19 mars 2009
Sainte Joséphine Bakhita
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
Deux jeunes filles soudanaises âgées de sept et douze ans, débordantes de vie et de joie, se promènent dans les champs tout en jouant. La nature, l’avenir, tout leur sourit en ce printemps de la vie. Rien ne laisse présager un événement tragique. S’arrêtant pour ramasser des herbes pour la cuisine, elles aperçoivent soudain deux hommes qui s’approchent d’elles. L’un d’eux s’adresse à l’aînée, et lui demande comme un service de laisser partir la plus jeune dans la forêt pour chercher un paquet oublié. La petite, dans son innocence, fait ce qu’on lui demande et part vers la forêt avec les deux hommes. Arrivée dans le bois, elle se rend compte qu’il n’y a pas de paquet. Les deux hommes s’approchent et la menacent, l’un avec un couteau, l’autre avec un revolver: «Si tu cries, tu es morte! Viens, suis-nous». Terrifiée, la fillette essaie de crier, mais n’y parvient pas. Plus loin, les ravisseurs lui demandent son nom; pétrifiée de peur, elle est incapable de répondre. «Bien, disent-ils, nous t’appellerons Bakhita (ce qui signifie «celle qui a de la chance»), car tu as vraiment de la chance». Aux yeux de ces hommes, il y avait ironie à appeler «chance» ce qui était un malheur. Mais aux yeux de Dieu, qui dirige tous les événements pour le bien des élus, c’était vraiment une chance inouïe pour Bakhita.
Bakhita est née au Soudan vers 1869 dans une famille qui comptera huit enfants,?de la tribu nubienne des Dagiù; elle passe ses premières années à Olgossa, petit village du Darfour près du Mont Agilerei. Elle est encore toute petite quand sa soeur aînée est enlevée par des trafiquants d’esclaves?–?elle n’est jamais revenue. C’est maintenant le tour de Bakhita d’être traînée pendant de longs jours, à marche forcée sur un chemin difficile, avec d’autres personnes qui, comme elle, seront vendues comme esclaves. À cinq reprises, elle sera achetée puis revendue sur les marchés d’El-Obeid et de Khartoum; elle servira plusieurs maîtres durant une douzaine d’années, au milieu d’indicibles souffrances. Chez l’un d’eux, particulièrement cruel, Bakhita est battue chaque jour jusqu’au sang; chez un autre, elle est soumise au tatouage réservé aux esclaves. L’opération consiste à tracer avec une lame de rasoir des dessins sur la poitrine et le ventre; les plaies ouvertes sont ensuite bourrées de sel afin d’empêcher la cicatrisation. De tous ces mauvais traitements, elle gardera pour le reste de sa vie 144 cicatrices.
Au-dedans de moi
Malgré les mauvais traitements, Bakhita se comporte avec loyauté envers ses maîtres. Jamais elle ne se sert à leurs dépens, même quand elle est affamée. Elle s’efforce aussi d’exécuter fidèlement tous les ordres reçus, quelque durs et contrariants qu’ils puissent être. Plus tard, quand on lui demandera si elle agissait ainsi pour obéir à Dieu, elle répondra: «Je ne connaissais pas Dieu alors. Je faisais ainsi, car je ressentais au-dedans de moi que c’était de cette manière qu’il fallait faire». Bakhita obéissait à sa conscience éclairée par la loi naturelle inscrite dans le coeur de tout homme: «Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir, explique le Concile Vatican II. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son coeur: «Fais ceci, évite cela». Car c’est une loi inscrite par Dieu au coeur de l’homme; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre» (Gaudium et spes, n. 16).
