Télécharger comme pdf

2 avril 2015

Bienheureux José Gabriel Brochero

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

«Une caresse de Dieu à notre peuple qui souffre » : par cette expression, le Pape François désigne José Gabriel Brochero, prêtre argentin, béatifié le 14 septembre 2013, dans la ville qui porte désormais son nom. À l’occasion de cet événement, le Saint-Père écrivait : « Que don Brochero soit enfin compté parmi les bienheureux est une joie et une bénédiction très grande pour les Argentins et les dévots de ce pasteur qui avait l’odeur de ses brebis, qui se fit pauvre parmi les pauvres, qui lutta toujours pour être proche de Dieu et des gens ! »

José Gabriel Brochero est né le 16 mars 1840 à Villa Santa Rosa, dans la province de Córdoba, dans l’ouest de l’Argentine. Les révolutions ne viennent pas troubler les habitants, simples et bons, de ce village éloigné de la capitale provinciale. Les parents de Gabriel sont d’honorables propriétaires, enracinés dans leur foi. Ils auront dix enfants, dont sept survivront. Gabriel, le quatrième, dira plus tard : « Une paix inaltérable et une activité incessante régnaient dans ce foyer, pauvre du côté de la fortune mais riche de vertus qui faisaient fleurir la joie dans toutes nos occupations. » Les enfants Brochero apprennent l’amour de Dieu et la rectitude. Ils traversent tous l’adolescence sans perdre leur innocence ni leur pureté. Plutôt chétif, José Gabriel est cependant de caractère joyeux et serviable. Très jeune, il ressent un attrait vers le sacerdoce mais sans le manifester encore. Dès que l’appel du Seigneur est perçu plus clairement, l’enfant court l’annoncer à ses parents qui, en chrétiens exemplaires, remercient le Ciel pour ce don merveilleux fait à leur foyer.

Une source féconde

En 1856, José Gabriel entre au séminaire Notre-Dame de Lorette, à Córdoba. Épreuves et humiliations ne lui manquent pas durant ses années de petit et grand séminaire, car sa condition plutôt modeste le fait détonner parmi ses condisciples ; mais il s’attache à étudier avec rigueur et persévérance. Dès cette époque, José Gabriel découvre les Exercices spirituels de saint Ignace ; il s’abreuvera constamment à cette source si féconde qui l’aidera à connaître Notre-Seigneur, à l’aimer et à le suivre. Il entend Jésus lui dire : « Que celui qui veut venir avec moi travaille avec moi ; qu’il me suive dans les fatigues, afin de me suivre aussi dans la gloire » (Exercices spirituels, 95). Chaque année, il renouvelle sa retraite chez les jésuites de Córdoba. Très tôt, il commence à collaborer avec eux : il devient “catéchiste” et “lecteur” pendant les Exercices, c’est-à-dire le bras droit du prêtre chargé de diriger la retraite. Pour coopérer à cette œuvre, il sacrifie bien des heures de repos. En 1858, il fréquente l’Université nationale majeure de San Carlos. Là, il fait la connaissance de diverses personnalités qui deviendront influentes.

José Gabriel est ordonné prêtre le 4 novembre 1866. Le feu du divin amour qui brûle en son cœur va l’éclairer et le guider à travers tous les chemins. Sa mission sacerdotale pour le salut des âmes aura la saveur amère du sacrifice, mais elle lui apparaît si élevée et si digne qu’il aspire à la réaliser le plus vite possible. Une occasion providentielle lui est offerte d’exercer la miséricorde. En 1867, Córdoba est touchée par une épidémie de choléra qui emporte en peu de temps plus de 4000 personnes. Affliction et panique gagnent la population. Au péril de sa vie, le jeune prêtre se donne corps et âme ; il montre un dévouement inlassable et un courage qui ne faiblit pas jusqu’à la fin de l’épidémie. Un témoin atteste : « Brochero quitta le foyer où il venait de s’installer pour se mettre au service de l’humanité souffrante. Dans la ville comme dans la campagne, on le voyait courir d’un malade à l’autre, offrant le réconfort religieux aux mourants, recueillant leurs derniers aveux et donnant l’absolution. Cette période a été l’une des plus exemplaires et héroïques de sa vie. »

