3 mai 2015
Gilbert Keith Chesterton
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
«On a souvent dit avec raison que la religion est ce par quoi l’homme ordinaire se sent extraordinaire ; mais il est également vrai que la religion est ce qui fait que l’homme extraordinaire se sent ordinaire. » En écrivant cela, Gilbert Keith Chesterton faisait, sans le vouloir, son propre portrait. Puissant génie littéraire, cet écrivain est parvenu à la foi catholique au terme d’un cheminement humble et loyal qui lui faisait admirer en toute chose la bonté de Dieu ainsi que la capacité de l’homme de Le connaître.
G.K. Chesterton est né à Londres le 29 mai 1874 ; un mois plus tard, il recevait le Baptême dans l’Église anglicane. Au cours de sa scolarité, il donne l’impression d’un enfant assez médiocre, même quelque peu retardé et distrait, au point que ses condisciples rivalisent à le tourner en ridicule. Un de ses camarades de classe dira plus tard : « Nous ressentions qu’il était à la recherche de Dieu. » Pourtant, lui-même avouera : « J’étais un païen à l’âge de douze ans, et un agnostique complet à l’âge de seize ans. » Il traverse une crise de scepticisme et va jusqu’à subir la fascination du satanisme, puis à envisager le suicide. Malgré tout, un profond sens de l’émerveillement, auquel est jointe la gratitude pour le bien de l’existence, grandit peu à peu en lui : « Je tenais à la religion par le fil ténu de la gratitude. »
Un fort attrait
De 1892 à 1895, Gilbert étudie l’art à l’université de Londres. Mais ressentant un fort attrait pour les lettres, il se lance avec fougue dans le journalisme. Dès 1900, il publie un recueil de poèmes, intitulé The Wild Knight, où il plaide en faveur d’idées que la modernité, déjà à son époque, tourne en dérision : le patriotisme, l’humilité, la vénération de l’enfant… Chesterton captive son lecteur par son imagination fertile, son style vivant, son intérêt insatiable pour le monde, et surtout par son étonnante capacité à percevoir le sens profond des choses et des attitudes, que l’accoutumance risque de banaliser. Il jette sur les réalités familières un regard nouveau, secoue la poussière de l’habitude et considère toute chose ancienne dans la splendeur de sa nouveauté.
Gilbert est un homme au physique imposant : 130?kg pour 1,93 m. Un cigare à la bouche, il se drape d’une cape, porte un chapeau froissé et manie une canne-épée. En 1901, il épouse Frances Blogg ; ils n’auront pas d’enfants. Toujours absorbé dans ses réflexions, il demeurera passablement distrait tout au long de sa vie. Il lui arrive d’envoyer un télégramme à son épouse : « Je suis à Market Harbourgh. Où devrais-je être ? » La réponse arrive, nette : « À la maison ! » Séduit et passionné par les beautés de la création, il se rend toutefois compte qu’elles ne peuvent satisfaire pleinement son cœur. Espérant trouver le vrai bonheur, il cherche à allier l’affection pour les choses bonnes de ce monde avec un détachement qui le laisse libre. Il ne trouvera cette harmonie que dans le christianisme. Il explique son cheminement dans son livre Orthodoxy, publié en 1908. Trois ans auparavant, il avait publié Heretics, ouvrage dans lequel il remarquait que, chaque fois qu’un nouveau “prophète” présente une doctrine nouvelle, celle-ci se révèle, à l’examen, comme n’ayant rien de nouveau. L’hérésie consiste à isoler une vérité ; l’hérétique préfère une vérité à sa mesure à la vérité tout entière. Mais puisque seule la vérité tout entière rend libre, l’hérésie se révèle être un esclavage plus qu’une libération. Dans une homélie du 5 décembre 2013, le Pape François a évoqué cette parole de Chesterton : « Une hérésie est une vérité devenue folle. » Et le Saint-Père de commenter : « Lorsque les paroles chrétiennes sont “sans le Christ”, elles commencent à emprunter la voie de la folie » (cf. Osservatore Romano langue française, 12?décembre 2013).