Quelques mois après le tatouage, son maître, officier de l’armée turque, doit rentrer dans son pays. Ne pouvant emmener ses esclaves, il se résout à les vendre. Providentiellement, Bakhita est achetée, en 1883, par le Consul d’Italie à Khartoum, Callisto Legnani. Elle racontera: «Le nouveau maître était assez bon et il se prit d’affection pour moi… Je n’eus plus de réprimandes, de coups, de châtiments, de sorte que, devant tout cela, j’hésitais encore à croire à tant de paix et de tranquillité». Pour la première fois depuis le jour de son enlèvement, Bakhita ne craint plus le fouet; elle est même traitée de façon affable et cordiale. Dans la maison du Consul, elle connaît la sérénité, l’affection et des moments de joie, même s’ils sont encore voilés par la nostalgie de sa famille, perdue pour toujours.
En 1885, des événements politiques obligent le Consul à rentrer en Italie; désireuse de rester à son service, Bakhita est admise à le suivre. À l’arrivée du diplomate à Gênes, un ami lui fait part du désir de son épouse enceinte d’avoir une servante pour l’aider. Le Consul ayant accédé à la demande, Bakhita entre dans une nouvelle famille, les Michieli. À la naissance de l’enfant, une fille, Bakhita est préposée à son éducation; plus tard, toutes deux sont confiées aux Filles de la Charité, dites Soeurs Canossiennes, de l’institut des catéchumènes de Venise. Un ami présente alors à Bakhita un crucifix en argent. Au moment de le lui donner, il le baise respectueusement en expliquant que Jésus-Christ est le Fils de Dieu et qu’Il est mort pour nous. Bakhita ne saisit pas toute la portée de ces paroles; néanmoins, chez les Soeurs elle apprend à connaître Dieu que depuis son enfance elle sent dans son coeur. Elle écrira un jour: «Voyant le soleil, la lune et les étoiles, je me disais en moi-même: «Qui est donc le Maître de ces belles choses?» Et j’éprouvais une grande envie de Le voir, de Le connaître et de Lui rendre mes hommages».
Un «Paron» tout différent
Dans son encyclique sur l’espérance chrétienne, Spe salvi, du 30 novembre 2007, ?le Pape Benoît XVI a évoqué le cheminement spirituel de Bakhita: «Après avoir été la propriété de «maîtres» terribles, Bakhita connut un «Maître» totalement différent – dans le dialecte vénitien, qu’elle avait alors appris, elle appelait «Paron», le Dieu vivant, le Dieu de Jésus-Christ. Jusqu’alors, elle n’avait connu que des maîtres qui la méprisaient et qui la maltraitaient, ou qui, dans le meilleur des cas, la considéraient comme une esclave utile. Cependant, à présent, elle entendait dire qu’il existait un «Paron» au-dessus de tous les maîtres, le Seigneur des seigneurs, et que ce Seigneur était bon, la bonté en personne. Elle apprit que ce Seigneur la connaissait, elle aussi, qu’Il l’avait créée, elle aussi – plus encore, qu’Il l’aimait. Elle aussi était aimée, et précisément par le «Paron» suprême, face auquel tous les autres maîtres ne sont, eux-mêmes, que de misérables serviteurs. Elle était connue et aimée, et elle était attendue. Plus encore, ce Maître avait Lui-même personnellement dû affronter le destin d’être battu et maintenant Il l’attendait «à la droite de Dieu le Père». Désormais, elle avait une «espérance» – non seulement la petite espérance de trouver des maîtres moins cruels, mais la grande espérance: je suis définitivement aimée et quoi qu’il m’arrive, je suis attendue par cet Amour. Et ainsi ma vie est bonne. Par la connaissance de cette espérance, elle était «rachetée», elle ne se sentait plus une esclave, mais une fille de Dieu libre» (n. 3).