En décembre 1869, don Brochero est nommé curé de la paroisse San Alberto, maintenant appelée “Vallée de la Traslasierra”, d’une étendue immense : plus de 4000 kilomètres carrés de vallées et de montagnes, en grande partie désertes et infestées de brigands. Dix mille habitants y survivent dispersés, dans une grande indigence, sans routes ni écoles, coupés de toute communication par des sommets de plus de 2000 mètres d’altitude. Trois jours de voyage à dos de mule, à travers la montagne, sont nécessaires au nouveau curé pour se rendre de Córdoba à San Pedro, chef-lieu du département. Peu après, il s’installera définitivement à Villa del Tránsito. Il y demeurera plus de quarante ans, prêchant l’Évangile par la parole et l’exemple, contribuant plus que quiconque au développement de cette zone presque abandonnée. Don Brochero aimera profondément cette terre et les fidèles qui lui sont confiés.

« Il me plaît d’imaginer aujourd’hui, confie le Pape François, don Brochero sur sa mule, tandis qu’il parcourait les longs sentiers arides et désolés de son immense paroisse… Il apprit à en connaître chaque recoin. Il ne resta pas dans la sacristie à “dorloter” ses brebis. Il était comme une visite de Jésus lui-même à chaque famille. Il portait l’image de la Vierge, le livre des prières avec la Parole de Dieu, le nécessaire pour célébrer la Messe quotidienne. Les gens l’invitaient à boire un maté, discutaient avec lui, et Brochero leur parlait de manière que tous puissent comprendre, car ce qu’il disait venait de son cœur, de la foi et de l’amour qu’il avait pour Jésus » (14 septembre 2013).

Un « pot-au-feu créole »

Le curé s’identifie à ses paroissiens, se faisant tout à tous, pour les gagner au Christ. Tous ne vont pas à l’église : alors, avec audace, armé de son crucifix, de sa bravoure et de son amabilité proverbiale, il part à la recherche des brebis perdues. Et celles-ci, en retour, l’aiment inconditionnellement. Il le mérite : tandis qu’il leur parle de Dieu et de l’Évangile, il leur construit églises et écoles, ponts et chemins, fossés et canaux. Pour parvenir à ses fins, il ne craint pas de se présenter devant le gouverneur de la province, les ministres et même le président de la République lorsque la nécessité le requiert. Don Brochero a l’habitude de lire chaque lundi le texte de l’Évangile du dimanche suivant pour le méditer chaque jour de la semaine et l’adapter à son auditoire en de savoureuses homélies. Jusque dans la chaire de la cathédrale de Córdoba, il sert au public choisi qui l’écoute ce qu’il nomme un “pot-au-feu créole”, plutôt que des sermons raffinés. Surmontant le respect humain, il n’a pas peur de stigmatiser les vices. Un jour où il prêche devant le gouverneur en personne et une nombreuse assistance, il fustige la médisance ainsi que la calomnie, menaçant de la damnation éternelle les langues trop bien pendues qui lacèrent le prochain.

Don Brochero voit dans les Exercices spirituels de saint Ignace un moyen particulièrement adapté pour opérer la réforme des mœurs et le progrès dans le bien. « José Gabriel Brochero centra toujours son action pastorale sur la prière, remarque le Pape François. Dès qu’il arriva dans sa paroisse, il commença à emmener des hommes et des femmes à Córdoba pour faire les Exercices spirituels avec les Pères jésuites. Au prix de quels sacrifices ils traversaient d’abord le massif des Sierras Grandes enneigées l’hiver, pour aller prier dans la capitale ! » Le curé recrute inlassablement des retraitants, par centaines. Grâce à lui, des fidèles de toutes les conditions participent aux retraites ; avec cet admirable outil, don Brochero infuse dans les âmes et dans la société tout entière l’esprit chrétien, qui rayonne dans les domaines les plus divers. « Les Exercices de saint Ignace, dira le Pape Pie XII en 1948, seront toujours un des moyens les plus efficaces pour la régénération spirituelle du monde. »