Le génie peu ordinaire de Chesterton ne l’empêche pas de demeurer profondément humble. Un jour, le directeur d’un grand journal pose à plusieurs hommes de renom la question : « Qu’est-ce qui ne va pas dans le monde ? » Après avoir longtemps hésité, Gilbert répond : « Cher Monsieur, voici ma réponse à votre question : Moi ! Avec mes sentiments distingués. G. K. Chesterton. » Il pense, en effet, qu’il ne faut « se méfier de personne plus que de soi-même ; nos pires ennemis, nous les portons au-dedans de nous. » Chesterton puise dans l’humilité une grande capacité à voir la réalité avec un regard d’enfant. Les inventions modernes ne lui font pas perdre son bon sens, ni son amour des choses simples : « Dès le début, j’étais stupéfait par la prodigieuse merveille de l’existence – par le miracle de la lumière du soleil traversant une fenêtre, par le miracle de gens marchant sur des jambes dans les rues, par le miracle de gens en train de se parler. »
En 1914, Chesterton subit une grave épreuve de santé qui l’oblige à garder le lit pendant plusieurs mois. À la fin de la Grande Guerre, une autre épreuve le touche au cœur : son frère Cecil meurt dans un hôpital militaire, en France. Par fidélité à sa mémoire, Gilbert continuera à éditer le journal fondé par ce frère aimé. Après la guerre, il devient chef du mouvement “Distributist” qui, à l’encontre du socialisme comme du capitalisme sauvage, avance l’idée que la propriété privée devrait être divisée dans les entités les plus petites possibles, puis redistribuée dans la société.
Motif d’une conversion
Dans le domaine religieux, Chesterton perçoit de plus en plus clairement « qu’il n’y a qu’une Église, exactement de la même manière qu’il n’y a qu’un univers ». En 1922, il entre dans le sein de l’Église Catholique. Son épouse le suivra quatre ans plus tard. Quand on lui demande pourquoi il s’est converti, il répond laconiquement : « Pour être débarrassé de mes péchés. » Dom Ignatius Rice, qui a reçu son abjuration, souligne lui aussi : « Il devint catholique, à cause de l’action efficace de l’Église sur le péché. » Ce désir de recevoir le pardon des péchés implique la reconnaissance de la réalité du péché, mais également la foi en l’existence du péché originel. Pour Chesterton, la doctrine du péché originel, loin d’être déprimante, est au contraire la source d’une grande consolation : « Ce dogme affirme que nous avons abusé d’un monde qui est bon, et non que nous sommes enfermés dans un monde mauvais. Il renvoie le mal au mauvais usage de la volonté, et déclare ainsi qu’on peut rectifier le mal par un bon usage de la volonté. Tout autre credo est une espèce de reddition à la fatalité. » Ces paroles sont en concordance avec l’enseignement du Catéchisme de l’Église Catholique (CEC) :
« Issue de la bonté divine, la création participe à cette bonté : Et Dieu vit que cela était bon (Gn 1, 4 et suivants)… L’Église a dû, à maintes reprises, défendre la bonté de la création, y compris du monde matériel… À la suite de saint Paul, l’Église a toujours enseigné que l’immense misère qui opprime les hommes et leur inclination au mal et à la mort ne sont pas compréhensibles sans leur lien avec le péché d’Adam… La doctrine sur le péché originel – liée à celle de la Rédemption par le Christ – donne un regard de discernement lucide sur la situation de l’homme et de son agir dans le monde. Par le péché des premiers parents, le diable a acquis une certaine domination sur l’homme, bien que ce dernier demeure libre… Ignorer que l’homme a une nature blessée, inclinée au mal, donne lieu à de graves erreurs dans le domaine de l’éducation, de la politique, de l’action sociale et des mœurs » (CEC, nos 299, 403, 407). En effet, à cause du péché originel et de ses conséquences, notamment la triple concupiscence, l’homme est enclin au mal et a besoin d’un rédempteur. Jésus-Christ, le Fils de Dieu, a racheté l’humanité pécheresse au moyen de sa mort sur la Croix, mais la réalisation effective de la réconciliation de chaque âme avec Dieu se fait à travers les sacrements. Si le Baptême remet le péché originel et tous les autres péchés commis avant la réception du Baptême, c’est le sacrement de Pénitence, ou Confession, qui remet les péchés commis après le Baptême. L’administration de ce sacrement est confiée aux prêtres, qui reçoivent le pouvoir de remettre tous les péchés. La miséricorde divine ne connaît pas de mesure, et personne ne devrait jamais se décourager à la vue de ses péchés, si graves qu’ils soient. Si l’on s’approche de ce sacrement avec les dispositions requises (la contrition, le désir de s’amender et de faire pénitence, avec la confession des péchés), on bénéficie certainement du pardon de Dieu. C’est une marque de la sagesse insondable de Dieu qui a voulu que les péchés soient remis par des hommes, et que l’on puisse entendre de la bouche d’un autre homme, pécheur comme nous : « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, je vous pardonne vos péchés ».