Bakhita suit les étapes du catéchuménat. À ce moment, Madame Michieli, sur le point de suivre son mari qui doit repartir en Afrique, s’avise de reprendre sa servante. En vertu de la liberté que lui assure la loi italienne, Bakhita déclare renoncer à rentrer dans son pays: elle souhaite rester avec les Soeurs Canossiennes pour achever auprès d’elles sa formation chrétienne. «Je ne peux pas retourner en Afrique, dit-elle, car, si je le faisais, cela signifierait l’abandon de ma foi en Dieu. J’aime beaucoup ma maîtresse et son enfant, mais je ne peux pas perdre Dieu. Je me suis donc décidée à rester». Le 9†janvier 1890, Bakhita reçoit, de la main du Patriarche de Venise, les Sacrements de l’initiation chrétienne: Baptême, Confirmation et Eucharistie, avec le prénom chrétien de Joséphine. D’après un témoin qui participe au repas de fête qui suit, Bakhita est transfigurée: «Elle parlait peu, mais le bonheur rayonnait de tous ses gestes, de toutes ses paroles». Souvent, par la suite, on verra Bakhita baiser les fonts baptismaux en disant: «Ici, je suis devenue fille de Dieu!» De jour en jour grandit en elle une immense gratitude envers Dieu qui n’a cessé de la tenir par la main pour la conduire à Lui. Elle expérimente la vérité de la parole de saint Paul: Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu (Rm 8, 28). En effet, une analyse superficielle des événements est incapable d’expliquer la destinée de Bakhita: seule la foi lui donne un sens. Comme le dit encore Benoît XVI: «Ce ne sont pas les éléments du cosmos, les lois de la matière qui, en définitive, gouvernent le monde et l’homme, mais c’est un Dieu personnel qui gouverne les étoiles, à savoir l’univers; ce ne sont pas les lois de la matière et de l’évolution qui sont l’instance ultime, mais la raison, la volonté, l’amour – une Personne… La vie n’est pas un simple produit des lois et des causalités de la matière, mais, en tout, et en même temps au-dessus de tout, il y a une volonté personnelle, il y a un Esprit qui, en Jésus, s’est révélé comme Amour» (Spe salvi, n. 5).
Tout à Dieu
Après son Baptême, Bakhita poursuit sa formation dans la foi, et bientôt entend la voix du Seigneur qui l’appelle à se consacrer totalement à Lui. Le 7 décembre 1893, elle est reçue au noviciat des Soeurs Canossiennes, et le 8 décembre 1896, elle prononce ses premiers voeux religieux, sous le nom de Soeur Joséphine, se consacrant à Celui qu’elle appelle familièrement: «Mon Maître!» Avant d’être admise à la profession, afin de certifier qu’elle demande librement à s’engager, elle est interrogée, selon la coutume, par le Patriarche de Venise, le Cardinal Sarto, futur Pape saint Pie X. Après l’avoir entendue, le prélat lui dit avec un beau sourire: «Faites vos voeux sans crainte aucune. Jésus vous aime. Aimez-Le et servez-Le toujours comme vous l’avez fait jusqu’ici».
Quelques années plus tard, une élève italienne demandera à Bakhita ce qu’elle ferait si elle rencontrait par hasard ceux qui l’avaient enlevée. Elle répond sans hésitation: «Si je rencontrais les trafiquants d’esclaves qui m’ont enlevée, et même ceux qui m’ont torturée, je me mettrais à genoux et baiserais leurs mains. Si ce qui m’est arrivé n’avait pas eu lieu, comment serais-je devenue Chrétienne et Religieuse?» Loin de nourrir des sentiments de haine envers ses persécuteurs, Bakhita s’efforce de les excuser. Comme Notre-Seigneur sur la Croix, elle prie pour eux, car ils ne savent pas ce qu’ils font (Lc 23, 34). Un jour, alors qu’on fait allusion à ses ravisseurs, elle dit: «Je ressens de la pitié envers eux. Sans doute ignoraient-ils l’angoisse qu’ils m’ont occasionnée. Eux, c’étaient les maîtres, moi, j’étais l’esclave. Comme il nous est naturel de faire le bien, de même est-il naturel pour eux de faire comme ils l’ont fait envers moi. Ils l’ont fait par habitude, non par méchanceté».
