22 février 2006
Bienheureuse Sœur Zdenka (Cecilia Schelling)
Bien chers Amis,
«
Pour de pauvres chrétiens tels que, au fond, nous le sommes tous, les martyrs sont un encouragement à vivre l’Évangile avec sérieux et dans son intégralité, en affrontant avec courage les petits et les grands sacrifices que la vie chrétienne, vécue dans la fidélité aux paroles et aux exemples de Jésus, comporte normalement. Les martyrs sont les imitateurs les plus authentiques de Jésus dans sa passion et dans sa mort » , affirmait le Cardinal Saraiva Martins (29 octobre 2005). Et il poursuivait : « Voilà pourquoi l’Église en a honoré la mémoire et les a proposés à chaque époque aux chrétiens comme des modèles à imiter » . La bienheureuse Soeur Zdenka Schelling est une martyre que le Pape Jean-Paul II nous a présentée comme un « exemple lumineux de fidélité dans les moments de persécution religieuse dure et sans pitié » (14 septembre 2003).
Cecília Schelling est née le jour de Noël 1916, dixième enfant d’une famille de paysans, à Krivá en Slovaquie, pays de l’Empire austro-hongrois. Son village natal se situe dans une magnifique région montagneuse dont la population est profondément catholique. À l’issue de la première guerre mondiale, la Slovaquie est unie à la Bohême et à la Moravie pour former la Tchécoslovaquie. En 1929, à la demande du curé, les Soeurs de la Sainte-Croix d’Ingenbohl (en Suisse) s’installent au village de Krivá pour l’éducation des enfants. Le niveau de l’enseignement donné par les Soeurs est remarquable. Celles-ci prodiguent aussi des soins aux malades et introduisent de nouvelles méthodes d’agriculture. Grâce à leur dévouement, une bonne harmonie règne dans le village.
De constitution délicate et sensible, Cecília possède pourtant un tempérament combatif. Intelligente et vive, elle peut aussi entraîner ses camarades dans des espiègleries. Quand elle a une idée en tête, elle ne réfléchit pas aux conséquences« Un jour, à son instigation, les élèves de sa classe relèvent tellement la chaise à vis d’un professeur de petite taille qu’en s’asseyant dessus, celui-ci bascule et tombe à terre, à la grande joie des enfants. Cecília apprend avec facilité. Aux examens, en cachette, elle aide ses voisins. Cependant, fascinée par la vie réglée des religieuses qui l’éduquent, elle demande, dès l’âge de quinze ans, son admission dans la Congrégation. Les Soeurs de la Sainte-Croix s’occupent de toutes sortes d’oeuvres de charité : homes, écoles, cliniques, sanatoriums, soin des vieillards et des marginaux… Elles ont leurs propres centres de formation. Au terme de quatre ans d’études, Cecília obtient son diplôme d’infirmière, et le 30 janvier 1937, elle prononce ses premiers voeux. On lui donne le nom typiquement slave de Soeur Zdenka, que l’on peut traduire par « Sidonie » .
En 1939, la partie tchèque du pays est annexée au Reich allemand et la Slovaquie devient un État distinct, satellite de l’Allemagne. Jusqu’en 1942, Soeur Zdenka se dévoue dans un hôpital du centre de la Slovaquie orientale. Elle est ensuite appelée à l’hôpital public de Bratislava. Consciencieuse, dotée d’un sens inné de l’ordre et de la propreté, d’une très fine sensibilité qui lui permet de comprendre les malades, elle se fait aimer et apprécier des médecins comme des patients. La prière est l’âme de sa vie : « Dans mon service hospitalier, dit-elle, je m’en vais de l’autel de Dieu à l’autel de mon travail… Je ne crains rien et je tâche de tout entreprendre avec joie. C’est par l’exemple plus que par les paroles que j’annonce l’Évangile, comme le Christ qui s’est manifesté par le témoignage de sa vie » .
Fuir vers l’Occident
En 1945, la Tchécoslovaquie est reconstituée, mais à la fin de février 1948, les Soviétiques y imposent le communisme. Les industries et les propriétés sont étatisées ; une réforme agraire dépossède l’Église ; la plupart des journaux sont proscrits. En avril 1949, une commission est créée pour procéder à la suppression systématique de l’Église catholique. En 1950, les couvents sont fermés sous le prétexte fallacieux qu’ils sont des lieux de révolte contre la démocratie populaire. Les religieuses qui travaillent dans les hôpitaux peuvent temporairement conserver leur emploi, faute de personnel laïque qualifié. De nombreux prêtres, séminaristes et religieux cherchent à fuir vers l’Occident, mais il n’existe aucune possibilité légale de partir. Une aide quelconque accordée à un fuyard est considérée comme une trahison envers le pays et entraîne les peines les plus sévères.