Une religion privée
Si le célèbre écrivain embrasse la foi chrétienne traditionnelle, c’est parce qu’elle est vraie. D’après lui, la raison première pour laquelle beaucoup ne parviennent pas à connaître pleinement la vérité est l’orgueil, qu’il définit comme « la falsification des faits par l’introduction de soi ». Chesterton ne tire pas sa philosophie d’un “sentiment” interne personnel, à l’instar de bien des auteurs modernes ; il la fonde sur une expérience objective, universellement valable : « Un homme ne peut pas plus avoir une religion privée qu’il ne peut avoir un soleil et une lune privés. » Gilbert sait très bien qu’on reproche à l’Église Catholique l’intransigeance de son dogme. En réalité, tout le monde a ses “dogmes”, c’est-à-dire ses critères de jugement ; sans eux la vie est tout simplement impossible. « Il n’y a, écrit-il, que deux sortes de personnes : celles qui acceptent consciemment le dogme (révélé), et celles qui acceptent un dogme sans en être conscientes. » La vraie question est donc de savoir sur quel dogme nous fondons notre vie. Certains pensent que le christianisme, après avoir eu son heure de gloire, est désormais dépassé. Chesterton ne partage pas cet avis. Pour lui, la vérité des faits « n’est pas qu’on ait essayé l’idéal chrétien et qu’on l’ait trouvé déficient ; mais plutôt que, l’ayant trouvé trop difficile, on ne l’a pas essayé ».
Prêtre détective
Gilbert fait un jour la rencontre d’un prêtre, encombré de paquets et tenant sous le bras un énorme parapluie. Cet homme lui laisse l’impression d’un être gauche et naïf. Mais, lors d’une promenade en sa compagnie, il réalise que cet ecclésiastique candide, le Père O’Connor, simple curé de paroisse, connaît mieux, grâce à son expérience des âmes, les secrets du vice et du crime que le meilleur agent de Scotland Yard. Il imagine alors un personnage de roman, Father Brown, qui devient le héros d’une série d’histoires policières. Le prêtre détective apparaît sur le théâtre d’un vol ou d’un assassinat et pose des questions apparemment saugrenues. Tout d’abord, ses avis sont tenus pour négligeables ; mais bientôt, sa sagacité devient manifeste car lui seul, éclairé par son intuition spirituelle, dépiste le mensonge à travers les paroles, les visages, les attitudes, et il finit par désigner les vrais coupables. De cette façon plaisante, Chesterton transmet sa conviction que seule l’Église Catholique connaît profondément les âmes, car seule elle a la mission divine de les rénover, surtout grâce au ministère sacerdotal. Ainsi dans l’épisode The Flying Stars, Father Brown supplie Flambeau, un criminel, de changer de vie : « Il vous reste encore de la jeunesse, de l’honneur, de l’humour ; ne pensez pas que, dans ce métier, ils vont durer. Les hommes peuvent se maintenir à une sorte de niveau honnête dans le bien, mais aucun homme n’a jamais pu se maintenir à un niveau quelconque dans le mal. Ce chemin-là descend toujours. Un homme gentil se met à boire, puis devient cruel ; un homme qui ne mentirait pour rien au monde, mais qui tue quelqu’un, tombe dans le mensonge pour couvrir son meurtre. Beaucoup d’hommes que j’ai connus ont commencé comme vous à être d’honnêtes hors-la-loi, de gais brigands des riches, puis ont fini enfoncés dans la boue. » Ces intuitions de Chesterton ont été en quelque sorte corroborées par saint Jean-Paul II qui affirmait : « L’homme n’est pas capable de se comprendre lui-même à fond sans le Christ : il ne peut saisir qui il est, ni quelle est sa vraie dignité, ni quelle est sa vocation, ni son destin final » (2 juin 1979).
