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6 août 2009

Saint Léonard de Port-Maurice

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

Lors de son voyage en Angola, le Pape Benoît XVI a relevé une objection souvent faite aux missionnaires de l’Évangile: «Pourquoi ne pas laisser les gens en paix? Ceux-ci ont leur vérité, et nous la nôtre. Cherchons à vivre pacifiquement en laissant chacun comme il est, afin qu’il réalise le plus parfaitement possible sa propre identité». Le Pape a répondu: «Si nous sommes convaincus et avons fait l’expérience que, sans le Christ, la vie est inachevée, qu’une réalité – la réalité fondamentale – lui fait défaut, nous devons être également convaincus du fait que nous ne faisons d’injustice à personne si nous lui présentons le Christ et lui donnons la possibilité de trouver de cette façon, non seulement sa véritable authenticité, mais aussi la joie d’avoir trouvé la vie. Bien plus avons-nous le devoir de le faire; c’est un devoir d’offrir à tous cette possibilité de parvenir à la vie éternelle» (Homélie en l’église São Paulo de Luanda, 21 mars 2009). Parmi les prédicateurs qui ont pris au sérieux ce devoir d’annoncer le salut à tous se distingue saint Léonard de Port-Maurice.

Le 20 décembre 1676, à Port-Maurice, sur la côte ligure, au nord de l’Italie, vient au monde un petit garçon placé au baptême sous le patronage des saints Paul et Jérôme. Il dira plus tard qu’il a eu la grâce d’avoir de très bons parents. Sa jeunesse est exemplaire; il entraîne facilement ses compagnons à prier et à faire des bonnes oeuvres. Un de ses auteurs spirituels préférés est saint François de Sales dont le livre L’Introduction à la Vie Dévote ne le quitte pas. Il trouve un soutien moral et spirituel dans des assemblées de jeunes sous le patronage des jésuites et des oratoriens; il y puise une ferveur grandissante pour la pratique des vertus, avec le désir des pénitences. Les jours de fête, il parcourt les rues et les places de Rome, et, bravant les mépris et les injures, exhorte tous ceux qui veulent l’entendre à se rendre aux sermons dans les églises.

Des paroles qui vont droit au coeur

Paul-Jérôme se sent appelé à l’état religieux. Son confesseur le stimule à intensifier sa vie de prière et de pénitence afin d’obtenir la grâce de connaître la volonté de Dieu. Un jour, à la vue de deux religieux pauvrement vêtus et d’allure modeste, Frères Mineurs Réformés de la «Retraite de Saint Bonaventure», il sent naître en lui le désir d’embrasser leur genre de vie. Entrant dans l’église du couvent au moment où les Frères commencent la récitation des Complies, il entend ces mots: « Convertissez-nous, ô Dieu, notre Sauveur ! » Ces paroles lui vont droit au coeur et il décide de demander son admission. Reçu au noviciat, il reçoit, le 2 octobre 1697, l’habit et le nom de Frère Léonard. Un an plus tard, il prononce ses voeux. Le jeune religieux fait l’édification de tous, en particulier par sa fidélité aux observances, même celles qui paraissent les plus insignifiantes. Il aime à dire: «Si, pendant que nous sommes jeunes, nous faisons peu de cas des petites choses et y manquons avec advertance, lorsque nous serons avancés en âge et que nous aurons plus de liberté, nous nous permettrons de manquer aux points les plus importants».

Zélé pour les études sacrées, il insiste sur la nécessité d’acquérir de nouvelles connaissances dans le dessein de procurer la gloire de Dieu et le salut des âmes. Après son ordination sacerdotale, il est nommé professeur de philosophie. Mais, il tombe gravement malade. Ses supérieurs l’envoient à Port-Maurice, son pays natal; toutefois, ce changement d’air se révèle inefficace. Le jeune Père supplie alors la Vierge Marie de lui obtenir de son divin Fils une santé robuste qu’il consacrera à gagner des âmes pour le Ciel. Sa prière est exaucée; l’infirmité dont il souffre disparaît complètement.

En 1708, le Père Léonard prêche, non loin de Port-Maurice, sa première «mission populaire». On donne ce nom à une série de prédications données, au cours de plusieurs jours ou semaines, au sein d’une paroisse par un prêtre de passage. Ces missions, alors en vogue, portaient des fruits abondants. Traditionnellement, le prédicateur prenait pour thème la nécessité de se convertir au Seigneur pour mener une vie vraiment chrétienne en vue du salut de son âme.

