25 août 2010
Vénérable Benedetta Bianchi Porro
Bien chers Amis,
Un jour de l’été 1955, à la faculté de médecine de Milan, une étudiante se présente au difficile examen de clôture de la deuxième année. À l’improviste, le professeur l’appelle pour l’oral ; au début, elle ne réagit pas, puis elle rougit et explique timidement : « Professeur, je suis en traitement pour une maladie nerveuse, je n’entends rien… J’espère guérir… Veuillez avoir patience… Pouvez-vous me poser les questions par écrit ? » Les étudiants présents dans la salle se mettent à rire. Croyant à une mauvaise plaisanterie, le professeur hurle : « Patience, patience ! » Voyez-vous ça ? Qui a jamais vu un médecin sourd ? » Et il jette contre le mur le livret universitaire de la jeune fille décontenancée et humiliée, qui murmure : « Je vous demande pardon ; je ne voulais pas vous offenser. » Le professeur demeure inflexible. Recalée, l’étudiante quitte la salle et dit à une amie, qui a tout vu et qui pleure : « Ça ne fait rien ; écoute, ne dis rien à Maman pour le moment ; je le lui annoncerai demain » ; et c’est elle-même qui cherchera à excuser son professeur auprès de sa mère. Cette étudiante n’a jamais obtenu le diplôme de médecin ; mais, du haut du Ciel, elle apprend aujourd’hui à d’innombrables « patients » l’art de bien souffrir.
Benedetta (Bénédicte) Bianchi Porro est née le 8 août 1936 à Dovadola, village de la province de Forlì en Romagne (Italie du nord). Sa mère a une foi profonde qu’elle s’efforcera de transmettre à ses six enfants. À quelques mois, Benedetta est atteinte de poliomyélite ; la maladie est stoppée, mais sa jambe droite restera plus courte que l’autre. Un jour, pendant un jeu dans la cour de récréation, un garçon, que la fillette avait contrarié, lui crie : « Oh ! la boiteuse ! » Son frère Gabriele le prend mal, d’où un échange de coups de poing entre les garçons. Les mamans accourent pour les séparer. Mais Benedetta ne s’offusque pas : « Il m’a appelé « la boiteuse » ; qu’y a-t-il de mal à cela ? C’est la vérité ! » Et ce mot réconcilie les deux garçons qui reprennent leur jeu.
Les grands désirs d’une adolescente
En 1942, la famille Bianchi s’installe à Sirmione, au bord du lac de Garde. À partir de 1946, Benedetta confie ses pensées à un journal intime dans lequel l’enfant relève souvent ses défauts : « Maman m’a dit que je suis insupportable… Je suis mal élevée et méchante. » En 1949, elle doit mettre un corset pour éviter de devenir bossue. Elle écrit le jour même : « J’ai pleuré ; le corset me serre tellement fort sous les bras ! Avant, j’était insouciante et je me croyais presque comme les autres. Maintenant, quel abîme nous sépare ! Mais dans la vie, je veux être comme les autres, un peu plus peut-être. Je voudrais pouvoir devenir quelqu’un. » En classe, la jeune fille obtient des résultats brillants. En 1953, elle note : « Aujourd’hui, c’est Pâques ; comme je voudrais ressusciter de mes péchés et ne vivre que de Dieu ! … aujourd’hui, avec Gabriele, nous avons un peu philosophé sur Dieu et l’immortalité de l’âme. Que les hommes sont sots lorsqu’ils ont honte de parler de ces choses importantes ! »
Dans une homélie du 15 avril 2010 aux membres de la Commission pontificale biblique, le Pape Benoît XVI remarquait : « Aujourd’hui, nous avons souvent un peu peur de parler de la vie éternelle. Nous parlons de choses qui sont utiles pour le monde, nous montrons que le christianisme aide également à améliorer le monde, mais nous n’osons pas dire que son objectif est la vie éternelle et que de cet objectif proviennent ensuite les critères de la vie… Nous devons à nouveau reconnaître que c’est seulement dans la perspective de la vie éternelle que le christianisme révèle tout son sens… La vie éternelle existe, elle est la vraie vie, et de cette vraie vie provient la lumière qui illumine également ce monde. »