Un prêtre, le Père Sandtner, qui a vainement cherché à fuir, est acheminé, gravement malade, vers l’hôpital de Bratislava. Soeur Zdenka en prend un soin particulier. Malgré une défense absolue, il célèbre la Messe en sa présence dans une petite chambre. Lorsque son état s’améliore, un retour en prison est envisagé, mais la Soeur réussit à faire prolonger son séjour à l’hôpital. L’attitude de Soeur Zdenka provoque des confrontations de plus en plus vives avec le régime en place. Dans le courant de l’année 1951, un prêtre très actif, Stefan Kostial, est emprisonné et torturé pour avoir tenté de fuir le pays. Totalement exténué, il est conduit à l’hôpital de Bratislava où Soeur Zdenka se montre pleine de sollicitude à son égard. Ayant retrouvé quelques forces, il doit comparaître au tribunal pour être jugé, le 20 février 1952. Soeur Zdenka prend alors contact avec des personnes susceptibles de l’aider à s’enfuir. Dans la soirée du 19 février, elle prépare un thé pour le veilleur de garde et y ajoute un somnifère. Stefan Kostial réussit à s’échapper. Quelques jours plus tard, une tentative pour aider l’évasion d’autres prêtres, échoue.
C’est mon tour !
Le 29 février, une descente de police a lieu à l’hôpital. Un témoin relate : « Les policiers quadrillaient l’hôpital. Sous nos yeux, une religieuse fut appréhendée. Alors, Soeur Zdenka, témoin de cette scène, s’exclama : « Cette fois, c’est mon tour ! » Elle m’appela chez elle et me pria d’emporter quelques documents qu’elle détenait et de les cacher ailleurs« Dès que j’eus quitté le local, les policiers me demandèrent où se trouvait Soeur Zdenka. Elle se hâtait de rassembler quelques objets de toilette avant qu’on ne la découvre… Enfin, ils la trouvèrent et elle fut emmenée en détention avec les autres Soeurs » . On a appris plus tard que le chauffeur de poids lourd qui avait participé à l’évasion des prêtres était un espion recruté par l’État, chargé de surveiller particulièrement les femmes et de les dénoncer.
Soeur Zdenka avait écrit : « Ne craignons pas de souffrir. Dieu donne toujours la force et le courage nécessaires. Je croirai toujours en sa grâce. Rien ne m’ébranlera, ni la tempête ni les nuages menaçants. Si cela arrive, ce sera pour une courte durée. Ma confiance et ma certitude en seront renforcées » . En la béatifiant, le Pape Jean-Paul II a dit, dans le même sens : « La Croix plantée en terre semblerait plonger ses racines dans la malice humaine, mais elle est projetée vers le haut, comme un index pointé vers le ciel, un index qui indique la bonté de Dieu. Au moyen de la Croix du Christ, le malin est défait, la mort est vaincue, la vie nous est transmise, l’espérance restituée, la lumière communiquée » . Soeur Zdenka est confrontée à cette expérience austère. La police d’État veut lui extorquer des détails sur les évasions et surtout le nom des complices, mais elle ne révèle rien. Elle affirmera plus tard : « On voulait me faire avouer des faits mensongers et falsifiés » . Devant son refus absolu de mentir, les surveillants la livrent plusieurs fois à la torture de l’asphyxie. « Ce supplice prit fin lorsque, totalement exténuée, j’étais proche de l’évanouissement, dira-t-elle. Alors, on m’affubla d’une paire de lunettes noires et on me traîna à travers les couloirs de la prison jusqu’à un cachot borgne… Quand je repris connaissance, je cherchai tout autour de moi un objet que j’aurais aimé glisser sous ma tête douloureuse. Comme mes recherches restaient vaines, j’ôtai mes souliers et les plaçai en guise de coussin. De toute façon, ils étaient plus tendres que le sol en béton » .