À notre époque, parler du salut de l’âme n’est plus à la mode. Le contexte culturel et les idéologies ambiantes enferment l’homme de plus en plus à l’intérieur des réalités terrestres: beaucoup ne vivent que pour ce monde et ne pensent pas à ce qui suit la mort. Pour d’autres, il y a bien «une éternité» après la mort, mais le salut ne pose pas de problème: on s’imagine que tout le monde indistinctement va au Paradis. Le résultat, dans l’un et l’autre cas, est l’insouciance du salut de l’âme.

Le vrai bonheur

Or, «Dieu nous a mis au monde pour Le connaître, Le servir et L’aimer et ainsi parvenir en Paradis… La béatitude promise nous place devant les choix moraux décisifs. Elle nous invite à purifier notre coeur de ses instincts mauvais et à rechercher l’amour de Dieu par-dessus tout. Elle nous enseigne que le vrai bonheur ne réside… dans aucune créature, mais en Dieu seul, source de tout bien et de tout amour… Le Décalogue, le sermon sur la Montage et la catéchèse apostolique nous décrivent les chemins qui conduisent au Royaume des Cieux» (Catéchisme de l’Église Catholique, CEC, 1721-1724). Le Seigneur Jésus est venu révéler aux hommes l’amour infini du Père qui veut que tous soient sauvés et prennent part à sa vie divine dans le Ciel, mais Il insiste également sur le fait que les hommes seront jugés selon leurs oeuvres et que ceux qui ne meurent pas dans l’amitié divine ne posséderont pas la vie éternelle. « Jésus parle souvent de la géhenne du feu qui ne s’éteint pas (cf. Mt 5, 22. 29 ; 13, 42. 50 ; Mc 9, 43-48), réservée à ceux qui refusent jusqu’à la fin de leur vie de croire et de se convertir, et où peuvent être perdus à la fois l’âme et le corps (cf. Mt 10, 28). Jésus annonce en termes graves qu’il enverra ses anges, qui ramasseront tous les fauteurs d’iniquité (…), et les jetteront dans la fournaise ardente (Mt 13, 41-42), et qu’Il prononcera la condamnation: Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel ! (Mt 25, 41). L’enseignement de l’Église affirme l’existence de l’enfer et son éternité. Les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel descendent immédiatement après la mort dans les enfers, où elles souffrent les peines de l’enfer, «le feu éternel». La peine principale de l’enfer consiste en la séparation éternelle d’avec Dieu en qui seul l’homme peut avoir la vie et le bonheur pour lesquels il a été créé et auxquels il aspire» (CEC, 1034-1035).

La considération des fins dernières est au coeur de l’enseignement du Père Léonard. «Considérez, écrit-il, combien il vous importe de parvenir à votre fin dernière. Il y va de tout pour vous; car si vous y arrivez, vous êtes sauvé, vous êtes éternellement heureux, comblé de tous les biens pour l’âme et pour le corps. Si au contraire vous la manquez, vous êtes perdu, corps et âme, vous perdez Dieu et le paradis, vous êtes éternellement malheureux, damné à jamais. Voilà donc, entre toutes les affaires, la seule affaire utile, importante, nécessaire: servir Dieu et se sauver. Que maintenant vous perdiez une partie de vos biens, il vous en reste d’autres; que vous perdiez un procès, vous pouvez en appeler; que vous commettiez quelque erreur temporelle, on peut la réparer. Et quand même vous viendriez à tout perdre, qu’importe? aussi bien, que vous le vouliez ou non, un jour viendra où il faudra tout quitter. Mais si vous manquez votre fin dernière, vous perdez tous les biens et vous attirez sur vous des maux irréparables pour toute une éternité. Que sert à l’homme, dit le Sauveur, de gagner tout l’univers s’il vient à perdre son âme ? (Mt 16, 26). Nous sauver! voilà notre grande, notre unique affaire. Quand il ne s’agit que des affaires de ce monde, si vous n’y pensez pas, un autre peut y penser pour vous; mais quant à la grande affaire de votre salut éternel, si vous n’y pensez pas, qui peut y penser pour vous? Si vous ne vous en occupez pas avec soin, qui peut prendre ce soin pour vous? Si vous ne vous aidez pas vous-même à vous sauver, qui vous sauvera? Ce Dieu qui vous a créé sans vous, ne veut pas vous sauver sans vous. Si vous voulez vous sauver, il faut que vous y pensiez» (Méditation sur la fin de l’homme).