L’attitude étonnante de cette femme témoigne de la présence aimante de Dieu dans un monde trop souvent injuste. Lors d’une visite dans l’île de Gorée au large de Dakar, au Sénégal, le 22 février 1992, le Pape Jean-Paul†II évoquait les millions d’africains déportés pour être vendus en Amérique: «Pendant toute une période de l’histoire du continent africain, des hommes, des femmes et des enfants noirs ont été amenés sur ce sol étroit, arrachés à leur terre, séparés de leurs proches, pour y être vendus comme des marchandises… Ils ont été victimes d’un honteux commerce, auquel ont pris part des personnes baptisées mais qui n’ont pas vécu leur foi. Comment oublier les énormes souffrances infligées, au mépris des droits humains les plus élémentaires, aux populations déportées du continent africain? Comment oublier les vies humaines anéanties par l’esclavage? Il convient que soit confessé en toute vérité et humilité ce péché de l’homme contre l’homme, ce péché de l’homme contre Dieu. Qu’il est long le chemin que la famille humaine doit parcourir avant que ses membres apprennent à se regarder et à se respecter comme images de Dieu, pour s’aimer enfin en fils et filles du même Père céleste!»
Aujourd’hui encore
Mais de tels crimes ne sont pas seulement le fait du passé. De nos jours encore, l’esclavage, sous diverses formes, est une plaie de la société. Le Concile Vatican II affirme avec force: «Tout ce qui constitue une violation de l’intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques; tout ce qui est offense à la dignité de l’homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l’esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable: toutes ces pratiques et d’autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu’elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s’y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement à l’honneur du Créateur» (Gaudium et spes, n. 27).
Envoyée en 1902 à Schio, dans le nord de l’Italie, Soeur Joséphine y assume diverses responsabilités: cuisinière, lingère, brodeuse, portière. Comme cuisinière, elle est remplie d’attentions envers tous, surtout envers les malades pour lesquels elle prépare des plats plus appétissants: son désir est d’aimer et de servir par amour du Christ. À la porterie, elle a grand soin des enfants qu’elle aime bénir affectueusement en leur imposant la main. Avec sa voix aimable, «La Petite Mère Noire», comme on l’appelle, se fait proche des petits, accueillante pour les pauvres et les souffrants, encourageante pour tous ceux qui frappent à la porte du couvent. Fidèle à chercher Dieu dans les humbles travaux de la vie quotidienne, elle a un coeur d’apôtre. À l’occasion de sa profession religieuse, elle a composé cette prière: «Seigneur bien-aimé, que Vous êtes bon! Puissé-je voler vers l’Afrique et proclamer tout haut à tout mon peuple votre bonté à mon égard. Combien d’âmes entendraient ma voix et se tourneraient vers Vous! Accordez, Seigneur, qu’eux aussi Vous connaissent et Vous aiment!» Cet esprit missionnaire est relevé par le Pape Benoît XVI: «Elle chercha surtout, dans ses différents voyages en Italie, à appeler à la mission: la libération qu’elle avait obtenue à travers la rencontre avec le Dieu de Jésus-Christ, elle se sentait le devoir de l’étendre, elle devait la donner aussi aux autres, au plus grand nombre de personnes possible. L’espérance, qui était née pour elle et qui l’avait «rachetée», elle ne pouvait pas la garder pour elle; cette espérance devait rejoindre beaucoup de personnes, elle devait rejoindre tout le monde» (Spe salvi, n. 3).
Les véritables pauvres
En 1935, sa Supérieure lui demande d’aller dans différents couvents de la congrégation afin de témoigner devant les autres Soeurs des merveilles de Dieu à son égard. Naturellement timide et profondément humble, elle n’éprouve pas d’enthousiasme pour ce projet, mais accepte dans un esprit d’obéissance. Et la grâce ne lui fait pas défaut. Son message consiste à encourager ses Soeurs à la sainteté, à la gratitude pour tant de bienfaits reçus et aussi à prier pour toutes les âmes qui n’ont pas encore eu le bonheur de connaître Jésus-Christ. Après avoir entendu son témoignage, on lui exprime parfois des condoléances. Elle explique: «Souvent les gens me disent, «Ma pauvre! Ma pauvre!» Je ne suis pas pauvre, car j’appartiens au Maître et je vis dans sa maison. Les «pauvres» sont ceux qui ne sont pas tout à Lui». De 1936 à 1938, Mère Joséphine remplit les fonctions de portière au noviciat de Milan où elle a l’occasion d’édifier les novices et leurs familles. Pour celles qui ont du mal à accepter de voir leurs filles partir dans un pays lointain, elle trouve les paroles de réconfort: «Combien d’africains accepteraient la foi s’il y avait des missionnaires pour leur prêcher le nom de Jésus-Christ, son amour pour nous, son Sacrifice rédempteur pour les âmes!»
