu. C’est ma sainte conviction qu’elle doit rester à la tête des Sœurs jusqu’à son dernier souffle. » Surchargée, harassée par le travail, la fondatrice a l’habitude de dire : « Je me reposerai et je dormirai seulement quand je serai sous terre. » Elle consacre beaucoup de temps à accueillir et conseiller les Sœurs ; elle leur témoigne les égards dus à des femmes consacrées à Dieu dans le célibat. Modestie, discrétion dans les paroles, mais aussi charité et chaleur humaine sont les qualités qu’elle montre dans cette direction spirituelle. Reprendre une Sœur pour une faute lui coûte beaucoup, mais elle parle ouvertement quand c’est son devoir ; elle le fait alors de manière si aimable et constructive qu’on la quitte gagné et en paix. Cette tâche si prenante n’empêche pas Hildegarde de rester une épouse très aimante et une mère de famille disponible. Quelque temps avant sa mort, elle dira à son mari : « J’ai été très heureuse avec toi. Je te remercie pour toutes ces belles années que nous avons passées ensemble, pour ta compréhension et ton aide dans mon travail. »

La prière est pour Hildegarde une nécessité fondamentale ; sans Dieu, rien d’utile ne peut se faire (cf. Jn 15, 5). Elle prie surtout la nuit, faute d’en avoir le temps pendant la journée ; pour cela, elle prend sur son temps de sommeil. Diabétique, Hildegarde devra chaque jour pendant quinze ans se faire des injections d’insuline. Elle supporte avec patience toutes les souffrances de la maladie : douleurs des reins et de l’intestin, épuisement, faim causée par la diète sévère qui lui est prescrite, et surtout une soif ardente. Tous les jours, elle assiste à la Messe et y communie. Selon la discipline en vigueur à l’époque, pour communier il faut être à jeun sans avoir rien mangé ni bu depuis minuit. Chaque matin, elle attend que son mari ait pris son petit déjeuner et soit parti au bureau ; elle va alors à la Messe et ne boit qu’au retour. Jamais elle ne demandera une dispense du jeûne eucharistique. Parlant d’expérience, Hildegarde écrira à une de ses religieuses : « Croyez-moi, pour toute personne la vie est un combat ; qu’il y fasse attention ou non, chacun avance lentement sur le chemin pierreux du calvaire. Remercions Dieu de nous donner la possibilité d’y monter et, par sa lumière, de nous faire reconnaître nos fautes. »

Lorsque cesse toute illusion

À la Pentecôte de 1933, une inflammation rénale très douloureuse se déclare. Malgré les pronostics médicaux rassurants, Hildegarde se prépare calmement à la mort qu’elle sent proche. Son médecin a porté sur ses derniers jours le témoignage suivant : « J’ai vu d’innombrables patients proches de la mort ; mais les dernières heures d’Hildegarde Burjan demeurent dans ma mémoire comme un cas unique. Pleinement consciente d’être proche de sa fin, elle se souciait des siens et de ses œuvres. Pour elle-même, elle était sans crainte, tout abandonnée ; elle considérait avec joie la mort comme une délivrance de l’existence terrestre, et manifestait une confiance totale d’entrer dans la vie éternelle. »

De son côté, Hildegarde confie : « Ma mort est un calme Deo gratias ! Il y a vingt-cinq ans, Dieu, au moment de cette maladie, m’a attirée à Lui et choisie, Il m’a portée dans ses bras comme un enfant, et maintenant, Il me délivre de cette maladie pour me conduire à Lui. Je réfléchis souvent à ce qui pourrait m’être un sujet de crainte, au moment de paraître devant Dieu… Certes, j’ai fait beaucoup de choses mauvaises dans ma vie, mais je sais que je n’ai jamais cherché autre chose que sa Volonté. Et c’est pour cela que je ne vois rien que je doive craindre. » Elle témoigne aussi de sa foi sereine : « Parfois, au cours de ma vie, m’est venue la pensée de ce que serait l’heure de ma mort, ce moment où cesse toute illusion. Je me demandais si alors tout n’allait pas s’effondrer, m’apparaître comme une chimère… Eh bien maintenant, je vois que tout est vrai, que tout cela est Vérité. » Le 11 juin 1933, fête de la Sainte Trinité, elle murmure : « Comme cela va être beau d’aller se reposer en Dieu ! » Puis, embrassant son crucifix, elle dit, d’une voix lente et claire : « Cher Sauveur, rends tous les hommes aimables, afin que tu puisses les aimer. Enrichis-les de toi seul ! » Peu après, elle expire.

À la mort d’Hildegarde, la Caritas Socialis comptait 150 membres et 35 établissements en Autriche et à l’étranger. Érigée en 1960 comme institut religieux de droit pontifical, cette “Communauté de vie apostolique” comprend aujourd’hui 900 sœurs et collaboratrices séculières qui exercent divers apostolats, particulièrement en faveur des mères enceintes en difficulté (foyers d’accueil) et des personnes âgées atteintes de maladies graves (syndrome d’Alzheimer). À la suite d’un décret du Pape Benoît XVI, Hildegarde Burjan a été proclamée bienheureuse le 29 janvier 2012, à Vienne. Dans la formule de leur engagement, composée par la bien-heureuse, les Sœurs de la Caritas disent à Dieu : « Je te remercie de tout mon cœur de m’avoir jugée digne d’être un instrument de ton amour. »

Demandons à Jésus-Christ, envoyé dans le monde par son Père pour y allumer le feu de l’Amour (cf. Lc 19, 42), de faire de nous aussi des instruments de son Amour rédempteur.

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