L’obstacle à écarter

Avant de commencer une oeuvre, il faut écarter les obstacles qui s’opposent à sa réalisation. L’obstacle au salut éternel est le péché mortel, c’est-à-dire une violation pleinement consciente de la loi de Dieu sur un point grave. «Le péché mortel est une possibilité radicale de la liberté humaine comme l’amour lui-même. Il entraîne la perte de la charité et la privation de la grâce sanctifiante, c’est-à-dire de l’état de grâce. S’il n’est pas racheté par le repentir et le pardon de Dieu, il cause l’exclusion du Royaume du Christ et la mort éternelle de l’enfer, notre liberté ayant le pouvoir de faire des choix pour toujours, sans retour» (CEC, 1861).

À ce propos, voici en quels termes le Père Léonard avait coutume de s’adresser à ses auditeurs: «Ah! que saint Augustin avait bien raison de se récrier contre l’étrange aveuglement qui qualifie le mal un bien, et le bien un mal, selon la parole d’Isaïe (5, 20): Malheur à ceux qui appellent le mal «bien» et le bien «mal» ! Il ne sait comment appeler, si c’est frénésie, fureur ou démence, ce désordre, si commun parmi les hommes, et qui consiste en ce que, le péché étant le mal le plus abominable qu’il y ait au monde, il n’y a pas au monde un mal qu’on déteste moins que le péché… Voici quelle est l’origine de tant de chutes, et pourquoi tant d’âmes font de faux pas, et se précipitent dans un abîme d’iniquités: c’est qu’on ne pense pas, non, on ne réfléchit pas au mal que l’on fait en commettant un péché mortel» (Sermon sur la malice du péché mortel).

Certains pensent que le péché mortel n’est commis que dans des cas exceptionnels de haine ou de mépris explicite de Dieu. Mais Jean-Paul II a rappelé dans l’Encyclique Veritatis splendor (6 août 1993): «La grâce de la justification, une fois reçue, peut être perdue non seulement par l’infidélité, qui fait perdre la foi elle-même, mais aussi par tout autre péché mortel… Est péché mortel tout péché qui a pour objet une matière grave et qui, de plus, est commis en pleine conscience et de consentement délibéré… Il y a, en fait, péché mortel également quand l’homme choisit, consciemment et volontairement, pour quelque raison que ce soit, quelque chose de gravement désordonné», ce qui est le cas «dans toutes les désobéissances aux commandements de Dieu en matière grave» (nn. 68 et 70). Le Catéchisme explique: «La matière grave est précisée par les Dix commandements selon la réponse de Jésus au jeune homme riche: Ne tue pas, ne commets pas d’adultère, ne vole pas, ne porte pas de faux témoignage, ne fais pas de tort, honore ton père et ta mère (Mc 10, 19)» (CEC, 1858). Parmi les péchés graves fréquents, il faut mentionner les péchés contre le sixième et le neuvième commandement: «Sont des péchés gravement contraires à la chasteté, chacun selon la nature de son objet: l’adultère, la masturbation, la fornication, la pornographie, la prostitution, le viol, les actes homosexuels. Ces péchés sont l’expression du vice de la luxure» (Compendium du CEC, 492), qui, sans être le plus grave, entraîne cependant l’aveuglement de l’esprit sur les réalités éternelles.

Aussi ne doit-on pas s’étonner des propos suivants tenus par le Père Léonard: «Pécheur, à quoi pensez-vous? Seriez-vous plus dur que la pierre? Avez-vous jamais réfléchi à la grâce toute spéciale que Dieu vous fait en vous donnant le temps de faire pénitence? Insensé que vous êtes!… Que faites-vous pour vous mettre en sûreté? Serait-ce trop de pratiquer quelques petites mortifications?… Serait-ce trop de préparer une bonne confession générale, pour mettre un terme à cette vie pleine de désordres que vous savez?» (Invitation à la pénitence).

Le remède

Mais le Père Léonard ne se contente pas de fustiger le mal; il donne aussi le remède: se laisser gagner par le Seigneur qui offre à tous sa miséricorde: «Considérez que si la justice de Dieu est infinie à l’égard des pécheurs obstinés, sa miséricorde n’est pas moins infinie à l’égard des pécheurs pénitents. Dieu hait infiniment le péché; mais Il aime infiniment ses créatures: dès que l’âme se repent de son péché, elle retrouve l’amour de son Dieu; si tous les pécheurs voulaient recourir à Dieu avec un coeur contrit et humilié, tous seraient sauvés. Cette bonté infinie désire que tous les hommes parviennent en Paradis… Une mère serait moins empressée de secourir son enfant tombé dans le feu que Dieu n’est empressé d’embrasser le pécheur repentant. Plus vos péchés sont grands, plus aussi est grand le triomphe de la bonté, de la charité, de la clémence de ce Dieu infiniment riche en miséricorde» (Méditation sur la miséricorde de Dieu).