Le 15 février 1953, interrogée oralement en cours de latin, Benedetta ne parvient pas à entendre les questions du professeur. Ces troubles de l’audition se reproduisent. Elle commente dans son journal : « De quoi ai-je l’air à ces moments-là ? Mais qu’importe ? Un jour peut-être, je ne comprendrai plus rien à ce que disent les autres, mais j’entendrai toujours la voix de mon âme, et c’est là le véritable guide que je dois suivre. » En octobre, à force de travail, elle obtient la « maturité classique » (le baccalauréat) avec une excellente note. Puis elle s’inscrit à la faculté de médecine de Milan ; son but : « Vivre, lutter et me sacrifier pour tous les hommes. »
Cependant, menacée de surdité, Benedetta traverse une période de découragement ; elle ressent le vertige du néant. À son amie alors la plus proche, elle écrit : « Tu sais, Anna, il me semble que je suis dans un marais sans fin et monotone, et que je m’enfonce lentement, lentement, sans douleur ni regrets, inconsciente et indifférente envers ce qui arrivera, même quand le dernier trait du ciel disparaîtra et que la boue se refermera sur moi » … « Je suis très souvent remplie de doutes et je m’enfonce dans le plus profond scepticisme. » Le plus grand péril qui menaçait la jeune fille n’était pas la maladie, mais la tentation insidieuse de sombrer dans le nihilisme et le désespoir. Toutefois, c’est précisément à ce moment qu’elle commence à se rendre compte de la richesse de la vie intérieure, un monde combien plus vaste que celui des sens. Et il lui échappe un cri qui annonce l’orientation future de sa vie : « Comme je voudrais vivre seulement de Dieu ! » Cependant, sa rencontre personnelle avec Jésus-Christ n’aura lieu que plus tard.
Luttant avec un acharnement stoïque contre son handicap, Benedetta poursuit avec succès ses études. Elle a appris à lire sur les lèvres ; aux examens oraux, elle répond aux questions du tac au tac, sans laisser deviner sa surdité. En novembre 1955, elle est autorisée à renouveler l’examen oral de l’été précédent ; cette fois, les questions lui sont posées par écrit et elle obtient une excellente note ; mais le soir même, elle est prise de migraine et brusquement, son champ de vision se rétrécit. Aussitôt lui vient un pressentiment : « Non, mon Dieu ! non, pas les yeux ! » Un soir de 1956, l’étudiante montre à une amie un traité de médecine : « Voilà ma maladie » ; et elle lui montre la photo d’un patient atteint de « neurofibromatose diffuse » , appelée également « maladie de Recklinghausen » : cette pathologie rarissime, mais inexorable, détruit progressivement les centres nerveux en y formant de petites tumeurs ; le nerf acoustique est lésé en premier, puis le nerf optique, les autres sens ; c’est enfin la paralysie progressive. Après des examens, les médecins, consternés, admettent que le diagnostic de Benedetta est juste. Commence alors une longue série de séjours à l’hôpital et d’interventions chirurgicales destinées à ralentir le terrible processus.
« Une brebis docile entre ses mains »
Le 27 juin 1957, Benedetta est opérée à la tête. Regardant la mort en face, elle confie à sa mère : « Comme je suis contente, maman, d’aller vers le Seigneur pure, sans un péché mortel. » Ces paroles de saint François qu’elle aimait tant lui reviennent en mémoire : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre soeur la mort corporelle, à qui nul homme vivant ne peut échapper. Malheur à ceux qui mourront dans les péchés mortels, heureux ceux qu’elle trouvera dans Tes très saintes volontés, car la seconde mort ne leur fera pas mal » (Saint François d’Assise, Cantique des créatures). Tandis qu’on rase sa chevelure, elle se sent humiliée, mais recourt à la prière : « Pendant qu’on me rasait, je me sentais comme un agneau qu’on tond. J’ai demandé au Seigneur de devenir une brebis docile entre ses mains. » À peine sortie de l’anesthésie, elle se touche le visage : « Ils m’ont coupé le nerf facial » ; elle a maintenant la moitié gauche du visage paralysée. Le chirurgien ne sait comment lui demander pardon pour cette faute professionnelle ; elle lui dit simplement : « Vous avez fait ce que vous pouviez ; donnez-moi la main et soyez en paix ! C’est une chose qui peut arriver : vous n’êtes pas le Père éternel ! »