Les nombreux écrits de Chesterton (articles, romans, comptes rendus, livres historiques ou critiques…) témoignent d’un esprit très fin et pétillant d’humour. L’auteur maîtrise l’art du paradoxe au point d’en être appelé le “prince”. Il utilise ce mode d’expression dans les domaines les plus divers et sur les sujets les plus sérieux : les événements mondiaux, politiques, économiques, la philosophie, la théologie, etc. Il s’applique à mettre en lumière la vérité et à tourner aimablement en ridicule l’incohérence de ceux qui acquiescent à tout sans discernement. Dans certaines controverses, il en appelle au “sens non commun”, faisant malicieusement remarquer que le bon sens n’est peut-être plus aussi partagé qu’autrefois, puisque même des penseurs réputés soutiennent des positions “en dépit du bon sens”.
Connaître le réel
Ce bon sens aimé, Chesterton le trouve chez les grands esprits qui adhèrent à la foi. Soucieux de partager sa découverte, il compose, vers la fin de sa vie, une biographie de saint Thomas d’Aquin, chef-d’œuvre qu’un fin connaisseur du thomisme, Étienne Gilson, considérera comme le meilleur livre ayant jamais été écrit sur le docteur angélique. Chesterton n’a pas d’autre formation philosophique ou théologique que ses lectures personnelles ; pourtant il perçoit profondément que l’homme, créé à l’image de Dieu, est capable de connaître le réel. Il se trouve ainsi à même de comprendre et d’écrire la vie d’un homme dont il est si proche par l’esprit. À la fin de ce livre, l’auteur évoque, par contraste, la figure de Martin Luther, et montre comment celui-ci a consommé le divorce entre l’homme et la raison. Pour Luther, en effet, l’homme est tellement corrompu par le péché que ses puissances naturelles d’intelligence et de volonté sont incapables de faire quoi que ce soit d’utile : l’homme déchu ne peut rien faire sinon crier miséricorde du fond de sa misère. Saint Thomas, en revanche, et avec lui l’Église Catholique, croient que l’homme peut, « par ses forces et sa lumière naturelles arriver à une connaissance vraie et certaine d’un Dieu personnel, protégeant et gouvernant le monde par sa Providence, ainsi que d’une loi naturelle mise par le Créateur dans nos âmes » (CEC, nº 37). Ce thème des relations entre la raison et la foi a été développé par saint Jean-Paul II : « L’Église, pour sa part, ne peut qu’apprécier les efforts de la raison pour atteindre des objectifs qui rendent l’existence personnelle toujours plus digne. Elle voit, en effet, dans la philosophie le moyen de connaître des vérités fondamentales concernant l’existence de l’homme. En même temps, elle considère la philosophie comme une aide indispensable pour approfondir l’intelligence de la foi et pour communiquer la vérité de l’Évangile à ceux qui ne la connaissent pas encore » (encyclique Fides et ratio, 14 septembre 1998, nº 5).
Défenseur de la foi, Chesterton l’est également des bonnes mœurs. L’un des aspects de la dégradation morale d’une société est le laisser-aller dans l’habillement. Gilbert trouve cette tendance à découvrir sans mesure le corps, non seulement dangereuse pour les bonnes mœurs, mais même préjudiciable à la raison. Frappé par une parole de l’Évangile, il fait dire au héros des Aventures de Gabriel Gale : « N’avez-vous jamais remarqué à quel point est vraie la phrase (appliquée par saint Marc au démoniaque guéri par Jésus), vêtu et dans son bon sens (Mc 5, 15) ? L’homme n’est pas dans son bon sens lorsqu’il n’est pas habillé avec les symboles de sa dignité sociale. L’humanité n’est même pas humaine lorsqu’elle est nue. » Sur ce point comme sur bien d’autres, aller à contre-courant demande du courage ; mais justement, il s’agit de savoir si l’on veut vivre, car « c’est ce qui est mort qui va avec le courant ; seul ce qui est vivant peut y résister ».