« Jésus invite les pécheursà la conversion sans laquelle on ne peut entrer dans le Royaume, mais Il leur montre en parole et en acte la miséricorde sans bornes de son Père pour eux (cf. Lc 15, 11-32) et l’immense joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent (Lc 15, 7). La preuve suprême de cet amour sera le sacrifice de sa propre vie en rémission des péchés (Mt 26, 28)» (CEC 545).

Passé maître dans l’art de conduire les âmes, le Père Léonard a souvent fait l’expérience de l’utilité de certaines dévotions pour les aider à se convertir et à se maintenir dans l’état de grâce retrouvé. Il y a d’abord la pratique des trois Ave Maria. Cette pratique doit son origine à la Bénédictine allemande, sainte Mechtilde, qui un jour demanda à Notre-Dame de lui inspirer une prière qui lui plaise. La Vierge lui apparut portant sur sa poitrine en lettres d’or, l’Ave Maria. «Jamais, lui dit-elle, on ne parviendra plus haut que cette salutation, et l’on ne peut me saluer avec plus de douceur que de le faire respectueusement par ces paroles». Un autre jour, la même sainte demandait à sa céleste Reine comment obtenir sûrement la grâce de la persévérance finale et de la bonne mort. De nouveau, la sainte Mère de Dieu se montra à elle et lui dit: «Si tu veux obtenir cette grande grâce, récite tous les jours, trois Ave Maria, en l’honneur de mes privilèges, et je te l’accorderai». Saint Léonard se fait le propagateur de cette dévotion en conseillant de réciter ces trois Ave en l’honneur des privilèges de Marie : «Tous les matins à son réveil et le soir, avant de se coucher, l’âme dévote à Marie demandera la bénédiction de sa sainte Mère; elle ne manquera pas de réciter trois Ave Maria, en l’honneur de sa pureté sans tache, de lui offrir ses sens et toutes les puissances de son âme, afin qu’elle les garde comme choses lui appartenant et consacrées à son honneur, et elle lui demandera la grâce de ne pas tomber, ce jour-là (ou cette nuit-là), dans le péché».

La trompette du dernier jour

Le saint propage également la courte invocation: «Mon Jésus, miséricorde!» Il rapporte ces paroles d’un missionnaire: «Quand je retourne dans un endroit où j’ai déjà donné la mission, il m’arrive souvent de voir venir à moi des pénitents qui commencent leur confession en ces termes: «Mon Père, je suis ce débauché qui, il y a plusieurs années, suis venu me décharger à vos pieds d’un sac d’iniquités; je ne sais si vous me reconnaissez, mais grâce à Dieu, depuis cette mission, je n’ai plus commis de péché déshonnête ni aucune faute mortelle. – Comment avez-vous fait? lui demandait le missionnaire. – Ah! mon Père, j’ai mis en pratique la grande résolution que vous nous avez si fortement inculquée, de nous recommander souvent à Dieu par cette pieuse invocation: «Mon Jésus, miséricorde!» Je l’ai faite tous les jours, matin et soir, et, dans les tentations surtout, j’implorais fréquemment l’assistance de Dieu en disant: «Mon Jésus, miséricorde!» Faut-il vous en dire davantage, mon Père? Je sentais de nouvelles forces renaître dans mon âme et, de la sorte, je n’ai plus succombé»». Et le Père Léonard de continuer: «Mes bien-aimés frères, qui me donnera une voix de tonnerre, ou plutôt une de ces trompettes qui retentiront au jour du jugement dernier, et transporté d’un saint zèle, je m’élèverai sur le sommet des plus hautes montagnes, et de là, je crierai de toutes mes forces: Peuples égarés! Réveillez-vous une bonne fois, et si vous voulez assurer votre éternité, recommandez-vous à Dieu, recourez souvent à Lui, par ces paroles ou d’autres semblables: «Mon Jésus, miséricorde!» Et je vous en donne ma parole, puisque Jésus-Christ vous a donné la sienne avant moi dans son saint Évangile: «Demandez et vous recevrez (Mt 7, 7), demandez mon assistance et vous l’aurez, et avec mon assistance vous ne pécherez plus». Je vous en donne ma parole, je le répète, si vous vous recommandez souvent à Dieu en disant du fond du coeur: «Mon Jésus, miséricorde!» vous ne pécherez plus, et vous vous sauverez».

