17 juillet 2024

Bienheureux Miguel Pro

Bien chers Amis,

Dans les rues de Mexico, en 1927, un jeune homme circule à bicyclette, revêtu d’une salopette d’ouvrier. Il va au travail… Son travail ? Confesser et distribuer clandestinement la sainte Communion à des centaines de personnes dans des maisons particulières : en effet, tout exercice du culte catholique est interdit par le gouvernement. Cet “ouvrier” est en réalité un jeune prêtre jésuite qui se déguise pour déjouer la surveillance de la police. Sa tête est mise à prix depuis six mois. « Quel gaspillage d’argent ! » , remarque Miguel Pro, non sans ironie.

Bienheureux Miguel Pro Miguel Agustín Pro est né le 13 janvier 1891, troisième de onze enfants, à Guadalupe, ville minière dans l’État de Zacatecas, au centre du Mexique. Ses parents, Miguel et Josefa, sont de fervents catholiques. Le jeune Miguel développe une personnalité vive et attrayante : sa piété s’allie avec la gaieté et le sens de l’humour. À dix ans, ses parents l’envoient dans une école renommée de Mexico. Mais des maux d’estomac, qui l’accompagneront toute sa vie, le forcent bientôt à poursuivre ses études à la maison. À quinze ans, il aide son père, ingénieur des Mines, comme secrétaire. Parfois, il descend aussi dans la mine et bavarde avec les mineurs ; excellent imitateur, il est vite en mesure de parler leur langage. Sa mère prend l’initiative de s’occuper des mineurs malades, et Miguel l’accompagne volontiers dans ses visites charitables. La famille Pro fonde bientôt un petit hôpital, dans lequel trois médecins se proposent pour soigner gratuitement.

Miguel aime bavarder avec les amies de ses sœurs. À 18 ans, il sort le soir, devient mondain et se relâche dans sa vie spirituelle. Sa mère en est navrée. Un jour, elle lui demande de porter au presbytère de la paroisse un voile de tabernacle qu’elle a brodé.. Il se fait un peu prier, mais finalement accepte. Au presbytère, il rencontre deux prêtres jésuites qui se rendent dans le voisinage pour une mission. « Bonjour, jeune homme. Vous nous accompagnez ? » Miguel se laisse convaincre et suit les exercices spirituels de la mission pendant une semaine. Il en sort transformé, ayant recouvré piété et paix de l’âme. En 1911, María de la Concepción, sa sœur préférée, entre au couvent, ce qui provoque un véritable drame dans le cœur du jeune homme – peu auparavant, une autre de ses sœurs avait suivi le même chemin. Mais cet exemple le fait réfléchir. Quelques semaines plus tard, il annonce à ses parents sa résolution de devenir jésuite.

Sa demande acceptée par le provincial, Miguel entre le 10 août 1911, à l’âge de vingt ans, au noviciat d’El Llano (Michoacan). Dès le 15 août, fête de l’Assomption de Marie, il revêt la soutane. En ce lieu humide, il contracte le paludisme. Pour l’aider à refaire sa santé, on lui permet quelques promenades et on ajoute des fruits à son menu. Plus tard, un jeune novice racontera à son sujet : « Le Frère Miguel avait une conversation humble et gaie ; sans ennuyer personne, il réussissait à glisser dans ses paroles plutôt comiques des réflexions pieuses. Il avait une grande dévotion au Sacré-Cœur… Ce que j’admirais chez lui était son esprit de sacrifice et sa patience face à toutes les misères qui nous arrivaient, du fait de l’état chaotique du pays. » Le Père Pulido, maître des novices, a témoigné de son côté : « Ce que j’ai apprécié le plus chez ce novice, c’est sa gaieté et son humour. C’était le compagnon idéal des récréations et des fêtes. Cependant il y avait en lui deux hommes : le gai luron des récréations et un religieux d’une profondeur exceptionnelle. »