Cependant, la très grande force morale dont elle fait preuve ne suffit plus à Benedetta pour supporter sa situation ; à sa meilleure amie, Maria Grazia, elle écrit un jour, depuis son appartement milanais situé au septième étage : « Par moments, j’aurais envie de me jeter par la fenêtre. » Toutefois, elle ne s’avoue pas vaincue par la maladie ; au prix d’un travail acharné, elle achève avec succès, en juin 1959, sa cinquième année de médecine ; elle n’est qu’à un an du diplôme ! Mais bientôt, une opération destinée à arrêter la paralysie progressive des membres inférieurs se solde par un échec : elle ne peut plus du tout marcher. En 1960, elle se voit obligée de renoncer complètement à ses études : dure épreuve pour cette jeune fille si douée et avide d’action. Mais tandis que ses proches assistent, impuissants, à sa progressive destruction physique, ils sont aussi les témoins stupéfaits de son essor spirituel. Recluse dans sa chambre, elle ne manifeste ni tristesse, ni découragement : « Je mène la vie de tous les jours, mais comme elle me semble remplie ! La vie en elle-même me paraît un miracle, et je voudrais pouvoir adresser une hymne de louange à Celui qui me l’a donnée. » Et à sa mère qui lui offre un oiseau en cage en remarquant : « Il est comme toi » , elle répond : « Non, maman, je n’ai jamais été aussi libre que depuis que je suis immobilisée ici. » Elle pourra dire à Maria Grazia, avec la sincérité qui la caractérise : « En ce qui concerne l’esprit, je suis parfaitement sereine, et même beaucoup plus : je suis heureuse ; ne croie pas que j’exagère. » En même temps, elle devient humble, se rendant compte qu’elle est bien imparfaite, « pécheresse » aux yeux de Dieu ; et elle craint de perdre cette joie intérieure dont elle ne se sent pas digne.
Cependant, tout ne va pas de soi. À la paix succèdent des temps d’agonie intérieure. En 1960, Benedetta écrit à une nouvelle amie déjà expérimentée dans la vie spirituelle, Nicoletta : « Je traverse en ce moment une période de grande aridité. Je me sens seule, fatiguée, un peu humiliée, sans grande patience… Le plus douloureux est que je ne suis pas en paix. Prie pour moi, prie pour moi… Pourquoi cela m’arrive-t-il ? Pourquoi Dieu le permet-Il ? » Son amie lui répond : « Ne te force pas à sentir que tu crois, ni à comprendre de quelle façon il est juste que tu souffres tant. Ne t’affole pas s’il te semble que tu te rebelles : aux yeux de Dieu, cela n’a pas d’importance ; Il connaît la vérité… Devant cet immense mystère, Il ne veut que notre « oui » ; peu importe que nous le disions mal. » Benedetta écoute, dit son « oui » ; et peu à peu, elle fait l’expérience de la présence de Jésus-Christ vivant en elle ; elle pourra écrire à Nicoletta : « Sois bénie pour la joie que tu m’as procurée, joie trop grande pour moi, indigne ; j’ai été inondée de joie, comme si tous les océans s’étaient déversés dans une coquille de noix. »
À partir de ce moment, Benedetta reçoit la souffrance moins comme un fardeau à porter héroïquement que comme la marque d’une prédilection divine. Jésus l’appelle à partager sa croix en vue de l’identifier à Lui ; elle s’abandonne et trouve sa force dans l’Évangile lu chaque jour, dans saint Paul et dans les psaumes.
Dans son Encyclique sur l’espérance, Benoît XVI confirme la justesse de cette attitude : « Afin que la prière développe sa force purificatrice, elle doit, d’une part, être très personnelle, une confrontation de mon moi avec Dieu, avec le Dieu vivant. D’autre part, cependant, elle doit toujours être à nouveau guidée et éclairée par les grandes prières de l’Église et des saints, par la prière liturgique, dans laquelle le Seigneur nous enseigne continuellement à prier de façon juste » (Encyclique Spe salvi, 30 novembre 2007, n. 34).
