Télécharger comme pdf

23 octobre 2013

Bienheureuse Marie-Thérèse et Sainte Urzsula Ledochowska

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

Lors de son voyage apostolique de 2006 en Pologne, le Pape Benoît XVI s’adressait ainsi à la foule: «Je vous en prie, cultivez ce riche héritage de foi qui vous a été transmis par les générations précédentes, l’héritage de la pensée et du service de ce grand Polonais que fut le Pape Jean-Paul II. Restez forts dans la foi, transmettez-la à vos enfants, témoignez de la grâce, dont vous avez fait l’expérience de manière si abondante à travers l’Esprit Saint dans votre histoire.» La fécondité spirituelle de la terre polonaise a été notamment illustrée par la famille Ledochowski dont deux filles ont été élevées sur les autels et un fils, Wladimir, a exercé la charge de Préposé général des Jésuites de 1915 à 1942. Marie-Thérèse Ledochowska, béatifiée par le Pape Paul VI le 19 octobre 1975, est la fondatrice des Sœurs Missionnaires de Saint-Pierre Claver qui soutiennent les missions par diverses publications. Julia, sa sœur, a été béatifiée en 1986 et canonisée en 2003 par le Pape Jean-Paul II. Elle est à l’origine des Ursulines grises, dévouées spécialement à l’éducation des plus pauvres.

Le comte Antoine Halka Ledochowski descend d’une famille de l’ancienne noblesse polonaise qui brilla toujours par son dévouement à son souverain et sa fidélité à Dieu. Il a trois garçons d’un premier mariage; devenu veuf, il épouse en 1862 une Suissesse, Joséphine de Salis-Zizer. Maman Séphine, comme on l’appelle, se montre une vraie mère pour les fils du comte, auxquels s’ajoute bientôt Marie-Thérèse, le 29 avril 1863, puis huit autres enfants dont Julia en 1865 et Wladimir en 1866. La famille est établie dans une riche propriété à Loosdorf près de Melk en Basse-Autriche. Les talents artistiques musicaux, picturaux et littéraires des enfants se développent sous le regard attentif de leurs parents. Maman Séphine mène son petit monde avec douceur et fermeté. Elle ne transige jamais avec la fidélité au devoir et la maîtrise de soi, obtenues même au prix du sacrifice. La foi chrétienne est transmise aux enfants par la fréquentation des sacrements, la prière, la lecture de l’Évangile et de la vie des saints. La vie est heureuse, animée par de nombreuses sorties et ponctuée de séjours dans les somptueuses demeures des grandes familles amies.

Mériter davantage

Marie-Thérèse, qui aime briller, envie les talents des autres enfants et s’applique à les surpasser. Elle délaisse facilement les jeux des plus jeunes pour se plonger dans la lecture, mais sa mère lui demande souvent de sacrifier ses goûts pour s’occuper d’eux. Ses défauts sont le revers d’une nature généreuse. À neuf ans, elle révèle son caractère dans un poème racontant un rêve où son ange la conduit en Paradis: ceux qui ont davantage souffert et patienté y ont une plus belle couronne. Elle en conclut: «Je remerciai Dieu et me réjouis du délai qu’Il me donnait pour mériter davantage encore.» Pour la petite Julia, ce rêve est pure imagination; pourtant, “souffrir et travailler” deviendra la devise de sa grande sœur.

En 1873, à la suite d’un revers de fortune, le château de Loosdorf est vendu; la famille s’installe dans un appartement à Saint-Pölten. Les jeunes filles suivent les cours des Dames anglaises, complétés par des leçons particulières. Musique, théâtre, visites, sport, excursions, jeux font partie de la vie. Julia joue de la cithare; elle aime aussi la danse et le sport. Chez les Ledochowski, les agréments de la vie suscitent l’action de grâces à Dieu sans nuire à un profond esprit surnaturel.

«Le travail et la fête sont intimement liés à la vie des familles, écrivait le Pape Benoît XVI le 23 août 2010; ils conditionnent leurs choix, influencent les relations entre les époux, et entre les parents et les enfants, et ont un effet sur le rapport de la famille avec la société et l’Église. Les Saintes Écritures (cf. Gn 1-2) nous disent que famille, travail et jours fériés sont des dons et des bénédictions de Dieu pour nous aider à vivre une existence pleinement humaine. L’expérience quotidienne atteste que le développement authentique de la personne comprend tant la dimension individuelle, familiale et communautaire que les activités et les relations fonctionnelles, ainsi que l’ouverture à l’espérance et au Bien sans fin.»