Le 15 août 1913, le Frère Miguel est admis à prononcer les premiers vœux de religion. Alors qu’il est sur le point de commencer ses études de philosophie, une révolution éclate. Depuis l’indépendance du Mexique, en 1810, les “Libérateurs” du pays se sont efforcés plusieurs fois de réduire l’influence sociale de l’Église. En 1913, Venustiano Carranza prend le pouvoir, s’appuyant sur les éléments anticléricaux de l’armée et sur la franc-maçonnerie. Une persécution contre l’Église commence : des prêtres sont arrêtés, des églises profanées, les ordres religieux supprimés. Avec les jésuites de Llano, répartis en petits groupes, Frère Miguel doit s’enfuir en août 1914, déguisé en paysan. Il traverse le pays dévasté par des bandes de soldats. De passage à Guadalajara, Miguel rencontre sa mère Josefa, sans nouvelles de son mari et réduite à la misère. Madame Pro, qui fait des lessives pour gagner le pain de la famille, lui montre un tableau du Sacré-Cœur, désormais sa seule richesse. Elle ajoute : « Mon fils, même si tu me vois demander l’aumône, suis ta vocation. Nous ne savons pas si ton père est vivant ou mort, mais nous restons avec Dieu notre Père. »

Inaltérable gaieté

Après 46 jours de voyage, les jésuites mexicains arrivent aux États-Unis et s’embarquent bientôt pour l’Espagne où ils trouveront des locaux adaptés. De 1915 à 1918, Miguel étudie la philosophie à Grenade. Ses compagnons de l’époque ne parlent pas à son sujet de prouesses intellectuelles, mais se souviennent de sa piété, de son esprit de mortification et de son inaltérable gaieté. Parfois au milieu des rires qu’il provoquait, on le voyait réprimer une grimace : il souffrait de maux d’estomac chroniques qu’il s’efforçait de cacher pour ne pas être à charge. De 1918 à 1922, conformément au cursus de formation des son ordre, le Frère Pro enseigne dans un collège pour enfants que les jésuites viennent d’ouvrir au Nicaragua. Les bâtiments inachevés le protègent mal du climat : sa santé s’altère et son supérieur l’apprécie peu. Humilité et confiance en la divine Providence l’aident à prendre les choses du bon côté.

Miguel retourne ensuite en Espagne pour y étudier deux ans la théologie près de Barcelone. Pendant l’été 1924, il fait sa retraite annuelle à Manrèse, où saint Ignace avait reçu de la Sainte Vierge l’inspiration des Exercices Spirituels. De 1924 à 1926, il achève ses études au scolasticat d’Enghien en Belgique où sont regroupés 135 jeunes jésuites provenant de treize nations. Ses supérieurs remarquent son don pour les langues. La deuxième année, Miguel obtient la permission de visiter, dans un but d’évangélisation, le bassin minier de Charleroi. Il parvient à discuter avec un groupe d’ouvriers socialistes ; son sens de la réplique fait mouche. Malgré ses résultats scolaires assez faibles et sa santé peu brillante, mais en raison de sa piété et de son zèle apostolique, Miguel Pro est ordonné prêtre à Enghien le 31 août 1925 par un évêque français. Le nouveau prêtre commence sa quatrième année de théologie, mais bientôt son état de santé empire : un ulcère de l’estomac est diagnostiqué ; il doit être hospitalisé et sera opéré trois fois. Nouvelle épreuve : en février 1926, il reçoit un télégramme lui annonçant la mort de sa mère. Josefa savait que sa mission sur terre était terminée et elle avait offert sa vie à Dieu pour son fils ; elle était convaincue que le Seigneur Jésus l’avait entendue.

Cependant la santé de Miguel ne s’améliore pas ; il est envoyé dans une maison de convalescence tenue par des franciscaines à Hyères. Bientôt, le médecin qui le soigne dit confidentiellement au religieux qui l’accompagne : « C’est un cas désespéré. Vous devez en informer vos supérieurs. Rien n’a été dit au patient. » Le Père Picard, responsable du scolasticat, informe alors Miguel de son état et ajoute : « Retourne au Mexique pour mourir dans ton pays. » Il l’autorise, en partant, à faire un bref pèlerinage à Lourdes au cours duquel le Père Pro va recevoir de grandes grâces : « Ce que j’ai ressenti là n’est pas à écrire, ce fut un des jours les plus heureux… À neuf heures, j’ai dit la Messe… J’ai passé une heure dans la grotte, j’ai pleuré comme un enfant. Maintenant je repars l’âme pleine de consolation. Pour moi, aller à Lourdes, c’était rencontrer ma Mère du Ciel, lui parler, lui demander ; et je l’ai rencontrée, je lui ai parlé, je lui ai demandé… » Il s’embarque à Saint-Nazaire, désormais sans aucun traitement médical.