L’exercice du Chemin de la Croix – qui consiste à suivre Jésus dans les principales étapes de sa Passion – existe déjà à cette époque, mais il est peu en usage en dehors de l’Ordre franciscain. Grâce au Père Léonard, cette pratique s’étendra à toute l’Eglise. Il en parle avec affection, et ne craint pas de l’appeler «la mère de toutes les dévotions, comme étant la plus ancienne, la plus sainte, la plus pieuse, la plus divine, la plus excellente, et méritant, à cause de cela, d’avoir, justement, la préséance sur toutes les autres». À lui seul le Père Léonard élèvera 572 chemins de croix. Sa dévotion à la Passion s’appuie sur une longue tradition. Saint Bonaventure, par exemple, déclare que, de tous les exercices de piété, il n’en est pas qui contribue plus efficacement à la sanctification.

Le Ciel bénit les travaux du Père et les missions se multiplient. Presque toute l’Italie et la Corse bénéficient de ses prédications. En 1715, le Père Léonard est nommé gardien du Couvent de Saint-François-du-Mont, à Florence, où il établit la plus grande régularité. Mais la solitude d’un couvent ordinaire ne lui suffit pas; il cherche, comme saint François l’a fait avant lui, un lieu écarté où il puisse, de temps en temps, vivre seul avec Dieu. Il fonde un ermitage situé sur une montagne, appelé Sainte-Marie-de-l’Incontro, où peuvent se retirer les religieux qui veulent s’y recueillir. On y observe les règles de la plus stricte pauvreté et on s’y applique aux travaux manuels. Bientôt, des religieux de divers instituts et même des hommes laïcs demandent à y être accueillis pour prendre part aux exercices spirituels. Le Père Léonard lui-même aime tant ce lieu que seul son zèle ardent d’apôtre peut l’en arracher.

Le soleil du christianisme

Parti après le Jubilé de 1750 pour une nouvelle tournée de missions, le Père est bientôt rappelé à Rome par le Pape. Dans un esprit d’obéissance au Vicaire du Christ, il se met en route. Ce voyage, à l’approche de l’hiver, lui est très pénible. En quittant Tolentino il se trouve mal, mais il lui faut franchir les montagnes. Arrivé à Foligno, il désire célébrer la Messe; comme un Frère le prie de s’en abstenir à cause de sa grande fatigue, il lui répond: «Mon Frère, une Messe vaut plus que tous les trésors du monde». Il avait écrit dans un opuscule: «La Sainte Messe n’est rien moins que le soleil du christianisme, l’âme de la foi, le coeur de la religion de Jésus-Christ ; tous les rites, toutes les cérémonies, tous les sacrements s’y rapportent. Elle est, en un mot, l’abrégé de tout ce qu’il y a de beau et de bon dans l’Église de Dieu… Pour moi, je n’en doute guère, sans la Sainte Messe le monde serait à cette heure au fond de l’abîme, entraîné par le poids épouvantable de tant d’iniquités. La Messe, voilà le victorieux levier qui le soutient. Voyez donc, après cela, à quel point le divin Sacrifice nous est indispensable» (La Sainte Messe, Trésor Inconnu).

C’est en récitant le Te Deum que le Père Léonard arrive au couvent de Saint-Bonaventure en novembre 1751. On le descend avec peine de la voiture: il est si faible qu’on ne sent plus son pouls. À peine arrivé à l’infirmerie, il se confesse et reçoit les derniers sacrements, après avoir prononcé avec une énergie étonnante les actes de foi, d’espérance et de charité. On lui offre une boisson qu’il accepte, puis il dit: «Je n’ai pas de termes suffisants pour remercier Dieu de la grâce qu’Il m’accorde de mourir au milieu de mes confrères». Peu de temps après avoir reçu l’Extrême-Onction, il s’endort paisiblement dans le Seigneur. C’était le vendredi 26 novembre 1751. Canonisé par le bienheureux Pie IX, il a été déclaré par Pie XI «patron céleste des prêtres qui se dévouent aux missions populaires».

Saint Léonard, obtenez-nous la grâce d’un grand zèle pour le salut des âmes!

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