« Parle-lui, à la Madone ! »
En mai 1962, Benedetta part pour Lourdes dans un train médicalisé. À l’hôpital, dans le lit voisin du sien, se trouve une jeune fille de 22 ans, Maria, paralysée comme elle. Dans une situation matérielle et morale humainement désespérée, Maria est venue à Lourdes demander un miracle à l’Immaculée-Conception ; elle prie sans cesse, mais rien ne se passe. Le jour précédant le départ, les deux infirmes se retrouvent côte à côte, devant la Grotte ; Maria sanglote. Benedetta lui prend alors la main et la serre dans les siennes comme pour prier à sa place : « Maria, la Madone est là qui te regarde ! Parle-lui, à la Madone ! » Et tout à coup, Maria se lève de son brancard. Elle fait doucement quelques pas, encore incrédule. Et puis, folle de joie, elle s’avance entre les fauteuils roulants, pleurant d’émotion et de reconnaissance. Benedetta, heureuse de ce miracle, éprouve cependant un moment de mélancolie en pensant que c’est une autre qu’elle qui en a été la bénéficiaire. Puis elle s’apaise et s’abandonne entre les mains de Marie. Un an plus tard, elle retournera à Lourdes, d’où elle écrira : « J’éprouve la douceur de la résignation. C’est cela pour moi, le miracle de Lourdes, cette année… La Madone m’a rendu tout ce que j’avais perdu. Elle m’a remboursé tout ce qui m’avait été pris, parce que je possède la richesse de l’Esprit-Saint. » Le 20 août 1963, une infirmière trouvera la malade en extase ; Benedetta lui confiera avoir vu la Sainte Vierge, et ajoutera : « Comme elle est belle, la Madone ! »
Entre-temps, plusieurs opérations à la tête se sont succédé. Avant la dernière (27 février 1963), Benedetta confie sa peur à Maria Grazia, qui lui rappelle alors ce passage du « Journal d’un Curé de campagne » , un roman de Georges Bernanos : « Si j’ai peur, je dirai sans honte : « j’ai peur » , et le Seigneur me donnera la force. » Benedetta répète doucement, longtemps cette phrase ; et peu à peu, la paix s’installe en elle. Elle remercie avec effusion son amie. Le lendemain de l’opération, elle annonce qu’elle est maintenant aveugle ; mais elle demande qu’on ne le dise pas au chirurgien, pour ne pas l’attrister. Elle a accepté cette croix de la cécité qui, en 1955, l’avait épouvantée, et son âme est en paix : « Il n’y a qu’à se fier à Dieu, les yeux fermés. Je suis en train de vivre la simplicité, c’est-à-dire le dépouillement de l’âme… comme c’est beau ! On devient tellement léger et libre ! »
Benoît XVI, à propos de ces grandes épreuves qui paraissent humainement impossibles à porter, donne une lumière, ce secret qu’a découvert Benedetta : « Il est important de savoir ceci : je peux toujours encore espérer, même si apparemment pour ma vie (…), je n’ai plus rien à espérer. Seule la grande espérance-certitude que, malgré tous les échecs, ma vie personnelle et l’histoire dans son ensemble sont gardées dans le pouvoir indestructible de l’Amour et que, grâce à lui, elles ont un sens et une importance, seule une telle espérance peut, dans ce cas, donner encore le courage d’agir et de poursuivre » (Spe salvi, n. 35).
Désormais, et pour presque un an, Benedetta est comme un château inaccessible, sans portes ni fenêtres. Cependant, deux petites « meurtrières » lui restent ouvertes sur l’extérieur : un mince filet de voix pour se faire entendre, et sa main gauche, restée « miraculeusement » sensible ; avec les doigts de cette main valide, ses proches traceront sur son visage les signes de l’alphabet muet qu’elle ne voit pas mais qu’elle sent (par exemple le « b » est formé avec l’index et le majeur joints, posés sur la joue)… Elle pourra ainsi communiquer ! Sa chambre va être assiégée de visiteurs venus l’encourager, mais aussi demander son aide. Benedetta a le don de semer la joie autour d’elle ; elle conseille et montre à tous la « voie étroite » qui mène à Dieu. Elle dit à sa meilleure amie, qui ne supporte pas de la voir tant souffrir physiquement : « Nous devons accepter le mystère, Maria Grazia ; ce qui nous angoisse, c’est de nous demander : « Pourquoi ? » … Le Seigneur nous donne autant de souffrances que nous pouvons en porter ; ni plus, ni moins. » Et son amie témoignera : « Je me suis alors aperçue qu’à l’improviste, quelque chose avait changé en elle depuis qu’elle était devenue aveugle. Une grande paix semblait l’avoir envahie, comme si elle s’était sentie complètement libérée de la peur et de l’angoisse. » Don Gabriele, un prêtre qui lui apporte souvent la sainte Communion, recevra cette confidence : « Si pour un court instant, les tentations se manifestent, je L’appelle, même si je pâlis de frayeur, et je ressens immédiatement la présence du Seigneur qui me console. »