Dans la clandestinité

Le 7 juillet 1926, Miguel débarque à Veracruz, camouflé en habits civils. La Providence le protège : le bureau des douanes n’ouvre pas ses bagages, et l’inspecteur des passeports ne contrôle pas ses papiers. Arrivé à Mexico, il se présente au Père provincial Luis Vega, qui l’envoie en mission dans la capitale. Passé chez lui, il apprend que son frère Humberto, âgé de 24 ans, est en prison pour avoir résisté aux lois antireligieuses. Une heure plus tard, le Père Pro commence son ministère dans une maison discrète, là où se trouve aujourd’hui la paroisse Notre-Dame de Guadalupe, Reine de la Paix.

C’est précisément au moment où Miguel Pro arrive à Mexico que la crise des relations entre l’Église et l’État atteint son paroxysme. Le président imposé par l’armée, Plutarco Elías Calles, franc-maçon imbu de l’idéologie marxiste, renchérit sur les dispositions anticléricales de la Constitution de 1917 : en 33 articles, les lois Calles interdisent l’enseignement religieux dans toutes les écoles, bannissent les prêtres étrangers, suppriment les ordres religieux et nationalisent les biens de l’Église. Tout apostolat sacerdotal et tout acte du ministère sont interdits en dehors des églises. Constatant que les conditions imposées par les lois nouvelles rendent impossible la continuation de tout ministère, les évêques mexicains décident, avec l’approbation du Pape Pie XI, de suspendre tout exercice public du culte dans le pays à partir du 31 juillet 1926. Avant le jour fatidique, le Père Pro est mobilisé pour administrer les sacrements. De 5h à 11h et de 15h à 20h, son confessionnal est assiégé. Il écrit quelques jours plus tard : « Comment ai-je résisté ? Moi le fragile, moi le délicat, moi l’hôte intéressant de deux cliniques européennes… ? Tout cela prouve avec la plus grande évidence que si l’élément divin, qui ne se sert de moi que comme d’un instrument, n’était pas intervenu, tout cela serait depuis longtemps terminé. »

Le 31 juillet, les saintes Espèces sont consommées et les tabernacles sont désormais vides dans tout le Mexique. Les églises désertées sont profanées par la soldatesque. La Messe est célébrée clandestinement. Le Père Pro inaugure les « stations eucharistiques » , dans des maisons où il passe à une heure convenue pour donner la sainte Communion. « Je distribue deux à trois cents Communions chaque jour. Cela m’occupe jusqu’à huit heures du matin, sans compter le travail des confessions que j’ai, les mercredi, jeudi et vendredi après-midi. » Il organise des cercles d’étudiants pour aider ceux-ci à approfondir leur foi. Il s’occupe également des employés et des travailleurs domestiques ; récusant le rejet social qui les marginalise, il aide les mères célibataires et fonde un centre pour la réhabilitation des prostituées.

Pour le Christ-Roi

Pour répondre à la persécution, la « Ligue de défense des libertés religieuses » décrète la grève des achats. Les catholiques n’achètent plus que le strict nécessaire et retirent des banques tout l’argent qu’ils y avaient déposé. Cette grève provoque une crise économique et financière. Le dictateur Calles s’inquiète également de la révolte armée des Cristeros (partisans du Christ-Roi). Ces humbles paysans ont engagé une lutte inégale contre la révolution, pour la liberté du culte et le règne social du Christ (dont le Pape Pie XI venait en 1925 de rappeler l’urgence en instituant la fête liturgique du Christ-Roi). Les mesures violentes contre les prêtres s’aggravent, allant jusqu’au meurtre ; des laïcs trouvés porteurs de tracts contre le gouvernement sont fusillés sans procès.