Amour de la vérité, et discrétion
Incarcérée à cause de sa charité à l’égard des prêtres, Soeur Zdenka aurait probablement pu éviter bien des souffrances en acceptant de dire quelques mensonges ou de dénoncer d’autres personnes, ce qu’elle a toujours refusé. L’Ancien Testament atteste que Dieu est source de toute vérité. Sa Parole est vérité (cf. Pr 8, 7 ; 2 S 7, 28). En Jésus-Christ, la vérité de Dieu s’est manifestée tout entière. Il est la Vérité (Jn 14, 6). À ses disciples Jésus enseigne l’amour de la vérité : Quand vous dites ‘oui’, que ce soit un ‘oui’, quand vous dites ‘non’, que ce soit un ‘non’ (Mt 5, 37). En conséquence, le Compendium (abrégé) du Catéchisme de l’Église Catholique rappelle : « Toute personne est appelée à la sincérité et à la véracité dans sa conduite et dans ses paroles. Chacun a l’obligation de chercher la vérité et d’y adhérer, ordonnant toute sa vie selon les exigences de la vérité. En Jésus-Christ, la vérité de Dieu s’est manifestée tout entière. Il est la Vérité. Qui le suit vit dans l’Esprit de vérité et fuit la duplicité, la simulation et l’hypocrisie » (n. 521). Le Catéchisme de l’Église Catholique précise : « Le droit à la communication de la vérité n’est pas inconditionnel. Chacun doit conformer sa vie au précepte évangélique de l’amour fraternel
. Celui-ci demande, dans les situations concrètes, d’estimer s’il convient ou non de révéler la vérité à celui qui la demande. La charité et le respect de la vérité doivent dicter la réponse à toute demande d’information ou de communication. Le bien et la sécurité d’autrui, le respect de la vie privée, le bien commun sont des raisons suffisantes pour taire ce qui ne doit pas être connu, ou pour user d’un langage discret. Le devoir d’éviter le scandale commande souvent une stricte discrétion. Personne n’est tenu de révéler la vérité à qui n’a pas droit de la connaître » (nn. 2488-2489).
Fidèle à la vérité, Soeur Zdenka est soumise à d’autres séances de tortures où on la frappe sur tout le corps. Seule la conviction que Dieu la protège lui donne l’énergie pour supporter ces souffrances. « Lorsque les martyrs sont des personnes pauvres et humbles, qui ont donné leur vie en oeuvres de charité et qui souffrent et meurent en pardonnant à leurs bourreaux, on se trouve alors face à une réalité qui dépasse le niveau humain et qui oblige à comprendre que seul Dieu peut accorder la grâce et la force du martyre. Ainsi, le martyre chrétien est un signe, plus que jamais éloquent, de la présence de l’action de Dieu dans l’histoire humaine » (Cardinal Martins). Durant toute l’instruction du procès, Soeur Zdenka demeure seule dans une cellule sans fenêtre, assise, grelottant de froid. « Je ne savais plus, dit-elle, si c’était le jour ou la nuit et je ne me souviens plus combien de temps dura cet isolement. Après un temps qui me parut interminable, je fus transférée à l’improviste dans une autre cellule. Là, on me donna à manger et à boire : en présence du tribunal, il fallait que j’aie meilleure mine ! »
Le 17 juin 1952, elle comparaît devant la justice de Bratislava pour collaboration à la tentative d’évasion de six prêtres catholiques romains. Assise au banc des accusés, Soeur Zdenka semble avoir vieilli de plusieurs années. La souffrance et la peur se lisent sur son visage. La sentence du tribunal la condamne à douze ans de prison pour s’être rendue coupable de haute trahison. Elle est aussi accusée d’être « l’ennemi numéro un » du régime démocratique populaire. Sous la surveillance d’un membre de la Sûreté, elle signe la déclaration suivante : « Je prends connaissance des accusations et de la conclusion du procès. Je ne me sens pas coupable. Je reconnais les faits qui me sont imputés, mais je refuse l’accusation de haute trahison. Le gardien avait répandu la nouvelle que les cinq prêtres détenus seraient déportés en Sibérie et mis à mort. J’ai été bouleversée et j’ai voulu les sauver. C’est par une pure compassion que j’ai pris la décision de les aider à s’enfuir. J’ai été trop naïve en prêtant foi aux paroles du gardien. Mais je ne suis pas pour autant une ennemie de la démocratie populaire » .