Dans le trésor spirituel des Exercices, deux perles, entre beaucoup d’autres, méritent une attention particulière. D’abord le “Principe et fondement” (n. 23), considération qui ouvre la retraite : « L’homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu, notre Seigneur, et ainsi sauver son âme. Et les autres choses qui sont sur la terre sont créées à cause de l’homme et pour l’aider dans la poursuite de la fin que Dieu lui a marquée en le créant. » Il suit de là qu’il doit en faire usage autant qu’elles l’aident à parvenir à Dieu, et qu’il doit s’en dégager autant qu’elles le détournent de Lui. Après avoir médité ces lignes, le retraitant sait pourquoi il vit sur la terre. Il s’entretiendra ensuite intimement avec Jésus en croix (n. 53) : « Me représentant Notre-Seigneur Jésus-Christ en croix devant moi, je lui demanderai dans un colloque (entretien intime) comment, étant le Créateur de toutes choses, il en est venu jusqu’à se faire homme ; comment, possédant la vie éternelle, il a daigné accepter une mort temporelle et la subir réellement pour mes péchés. Puis, me considérant moi-même, je me demanderai ce que j’ai fait pour Jésus-Christ, ce que je fais pour Jésus-Christ, ce que je dois faire pour Jésus-Christ. Et, le voyant ainsi attaché à la croix, je ferai les réflexions qui se présenteront à moi. »

« Les poumons de la vie spirituelle »

Les retraites que propose don Brochero durent au moins huit jours, et souvent celui-ci les donne lui-même. Un projet mûrit dans son esprit : ouvrir dans sa paroisse une vaste maison pour les Exercices spirituels. En dépit des pronostics pessimistes, son dessein se réalise en 1877, après deux ans de travaux. En 1979, saint Jean-Paul II définira les lieux où sont donnés les Exercices comme « les poumons de la vie spirituelle pour les âmes et les communautés chrétiennes ». La maison est inaugurée avec 500 retraitants. Les retraites qui suivent sont plus nombreuses encore. En 1878, cinq retraites seulement ont lieu : deux pour les dames et trois pour les hommes, mais le nombre total des participants est de 3163 ! Malgré ce chiffre impressionnant, le silence règne partout dans la maison. Dans l’église, les prédicateurs développent les grandes vérités de l’Évangile : le dessein de Dieu sur l’homme, l’éternité, la mort, l’enfer, le Ciel, la vie, la Passion et la Résurrection du Christ. Grâce au silence extérieur qui favorise le silence intérieur, et grâce à la prière, ces vérités pénètrent jusqu’au plus profond des cœurs, là où Dieu parle.

« La pratique des Exercices est une école aujourd’hui encore irremplaçable pour introduire les âmes à une intimité plus grande avec Dieu », affirmait le bienheureux Paul VI, le 9 février 1972. Et, le 17 novembre 1989, saint Jean-Paul II soulignait : ils « sont d’autant plus nécessaires que l’évolution du mode de vie semble ôter toujours plus à l’homme moderne le temps et la possibilité de réfléchir sur soi-même. » Ils éclairent notre cheminement spirituel par de précieuses règles de discernement spirituel :

« Première règle : À l’égard des personnes qui vont de péché mortel en péché mortel, la conduite ordinaire de l’ennemi est de leur proposer des plaisirs apparents, leur occupant l’imagination de jouissances et de voluptés sensuelles, afin de les retenir et de les plonger plus avant dans leurs vices et dans leurs péchés. Le bon esprit, au contraire, agit en elles d’une manière opposée : il aiguillonne et mord leur conscience, en leur faisant sentir les reproches de la raison. Deuxième règle : Dans les personnes qui travaillent courageusement à se purifier de leurs péchés et vont de bien en mieux dans le service de Dieu, notre Seigneur, le bon et le mauvais esprit opèrent en sens inverse de la règle précédente. Car c’est le propre du mauvais esprit de leur causer de la tristesse et des tourments de conscience, d’élever devant elles des obstacles, de les troubler par des raisonnements faux, afin d’arrêter leurs progrès dans le chemin de la vertu ; au contraire, c’est le propre du bon esprit de leur donner du courage et des forces, de les consoler, de leur faire répandre des larmes, de leur envoyer de bonnes inspirations, et de les établir dans le calme, leur facilitant la voie et levant devant elles tous les obstacles, afin qu’elles avancent de plus en plus dans le bien » (n. 314 et n. 315).