G.K. Chesterton voit dans le respect pour l’héritage des anciens un acte de déférence envers nos pères : « La tradition signifie donner sa voix à la plus obscure des classes, nos ancêtres. C’est une grande démocratie des morts. La tradition refuse de se soumettre à la petite et arrogante oligarchie de ceux qui par hasard sont actuellement sur la scène. » Mais le respect de la tradition implique également un regard lucide sur nous-mêmes et nos intérêts. « Ne démontez jamais une clôture avant d’avoir compris pourquoi on l’a montée », référence implicite à la parole inspirée : Tu ne déplaceras pas les bornes de ton prochain, posées par les ancêtres (Dt 19, 14). En réalité, le vrai progrès n’est possible qu’à partir de ce qui nous a été transmis : « Pour le vrai développement, il ne s’agit pas de laisser des choses derrière soi comme sur une route, mais d’en tirer la vie, comme d’une racine. »
Causeries populaires
En 1931, Chesterton est invité à produire une série d’émissions à la radio. Il accepte, et en réalisera chaque année une quarantaine jusqu’à sa mort. Ces causeries sont très populaires, au point que, si la mort n’était pas venue y mettre fin, Chesterton serait devenu la voix dominante sur les ondes de la BBC. Comme son ami Hilaire Belloc, il n’hésite pas à se prononcer sur les grandes questions de l’époque. Dès les débuts, il fait savoir son opposition au régime nazi ; il s’oppose également à l’eugénisme, alors que la Grande-Bretagne s’apprête à approuver le “Mental Deficiency Act” (1931), par lequel certains groupes prônent la stérilisation des personnes “mentalement déficientes”. De telles idées, affirme-t-il, sont insensées, « comme si on avait le droit de forcer et de réduire en esclavage ses compatriotes pour faire sur eux des expériences chimiques ». Révolté à cette perspective, il critique fortement la loi proposée qui, par sa formulation vague, ne laisse personne à l’abri de ses dispositions inhumaines : « N’importe quel vagabond boudeur, n’importe quel travailleur timide, n’importe quel rustique excentrique, pourra très bien être inclus dans la catégorie des fous furieux. Telle est la situation et voilà le fait… nous sommes déjà dans un État eugéniste ; et plus rien ne nous reste que la rébellion. »
Fort de sa foi en l’image divine imprimée dans l’homme dès sa création (cf. Gn 1, 26-27), G.K. Chesterton se fait, sa vie durant, le défenseur passionné de l’homme. Aussi voit-il avec angoisse la direction prise par l’humanité. Selon lui, si on ne reconnaît pas que la dignité de l’homme a sa source intangible en Dieu, rien ne pourra empêcher les tentatives insensées pour modifier sa nature indéfiniment. Qu’est-ce qui empêchera, demande-t-il, que les “merveilles nouvelles” ne conduisent aux “anciens abus” de la dégradation et de l’esclavage ? Il prévoit ainsi que le rejet de Dieu conduira tout droit au rejet de l’homme, le rejet du surnaturel au rejet de la nature ; car « si vous enlevez ce qui est surnaturel, il ne vous reste que ce qui n’est même pas naturel », c’est-à-dire une nature blessée et malade. « Les droits de l’homme ont absolument besoin de s’appuyer sur un ordre qui les dépasse, sinon ils risquent de s’évanouir dans l’abstraction ou, pire encore, de sombrer dans quelque idéologie », disait saint Jean-Paul II, le 19 novembre 1983.
Usé par le travail, Chesterton rend paisiblement son âme à Dieu le 14 juin 1936, chez lui à Beaconsfield, dans le Buckinghamshire. Une procédure en vue d’une éventuelle béatification a récemment été ouverte par l’évêque de Northampton.
Les écrits de cet homme courageux demeurent une lumière dans les ténèbres de notre monde. Face aux forces impressionnantes qui rejettent la raison et la foi et, par là, avilissent l’homme, G. K. Chesterton ne cesse de nous encourager à aller de l’avant en témoignant de la vérité à temps et à contretemps (2 Tm 4, 2). À son exemple, plaçons notre confiance dans la grâce de Dieu et son amour qui veut sauver les hommes en leur apprenant à aimer chrétiennement, car « aimer signifie aimer ce qui n’est pas aimable. Pardonner signifie pardonner l’impardonnable. Croire signifie croire l’incroyable. Espérer signifie espérer quand il n’y a plus d’espoir ».
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