Profonde incompréhension
Soeur Zdenka est incarcérée à la prison de Rimavská Sobota. Là, on veille à ce qu’aucune amitié ne se noue entre les détenus. L’état des lieux est lamentable : les murs sont gris et humides, les grilles rouillées et les couloirs sentent le moisi. Soeur Zdenka compare les surveillants et le personnel à des robots. Elle se sent vraiment seule, et d’autant plus incomprise que plusieurs de ses consoeurs ont interprété son activité charitable à l’égard des fuyards comme une désobéissance aux supérieurs ecclésiastiques : ceux-ci avaient donné des consignes strictes, recommandant de ne pas provoquer le régime, pour éviter de s’attirer un surplus de haine et de problèmes. Lorsqu’elle prend connaissance de ces critiques, Soeur Zdenka en est profondément meurtrie.
Une jeune femme, Apolónia Galis, qui deviendra religieuse de la Sainte-Croix et décédera à l’âge de 78 ans le 21 juin 2003, visite la détenue dans sa prison et lui apporte en cachette des gâteaux dans lesquels elle a ajouté des vitamines. Elle raconte : « Soeur Zdenka, pâle et amaigrie, était assise derrière une grande table. Une surveillante était de piquet derrière elle et observait attentivement nos faits et gestes » . Dans une lettre envoyée clandestinement, la Soeur pousse un véritable cri de désespoir, un appel au secours afin que ses conditions de vie soient améliorées et que des soins médicaux lui soient donnés hors de la prison. Rongés d’inquiétude, la mère et le jeune frère de Soeur Zdenka décident de lui rendre visite. La direction de la prison les laisse entrer, mais en leur faisant clairement comprendre qu’ils ne doivent manifester aucun sentiment, ni aucune émotion, sous peine de voir abréger la rencontre.
Après un an et demi de détention, Soeur Zdenka est transférée dans le service pénitentiaire de l’hôpital de Prague où elle est opérée pour une tumeur cancéreuse au sein. À l’issue de l’intervention chirurgicale, Helena Korda, détenue politique récemment opérée d’une hernie discale due aux travaux forcés qu’on lui a imposés en camp de concentration, accepte de s’occuper de Soeur Zdenka. Elle observe longuement la Soeur encore endormie et perçoit une paix inexplicable qui se dégage de la malade. Tout à coup, celle-ci ouvre les yeux. Helena n’en a jamais vu de si beaux, si clairs et si limpides, mais en même temps chargés de tristesse et de souffrance. Une intimité inexprimable s’établit entre les deux femmes ; mais Soeur Zdenka ne peut pas parler longuement car ses souffrances en deviennent intolérables.
Une gerbe de roses blanches
La cellule qu’elle occupe n’est pas chauffée ; la nourriture est très insuffisante. Aucune thérapie n’est entreprise après l’opération et aucun sédatif ne lui est administré. Cependant elle s’accroche à la vie. Un matin, Helena l’entend dire : « Chaque fois qu’il m’est possible d’apercevoir le soleil à travers les barreaux de ma fenêtre, c’est une joie pour moi » . Elle parle souvent de son enfance et voudrait rentrer dans son village natal, revoir sa famille et surtout sa mère. Après trois semaines, un ordre arrive comme un coup de tonnerre. La surveillante dit à la Soeur : « Vous allez à Brno ! » Impossible de résister. Le coeur déchiré, les deux amies tombent dans les bras l’une de l’autre, puis Soeur Zdenka se ressaisit : « Il ne faut pas pleurer« toi, tu vas être libérée, tandis que pour moi, c’est fini. Et si mes pressentiments sont justes, un jour tu viendras sur ma tombe et tu y déposeras une gerbe de roses blanches. Je les aime tant ! » Elles ne se reverront plus ici-bas. Helena recouvrera la liberté en 1960 et ira déposer une grande gerbe de roses blanches sur la tombe de son amie.
À Brno, où Soeur Zdenka est transférée, les détenus correspondent entre eux grâce à l’alphabet morse. Le directeur de la prison décide de faire de la Soeur une espionne : il lui demande d’intercepter les messages et de les lui transmettre. Mais sur son refus, on l’envoie dans une prison plus terrible, à Pardubice, en Bohême. Là, elle est confinée dans une cellule isolée et sans lit, et nourrie au minimum pour ne pas mourir. Apoloniá Galis réussit à venir la visiter en ce lieu : « Tout était sinistre, témoignera-t-elle. Entre ces murs, je fus moi-même envahie par la peur et, sur le chemin du retour, je me mis à pleurer à chaudes larmes. J’avais espéré pouvoir échanger quelques mots avec Soeur Zdenka, mais ce fut impossible« Je n’apercevais que le visage terreux de mon amie. Elle était très malade, cela crevait les yeux. Son regard me suppliait de faire le nécessaire pour qu’elle soit libérée, ce qui m’aurait coûté très cher, et ni moi-même ni sa famille n’en avions les moyens. Elle dut donc tenir le coup pendant onze longs mois » .