Marie-Thérèse aspire au Bien éternel. À l’âge de onze ans, elle écrit dans son journal: «Les persécuteurs de l’Église périront tandis qu’elle ressuscitera glorieuse, et ce que nous ne recevons pas dans cette vie mortelle, nous le trouverons au Ciel si nous persévérons courageusement jusqu’à la mort.» À treize ans, elle rencontre son oncle le cardinal Mieczyslaw Ledochowski, emprisonné sous Bismarck, au cours du “Kulturkampf”, pour la foi catholique. Durant sa captivité à Ostrowo, il avait reçu une poésie de sa nièce qu’il encourage dans ses travaux littéraires. La jeune fille reste impressionnée par la belle et noble physionomie du prélat que les privations ont pourtant affaibli. À 15 ans, elle compose une revue mensuelle “Le Papillon” qui circule dans les cercles cultivés; cela lui vaut un certain succès mais aussi les critiques de ceux qui pensent qu’une jeune comtesse ne doit pas s’afficher en public. À 16 ans, elle accompagne son père dans un voyage en Pologne. C’est une joie d’autant plus grande qu’avec ses frères et sœurs, elle s’est beaucoup appliquée à apprendre la langue de la patrie de son père. Sur place, tout la ravit. Elle consigne ses impressions dans un petit livre: “Ma Pologne”. Mais bientôt elle contracte le typhus et doit rester alitée six semaines.

Un foyer agréable

En 1882, voulant retourner définitivement sur la terre de ses ancêtres, le comte fait l’acquisition du domaine agricole de Lipnica Murowana près de Cracovie. La nouvelle propriété se compose d’une maison de maître avec annexes, jardin, champs et forêts. Marie-Thérèse aide son père dans l’administration du domaine. Dorénavant, pour la jeune fille, les tâches matérielles, achat et vente du bétail, direction des travaux, surveillance du personnel, remplacent les beaux-arts; elle parvient rapidement à conduire un attelage avec dextérité. Julia fournit sa part du travail, et Wladimir, élève au Theresianum de Vienne, s’y consacrera dès la fin de ses études. Séfine fait de la ferme un foyer agréable. De nombreuses sorties dans le monde aristocratique de Cracovie rompent la monotonie des travaux agricoles. Toutes les portes sont ouvertes aux Ledochowski, et la compagnie des deux jeunes comtesses est fort appréciée. Leurs succès mondains, cependant, les laissent insatisfaites.

La foi des deux sœurs, source de leur liberté vis-à-vis des succès qu’elles rencontrent dans le monde, a été cultivée et développée dans le milieu familial. Dans sa première encyclique, le Pape François écrit: «Le premier environnement dans lequel la foi éclaire la cité des hommes est la famille. Je pense surtout à l’union stable de l’homme et de la femme dans le mariage… En famille, la foi accompagne tous les âges de la vie, à commencer par l’enfance: les enfants apprennent à se confier à l’amour de leurs parents. C’est pourquoi il est important que les parents cultivent en famille des pratiques communes de foi, qu’ils accompagnent la maturation de la foi de leurs enfants» (Lumen fidei, 5 juillet 2013, n. 52-53).

À 22 ans, Marie-Thérèse contracte la variole; on doit l’isoler pour éviter la contagion. Malgré le dévouement de sa mère, la présence d’une religieuse infirmière se révèle nécessaire. Bravant le danger, Julia est également très proche, et la relation des deux sœurs s’approfondit. Animée depuis longtemps du désir de devenir religieuse, Julia s’entretient volontiers de son dessein avec la sœur infirmière. «Moi aussi je veux faire quelque chose de grand pour le Bon Dieu!», s’exclame Marie-Thérèse. Cependant Séphine s’alarme à l’aspect du visage de sa fille, grêlé par la petite vérole. Elle fait retirer tous les miroirs. Mais un jour, elle en aperçoit un posé près du lit de la malade. Celle-ci devine l’appréhension de sa mère: «Cela ne fait rien, je sais depuis longtemps que je suis défigurée pour la vie.» Gagnée par l’émotion devant l’humilité héroïque de sa fille, madame Ledochowska se retire pour pleurer. Marie-Thérèse guérit de sa maladie, mais son père, atteint lui aussi, meurt quelque temps plus tard.