La terreur du pays

Outre les simples villageois de montagne, don Brochero invite aussi à la retraite des “mécréants”, poursuivis par la miséricorde divine autant que par la justice humaine : « La grâce de Dieu est comme la pluie, qui tombe sur tous », aime-t-il à dire. Certains d’entre eux sont mal à l’aise, ainsi d’ailleurs que les personnes qui les voient entrer dans le havre de paix qu’est la maison de retraite. Un jour, le fervent curé demande au prédicateur de donner une seconde fois la méditation sur l’enfer pour quatre “clients” qui en ont particulièrement besoin : « Tombez-leur dessus, car vous avez là quatre hommes si durs à cuire que le diable ne s’en occupe plus ! » Lui-même tente de ramener dans le droit chemin la terreur du pays, le bandit Guayama, qui, avec sa bande, attaque les convois. Don Brochero réussit à le rencontrer. Il veut lui faire promettre de renoncer à ses mauvais desseins et de mener dorénavant une vie honnête en s’engageant dans l’armée. Il l’assure qu’il obtiendra du gouverneur provincial un indult le laissant quitte de toute poursuite : de plus, il s’engage à l’aider à payer ses dettes, à la condition unique qu’il fasse une retraite. Le bandit signe la demande d’indult exigée par le gouverneur. Malheureusement, peu après, Guayama est pris dans une embuscade et incarcéré. Il recourt alors à don Brochero qui remue ciel et terre pour obtenir sa grâce, mais en vain. Guayama est fusillé. Le bon pasteur pleure celui qu’il considérait comme son ami. Il prie et demande des prières pour le salut de son âme.

« Le courage apostolique de don Brochero, déclare le Pape François, son zèle missionnaire, l’audace de son cœur plein de compassion, comme celui de Jésus, qui lui faisait dire : “Gare au diable s’il me vole une âme !”, le poussa à gagner à Dieu également des personnes de mauvaise vie et des gens difficiles. On compte par milliers les hommes et les femmes qui, grâce au travail sacerdotal de Brochero, abandonnèrent le vice et les disputes. Tous recevaient les sacrements au cours des Exercices spirituels et, avec eux, la force et la lumière de la foi pour être de bons fils de Dieu, de bons frères, de bons pères et mères de famille, dans une grande communauté d’amis engagés au bien de tous, qui se respectaient et s’aidaient les uns les autres. »

Des petits théologiens

La “maison des Exercices” n’est pas encore achevée que l’entreprenant missionnaire songe à fonder les “Esclaves du Sacré-Cœur de Jésus”, congrégation religieuse féminine vouée à l’éducation des jeunes filles. Le voici à nouveau en frais pour leur construire une maison spacieuse. Il compte sur la générosité de ses amis, toujours là pour seconder ses œuvres, tant sa bienfaisante charité sait s’attacher les cœurs. Pourtant, les épreuves ne manquent pas. Les tempêtes et les tremblements de terre détruisent son église. Sans se laisser décourager, l’infatigable prêtre traverse la montagne pour quémander de l’argent auprès des âmes généreuses et du gouvernement. Les journaux se font l’écho de son activité incessante. Un congrès se prépare à Buenos Aires pour développer l’enseignement de la doctrine catholique dans tout le pays. Les curés sont invités à donner leur avis. Brochero relate ce qui se pratique dans sa paroisse : tous savent le catéchisme, et, de plus, « il n’y a pas de garçon ou de jeune fille qui, dès ses 12 ans, ne soit un petit théologien, connaissant par cœur de nombreuses pages de saint Alphonse de Liguori. Même les enfants à la mamelle le savent parce que tous les jours, leurs parents le leur expliquent ! » Par humilité, et sentant ses forces diminuer, don Brochero demande plusieurs fois d’être relevé de ses fonctions de curé de San Alberto, mais l’évêque estime plus utile qu’il reste au service des âmes : la maison des Exercices et les religieuses ont encore besoin de lui. Toutefois, en 1898, l’évêque lui accorde la relève de sa fonction curiale et le nomme chanoine de la cathédrale. Tout le monde se réjouit de cette distinction sauf l’intéressé pour qui ce changement, bien que sollicité, n’en est pas moins un lourd sacrifice. Il s’installe chez un vieil ami, mais compte bien rester pauvre : tout ce qu’il gagne comme chanoine, il le redistribue aux pauvres en sorte qu’il n’a jamais l’argent qui serait nécessaire pour ses propres besoins. Quand on le lui reproche, il a coutume de répondre : « Dieu y pourvoira, car les pauvres sont dans une plus grande nécessité que moi. »