Cependant, l’État ne désire pas que les prisonniers meurent en détention et qu’ils passent pour martyrs. Soeur Zdenka étant devenue incurable, on lui rend la liberté le 15 avril 1955. Une religieuse qui avait été emprisonnée comme elle puis libérée l’accueille, mais elle fait bientôt comprendre à Soeur Zdenka qu’elles ne peuvent rester ensemble. Pour ne pas compromettre la vie de cette Soeur, elle se rend donc à Bratislava, et se présente à la Supérieure du couvent, à l’hôpital public. Mais cette dernière craint que sa présence ne crée des problèmes, et Soeur Zdenka doit repartir. Elle comprend les arguments de la Supérieure ; toutefois cette mise à l’écart la blesse profondément. À Trnava, où elle arrive, exténuée, en compagnie d’Apoloniá Galis, c’est une nouvelle déception : on ne veut pas non plus la recevoir chez les Soeurs.
Apolónia reçoit Soeur Zdenka chez elle. Mais une semaine plus tard, il faut l’hospitaliser. Elle a des métastases cancéreuses dans les deux poumons. Apolónia la visite souvent et s’émerveille de sa sérénité et de sa patience héroïque à supporter l’insuffisance respiratoire qui l’oppresse. Un jour, elle la trouve en larmes : elle voudrait savoir ce qu’est devenu le prêtre qu’elle a aidé à fuir. Mais elle a l’immense joie de revoir sa mère qui est venue de Krivá. Sentant sa mort prochaine, Soeur Zdenka prie ainsi : « Mon Dieu, je viens à Toi d’un coeur humble et repentant. Mes pieds froids et rigides me rappellent que mon pèlerinage terrestre touche à sa fin. Mes mains sont faibles et tremblantes, mes yeux pleins d’angoisse et mon regard est confus. Si mon âme est importunée par des fantômes trompeurs, angoissée par l’agonie et troublée par le souvenir de tout ce que j’ai omis ou mal fait, si je dois lutter contre l’ange des ténèbres qui masque ta bonté et remplit mon âme d’effroi, alors aie pitié de moi et, si je pleure, accepte mes larmes en signe de réconciliation. Et enfin, quand mon âme sera devant Toi et que pour la première fois je verrai ta majesté, aie pitié de moi » .
À l’aube du dimanche 31 juillet 1955, Soeur Zdenka remet son âme à Dieu, après avoir reçu la sainte Communion. Son corps repose aujourd’hui au cimetière de Podunajské-Biskupice, dans un caveau des Soeurs de la Sainte-Croix. Quinze ans après sa mort, Soeur Zdenka sera réhabilitée par la Cour de Justice de la République socialiste slovaque : « La sentence de haute trahison ne se justifie pas, affirme le procès-verbal du 6 avril 1970. Les actions accomplies ne présentaient aucun danger pour la Société et elles ne réclamaient aucune intervention punitive. En outre, il aurait été possible aux agents de la police de sûreté d’empêcher ces évasions au lieu de les provoquer » . Le président du sénat qui avait signé la condamnation de Soeur Zdenka finit par se convertir et par regretter amèrement les condamnations impitoyables qu’il avait approuvées, surtout celle de la Soeur.
La victoire de la vérité
Un triomphe plus glorieux encore a été accordé à Soeur Zdenka lors de sa béatification. L’Église a manifesté par là que ses souffrances et sa mort sont une victoire.« Saint Augustin disait : « Non vincit nisi veritas » (Seule la vérité l’emporte). Ce n’est donc pas l’homme qui l’emporte sur l’homme, ni les persécuteurs sur leurs victimes, malgré les apparences. Dans le cas des martyrs chrétiens, c’est la vérité qui prévaut à la fin sur l’erreur ; car, comme concluait le saint Docteur d’Hippone : « Victoria veritatis est caritas » , c’est-à-dire, la victoire de la vérité, c’est la charité« Le martyre chrétien proclame de façon claire que Dieu, la personne de Jésus-Christ, la foi en Lui et la fidélité à l’Évangile sont les valeurs les plus élevées de la vie humaine, au point que pour celles-ci, on doive sacrifier jusqu’à sa propre vie » (Cardinal Martins).
Que la Croix rencontrée dans nos réalités quotidiennes soit pour nous le chemin qui conduit à la vie, une source de force et d’espérance !
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