En 1943, la communauté et la population de Schio célèbrent les cinquante ans de profession de Mère Joséphine. Peu après, sa santé décline et elle est confinée dans un fauteuil roulant. Elle répond un jour à un prélat qui lui demande ce qu’elle fait assise dans son fauteuil: «Ce que je fais? Exactement la même chose que vous: la Volonté de Dieu». Une autre fois, le médecin lui cite le passage du Cantique des cantiques (1, 4), «Nigra sum, sed formosa» et lui en explique le sens: «Ma peau peut bien être noire, mon âme est belle et éclatante». Mère Joséphine répond: «Oh, si seulement Notre-Seigneur pouvait penser cela de moi lorsque je Le rencontrerai!» Cette rencontre, elle la désire: «Quand on aime beaucoup une personne, on a un grand désir d’être avec elle. Pourquoi donc avoir peur de la mort? C’est elle qui nous mène à Dieu». Et à ceux qui lui suggèrent que tout de même le Jugement de Dieu est quelque chose de redoutable: «Faites maintenant ce que vous voudrez avoir fait alors. C’est nous-mêmes qui préparons notre jugement».
Cette confiance inébranlable l’aide à supporter les souffrances des derniers jours. Dans son agonie, elle revit les années terribles de l’esclavage, et, à maintes reprises, elle supplie l’infirmière qui l’assiste: «Lâchez un peu les chaînes… elles me font mal!» À la fin cependant, la Sainte Vierge vient la délivrer définitivement de tout mal. Les dernières paroles de la mourante: «Notre-Dame! Notre-Dame!», ainsi que son ultime sourire, témoignent de sa rencontre avec la Mère du Seigneur. C’était le 8 février 1947 au couvent de Schio. La communauté l’entourait de sa prière; une foule accourt rapidement pour voir une dernière fois la «Petite Mère Noire» et lui demander de les protéger depuis le Ciel.
Quelque chose d’essentiel
Le 1er octobre 2000, Mère Joséphine Bahkita a été canonisée par Jean-Paul II, et en 2007, Benoît XVI l’a proposée comme exemple de l’espérance dans son encyclique Spe salvi. Cette encyclique contient par ailleurs une remarque qui mérite une attention particulière: «Je voudrais encore ajouter une petite annotation qui n’est pas du tout insignifiante pour les événements de chaque jour. La pensée de pouvoir «offrir» les petites peines du quotidien, qui nous touchent toujours de nouveau comme des piqûres plus ou moins désagréables, leur attribuant ainsi un sens, était une forme de dévotion, peut-être moins pratiquée aujourd’hui, mais encore très répandue il n’y a pas si longtemps. Dans cette dévotion, il y avait certainement des choses exagérées et peut-être aussi malsaines, mais il faut se demander si quelque chose d’essentiel qui pourrait être une aide n’y était pas contenu de quelque manière. Que veut dire «offrir»? Ces personnes étaient convaincues de pouvoir insérer dans la grande compassion du Christ leurs petites peines, qui entraient ainsi d’une certaine façon dans le trésor de compassion dont le genre humain a besoin. De cette manière aussi les petits ennuis du quotidien pourraient acquérir un sens et contribuer à l’économie du bien, de l’amour entre les hommes. Peut-être devrions-nous nous demander vraiment si une telle chose ne pourrait pas redevenir une perspective judicieuse pour nous aussi» (n. 40).
À la lumière de cette délicate suggestion du Saint-Père, nous pouvons avancer sur le chemin de la vie, guidés par Marie, l’étoile de l’espérance.
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