Benedetta s’intéresse à tous, surtout aux personnes qui sont loin de Dieu. En mai 1963, sa mère lui lit par le « langage des mains » la lettre d’un jeune homme, publiée dans un hebdomadaire. Natalino est atteint d’une maladie grave ; désorienté, sans espérance, il appelle au secours. Elle lui écrit : « Je suis sourde et aveugle, c’est pourquoi les choses sont devenues compliquées pour moi… Cependant dans mon calvaire, je ne suis pas désespérée ; je sais qu’au bout du chemin, Jésus m’attend. Tout d’abord dans mon fauteuil, maintenant au lit, désormais ma demeure, j’ai trouvé une sagesse plus grande que celle des hommes ; j’ai découvert que Dieu existe, qu’Il est amour, fidélité, joie, certitude, jusqu’à la consommation des siècles… Mes journées ne sont pas faciles ; elles sont dures, mais douces parce que Jésus est avec moi, avec mes souffrances, et qu’Il me donne sa douceur dans la solitude et la lumière dans l’obscurité… Il me sourit et accepte que je collabore avec Lui. Adieu, Natalino : la vie est courte, elle passe vite ; une passerelle très courte, dangereuse pour celui qui veut jouir avidement, mais sûre pour qui coopère avec Lui afin d’entrer dans la Patrie. »
Le 21 janvier 1964, sentant tout proche le moment de la rencontre définitive avec Jésus, son Époux, Benedetta se confesse et communie. Dans la nuit du 22, elle demande à son infirmière de rester près d’elle, car Satan la tente : « Émilia, demain, je mourrai. Je me sens très mal. » Le matin, sa mère remarque une rose blanche, éclose dans le jardin… une rose en fleur, en janvier ! Elle annonce sa découverte à Benedetta, qui répond : « Voilà le signe que j’attendais ! » Elle lui rappelle alors un rêve qu’elle avait fait à la Toussaint précédente : elle entrait dans le caveau de famille et le voyait orné d’une rose blanche éblouissante de lumière. Un peu plus tard, atteinte d’une hémorragie, elle s’éteint à vingt-sept ans, en murmurant : « Merci. »
« Je ne serai plus seule avec la peur »
Le rayonnement de Benedetta Bianchi Porro, après sa mort, n’a fait que croître. D’innombrables personnes confrontées à la souffrance trouvent force et courage en lisant le récit de sa vie et ses lettres. Comme Maria Grazia, elles peuvent lui dire : « Je ne serai plus seule avec la peur, parce que tu m’as appris la valeur de la prière. » Le 23 décembre 1993, le Pape Jean-Paul II a approuvé le décret proclamant l’héroïcité de ses vertus ; la reconnaissance d’un miracle obtenu par son intercession est maintenant requise pour que la vénérable Benedetta puisse être proclamée « Bienheureuse » .
Dans son Exhortation apostolique Salvifici doloris (11 février 1984), le vénérable Jean-Paul II a écrit ces lignes qui peuvent s’appliquer précisément à l’itinéraire spirituel parcouru par Benedetta : « Chaque personne entre presque toujours dans la souffrance avec une protestation tout à fait humaine et en se posant la question : « Pourquoi ? » Chacun se demande quel est le sens de la souffrance et cherche une réponse à cette question au plan humain… Le Christ ne répond ni directement ni de manière abstraite à cette interrogation humaine sur le sens de la souffrance. L’homme entend sa réponse salvifique au fur et à mesure qu’il devient participant des souffrances du Christ… Cette réponse est par-dessus tout un appel. Elle est une vocation. Le Christ n’explique pas abstraitement les raisons de la souffrance, mais avant tout il dit : « Suis-moi ! Viens ! Prends part avec ta souffrance à cette oeuvre de salut du monde qui s’accomplit par ma propre souffrance ! Par ma Croix ! » Au fur et à mesure que l’homme prend sa croix, en s’unissant spirituellement à la Croix du Christ, le sens salvifique de la souffrance se manifeste davantage à lui… C’est alors que l’homme trouve dans sa souffrance la paix intérieure et même la joie spirituelle » (n. 26).
Le 24 mai 1963, Benedetta confiait : « Je voudrais dire à ceux qui souffrent, aux malades, que si nous sommes humbles et dociles, le Seigneur fera en nous de grandes choses. » À sa suite, demandons à Jésus de faire de chacun de nous « une brebis docile entre ses mains » .
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