Don Brochero, note le Pape François, est « l’un des pionniers à être allé dans les périphéries… pour apporter à tous l’amour, la miséricorde de Dieu… Il se consuma sur le dos de sa mule à force d’aller à la rencontre des gens, comme un curé “tout-terrain” (“callejero”) de la foi. C’est cela que Jésus veut aujourd’hui, des disciples missionnaires, des “callejeros” de la foi ! Brochero était un homme normal, fragile, comme n’importe lequel d’entre nous, mais il connut l’amour de Jésus, il laissa son cœur se forger par la miséricorde de Jésus. »

Un mal terrible

L’inactivité est pénible au nouveau chanoine qui suit de loin les progrès de son ancienne paroisse. Les curés s’y succèdent sans parvenir à se faire adopter par les fidèles qui n’aspirent qu’à retrouver leur ancien pasteur. Le 1er décembre 1902, l’évêque lui donne l’autorisation de reprendre son ancienne charge pastorale. Au moment des adieux à ses collègues, ôtant sa mozette de chanoine comme si elle le gênait, il affirme : « Ce bât n’est pas fait pour mon dos, ni cette mule pour cette écurie. »

La réinstallation dans sa paroisse lui procure une nouvelle sève qui le fait reverdir : il demeure toujours aussi ardent à semer la parole divine. Mais bientôt, un mal terrible l’atteint : la lèpre. Il a contracté cette maladie en allant visiter un lépreux pour le gagner à Jésus-Christ : il partageait avec lui ses repas, buvant dans le même verre. Malgré l’affection que les fidèles lui portent, beaucoup s’éloignent de lui, n’osant plus recevoir la communion de sa main par crainte de la contagion. En 1908, l’évêque le décharge et nomme un nouveau curé pour Villa del Tránsito. Le pauvre malade demande l’hospitalité à sa sœur, et ajoute avec insistance : « Que les religieuses Esclaves me prêtent tout le nécessaire pour dire la Messe, et, en outre, aide-moi à pourvoir aux nécessités des pauvres qui viendront frapper à ma porte. » En 1910, il rédige son testament : « Que mes exécuteurs testamentaires trouvent un menuisier du coin pour qu’il me fasse une caisse toute simple, qu’il gagne quelque chose avec ce travail, et quand on y aura placé mon cadavre, qu’on l’enterre dans n’importe quel point de l’allée principale du cimetière actuel ! »

Cependant, le Seigneur continue de purifier par l’épreuve son fidèle serviteur : du fait de la lèpre, il perd la vue, mais n’en continue pas moins de célébrer la Messe et de prêcher. Trois jours avant sa mort, il célèbre une Messe des défunts. À ces paroles de l’Évangile : Et ego resuscitabo eum in novissimo die (Et moi, je le ressusciterai au dernier jour – Jn 6, 55), il s’évanouit puis doit s’aliter pour se préparer au grand passage : « Quoique le démon cherche quelque chose en moi, affirme-t-il, il se trompe : tout est payé par le Sang de Jésus-Christ. » Fidèle à son langage populaire, il se compare à une bête de somme : « Maintenant, tout mon attirail est prêt pour le départ. » Ce sont ses derniers mots. Il rend son âme à Dieu paisiblement, à l’âge de 73 ans, le 26 janvier 1914. Le 14 septembre 2013, le cardinal Angelo Amato a présidé la cérémonie de béatification de don Brochero, en présence d’environ 200000 fidèles, de presque tout l’épiscopat argentin, de 1200 prêtres, du Président de la Chambre des députés et de nombreuses autorités politiques.

Don Brochero, explique le Pape François, « sut sortir de l’égoïsme mesquin que nous avons tous, en prenant sur lui-même, en surmontant avec l’aide de Dieu les forces intérieures que le diable utilise pour nous enchaîner aux commodités, à la recherche du plaisir du moment, au peu de volonté de travailler. Il écouta l’appel de Dieu et choisit le sacrifice de travailler pour son Royaume, pour le bien commun…, et il fut fidèle jusqu’à la fin. » Puissent ces paroles orienter notre vie pour qu’elle soit, avec l’aide de la Vierge Marie, une source de réconfort et d’espérance pour tous ceux qui souffrent !

Pour publier la lettre de l’Abbaye Saint-Joseph de Clairval dans une revue, journal, etc. ou pour la mettre sur un site internet ou une home page, une autorisation est nécessaire. Elle doit nous être demandée par email ou sur la page de contact.