Jésus-Christ est roi. Il l’a affirmé à Pilate : « Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité : quiconque est de la vérité écoute ma voix » (Jn 18, 37). Le règne du Christ est le règne de la vérité : vérité sur Dieu, vérité sur l’homme et sa destinée éternelle. Saint Jean-Paul II constatait le 23 février 2002 : « Vers la moitié du millénaire qui vient de s’écouler, s’est engagé un processus de sécularisation qui a prétendu exclure Dieu et le christianisme de toutes les expressions de la vie humaine ; il s’est particulièrement développé à partir du xviiie siècle. Le point d’arrivée de ce processus a été le laïcisme et le sécularisme agnostique et athée, c’est-à-dire l’exclusion absolue et totale de Dieu et de la loi morale naturelle de tous les domaines de la vie humaine.. »

Le Catéchisme de l’Église catholique enseigne : « Le devoir de rendre à Dieu un culte authentique concerne l’homme individuellement et socialement. C’est là “la doctrine catholique traditionnelle sur le devoir moral des hommes et des sociétés à l’égard de la vraie religion et de l’unique Église du Christ” (cf. Vatican II, Déclaration sur la liberté religieuse, n°1). (…) L’Église manifeste ainsi la royauté du Christ sur toute la création et en particulier sur les sociétés humaines. » (CEC n°2105 ; cf. encycliques Immortale Dei de Léon XIII et Quas Primas de Pie XI).

Le rejet par les sociétés humaines de toute vérité conduit au totalitarisme. « L’Église invite les pouvoirs politiques à référer leurs jugements et leurs décisions à l’inspiration de la Vérité sur Dieu et sur l’homme : “Les sociétés qui ignorent cette inspiration ou la refusent au nom de leur indépendance par rapport à Dieu, sont amenées à chercher en elles-mêmes ou à emprunter à une idéologie leurs références et leur fin, et, n’admettant pas que l’on défende un critère objectif du bien et du mal, se donnent sur l’homme et sur sa destinée un pouvoir totalitaire, déclaré ou sournois, comme le montre l’histoire” » (CEC n°2244).

Le 31 octobre, défiant le gouvernement, 200000 pèlerins se rendent au sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe, tout proche de Mexico ; le Père Pro les encourage à chanter à pleins poumons des cantiques au Christ-Roi. Le premier vendredi de novembre 1926, il donne la sainte Communion à 1300 personnes. Décrivant sa vie quotidienne, il remarque avec humour que le plus grand danger pour lui, cycliste, n’est pas la police mais bien les automobilistes « très audacieux » . Avec sang-froid, il parvient de nombreuses fois à éviter la capture. Il fait même un bref séjour en prison sans que la police découvre sa véritable identité.

Ce que vous avez de meilleur comme charité

Au début de l’année 1927, le Père Pro fonde des commissions d’aide en faveur de familles devenues indigentes en raison de leur fidélité à la foi catholique et de la guerre civile. Il coordonne l’action d’une douzaine de personnes chargées de collecter des denrées alimentaires. On peut le voir porter à des nécessiteux un gros sac de nourriture, tout en se contentant lui-même d’un régime très frugal. Il assiste, au spirituel comme au matériel, des communautés religieuses féminines clandestines. De sa prison, il enverra à l’une d’elles son dernier argent avec un petit mot : « Il est temps pour vous de verser sur moi ce que vous avez de meilleur comme charité. » Miguel aide également les familles des Cristeros, sans se lier au mouvement armé. Il juge que les catholiques ont le droit et le devoir de défendre leurs droits politiques, dont celui de pratiquer publiquement la religion. Il manifeste dans des lettres et messages son désir du martyre : « Comme je désire être trouvé digne de souffrir la persécution pour le saint Nom de Jésus… mais que sa volonté soit faite… Comme je désire m’envoler d’un coup d’aile au Ciel pour pouvoir jouer de la guitare et chanter avec mon ange gardien ! »

En mars, son supérieur lui ordonne de se cacher et de ne plus sortir, car il est activement recherché par la police. Il commente : « Qu’elle est difficile, cette vertu d’obéissance ! Je crois que l’obéissance est le meilleur des sacrifices. » Il objecte cependant à son supérieur que la situation n’est pas si dangereuse, que sa santé s’est beaucoup améliorée : « Mon estomac se souvient à peine d’avoir été opéré. » Bientôt autorisé à reprendre son apostolat clandestin, le Père Pro prêche, toujours clandestinement, de nombreuses retraites selon les Exercices Spirituels de saint Ignace. Pour circuler dans Mexico, il invente toutes sortes de déguisements : musicien ambulant, ouvrier, chauffeur, mineur, dandy, étudiant. Il écrit dans son journal : « Quelle joie intérieure de rendre la paix à une famille ouvrière brisée ! Quelle joie de porter la Communion à un vieillard de 94 ans ! Quelle joie d’entendre la confession d’un jardinier italien sous un arbre, ou d’enseigner le catéchisme à un communiste parmi les copeaux et la sciure de son atelier de menuisier ! »

Le 13 novembre 1927, quatre jeunes catholiques lancent une bombe sur la voiture du général Obregón, principal ministre de Calles. À la suite de cet attentat manqué, la police établit que la voiture d’où a été lancée la bombe a appartenu naguère à l’un des frères de Miguel Pro. Par suite de l’indiscrétion d’une femme et des révélations d’un enfant effrayé, les enquêteurs découvrent la cachette du jésuite. Le 18 novembre à trois heures du matin, vingt soldats armés font irruption, l’arme au poing, dans la pièce où dorment les trois frères Pro. Le Père dit à ses frères : « Repentez-vous de vos péchés » ; et d’une voix assurée, il prononce l’absolution sacramentelle, ajoutant : « Offrons nos vies pour la religion au Mexique et faisons-le ensemble pour que Dieu accepte notre sacrifice. »

« Pour l’exemple »

Miguel et son frère Roberto sont conduits dans une cellule humide et malodorante (Humberto est enfermé ailleurs). Pendant les cinq jours de leur détention, le Père et ses codétenus disent ensemble les prières du matin et du soir, le Rosaire, chantent des cantiques. Miguel grave sur le mur de la cellule : « Vive le Christ-Roi ! Vive Notre-Dame de Guadalupe ! » Apprenant que le Père Pro risque d’être fusillé, Segura Vilchis, principal auteur de l’attentat, se dénonce au général Roberto Cruz, inspecteur général de la police, et jure que les frères Pro ne sont pour rien dans l’organisation de l’attentat ; ils n’étaient même pas au courant des préparatifs. Miguel et ses deux frères avaient juré pareillement de leur innocence, et la police n’avait aucune pièce à conviction. Mais Calles et Obregón ordonnent à Cruz de faire fusiller le Père Pro, « pour l’exemple » , sans plus de formalités.

Le 23 novembre 1927 à 10 heures du matin, Miguel et Humberto sont conduits au poteau d’exécution. Roberto sera seulement exilé, faute de chefs d’accusation. Sur le chemin, le Père pardonne à son geôlier et aux soldats. Il obtient un instant pour prier, ce qu’il fait à genoux avec beaucoup de recueillement. Devant le peloton d’exécution, sous le regard indifférent de Cruz qui fume un cigare, le jeune martyr met les bras en croix et s’écrie : « Vive le Christ-Roi ! » Comme il respire encore après la décharge, un soldat lui donne le coup de grâce. En faisant diffuser les photos de l’exécution dans la presse gouvernementale, Calles rendra le Père Pro célèbre dans le monde entier. Au grand déplaisir des autorités, son enterrement, suivi par plusieurs dizaines de milliers de personnes, est un triomphe. Lorsque le cercueil est déposé dans le caveau des Jésuites, le père du martyr, don Miguel, entonne spontanément le Te Deum.

Malgré les accords de compromis passés en 1929 entre le gouvernement et le Vatican, la persécution contre les catholiques s’est poursuivie au Mexique jusque vers la fin du xxe siècle. Parmi les nombreux martyrs de la révolution mexicaine, le Père Pro a été, plus que tout autre, vénéré par le peuple catholique comme un symbole de l’Église persécutée. Le 25 septembre 1988, Miguel Agustín Pro a été officiellement déclaré martyr et bienheureux par le Pape saint Jean-Paul II. Liturgiquement, il est commémoré le 23 novembre dans la Compagnie de Jésus et au Mexique.

Nous pouvons en toutes circonstances nous associer à cette prière écrite par le bienheureux Miguel dans son journal, peu avant sa mort : « Je crois, Seigneur, mais fortifiez ma foi… Cœur de Jésus, je Vous aime, mais augmentez mon amour. Cœur de Jésus, j’ai confiance en Vous, mais donnez plus de vigueur à ma confiance. Cœur de Jésus, je Vous donne mon cœur, mais enfermez-le en Vous, pour qu’il ne soit jamais séparé de Vous. Cœur de Jésus, je suis tout à Vous ; mais prenez soin de ma promesse afin que je puisse la mettre en pratique jusqu’au sacrifice complet de ma vie. »

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