Dame de cour

La jeune fille devient alors dame d’honneur au ser vice de l’archiduchesse de Toscane, à Salzbourg. Paradoxalement, sa vie intérieure gagne en profondeur au milieu même de l’éclat d’une cour princière aux nombreuses distractions. Elle avait écrit à son oncle cardinal: «Je sais bien que la carrière que je vais entreprendre est aussi rude et pénible que son extérieur est brillant. Mais je puise du courage dans la conviction que Dieu ne me refusera pas son aide, tant que je garderai la ferme volonté et le désir sérieux de demeurer sa fidèle servante. Mais pour ne pas m’écarter du bon chemin, tes prières me sont plus nécessaires que jamais, cher oncle.» La vie luxueuse et pleine de divertissements de la cour est éprouvante par l’étiquette, l’assiduité et la ponctualité qui sont exigées. Cependant, Marie-Thérèse accompagne l’archiduchesse à la Messe quotidienne et se confesse chaque semaine. Lors d’un séjour à la cour de religieuses franciscaines missionnaires de Marie, elle est gagnée par un zèle ardent pour les âmes. Son attrait la porte vers les missions lointaines, mais sa santé précaire lui en interdit l’accès. Apprenant qu’une des franciscaines est une ancienne dame de cour qui a tout quitté pour soigner les lépreux à Madagascar, elle s’enthousiasme et entre dans le tiers-ordre franciscain.

Une amie protestante lui fait lire un jour une conférence du cardinal Lavigerie sur l’esclavage en Afrique et la croisade pour son abolition, demandant aux femmes d’Europe qui en ont le don d’écrire en faveur de cette cause. Marie-Thérèse, consciente de ses talents littéraires, perçoit là un appel de Dieu à servir les âmes déshéritées. Aussitôt, elle se met au travail et publie ses articles dans la tribune que lui offre un journal. Des lettres et des dons affluent en si grand nombre qu’elle songe à quitter la cour pour se consacrer uniquement à cette mission. Elle présente à Mgr Lavigerie un drame qu’elle a composé sous le pseudonyme d’Africanus: “Zaïda, la jeune fille noire”. Le cardinal s’enquiert de l’identité de l’auteur. «Sa condition lui interdit de se faire connaître», répond-elle. Lui portant alors un regard pénétrant, le Primat d’Afrique lui dit gravement: «Eh bien, mettez-vous à genoux, que je bénisse Africanus!»

En 1891, Marie-Thérèse obtient son congé de la cour et se consacre entièrement aux missions. Lors d’une cure de repos, elle est victime d’une agression de la part d’une personne mystérieuse, dont elle est libérée en invoquant saint Louis; elle en gardera toute sa vie pour séquelles des crises de migraine qu’elle appellera son “cher mal”. En dépit de l’incident, et à travers critiques et obstacles, elle édite sa propre revue: “L’Écho d’Afrique” et publie les récits des missions. Elle suscite, récolte et achemine aussi les dons des fidèles pour l’évangélisation. Vers cette époque, poussée par les circonstances, Marie-Thérèse forge ses premières armes dans la carrière oratoire. Elle est amenée à prendre la parole devant des évêques, mais elle donnera aussi des centaines de conférences dans toute l’Europe pour faire connaître l’œuvre et susciter la coopération.

Un don précieux

En 1894, avec l’aide des jésuites de Vienne, Marie Thérèse ébauche le plan d’une association appelée “Confrérie (“Sodalité”) de Saint-Pierre-Claver”. Le 29 avril, jour de son anniversaire, elle est reçue en audience par le Pape Léon XIII qui bénit l’entreprise. Bientôt, des volontaires rejoignent la Confrérie comme membres externes. Le 13 juin, elle retrouve Julia, devenue sœur Urzsula au couvent des Ursulines de Cracovie; elles assistent ensemble à la première Messe de leur frère Wladimir, devenu jésuite. En 1897, elle obtient la première approbation des constitutions d’un Ordre dévoué à la prière et à l’apostolat des missions au moyen de l’imprimerie. Cet Ordre religieux répond à un attrait personnel et permet d’assurer la stabilité et le dévouement que l’œuvre réclame. Les premières compagnes s’établissent dans un vallon à deux heures de marche de Salzbourg: la propriété de Maria Sorg. Marie-Thérèse choisit Notre-Dame du Bon Conseil pour Patronne céleste: «Nous vivons dans des temps d’inquiétude et d’activités fébriles, où trop facilement on se jette dans les bras de la prudence humaine… Dans notre pauvreté, nous désirons ardemment que ce don précieux de l’Esprit Saint, le don de Conseil, dirige toutes nos actions. Cependant, un tel don est une grâce qui ne nous sera accordée qu’à travers la prière. Et qui d’autre pourrions-nous mieux invoquer comme médiatrice que Marie, Mère du Bon Conseil?»

Cependant la vie religieuse ne s’improvise pas et la fondatrice fait appel à trois franciscaines missionnaires de Marie qui assurent pendant un an la formation des premières compagnes. Bientôt douze postulantes viennent apporter leur aide aux travaux agricoles et à ceux de l’imprimerie qui diffusera outre-mer catéchismes, syllabaires, livres de prières et tous les ouvrages en langue indigène nécessaires aux missionnaires. L’œuvre s’implantera dans plusieurs pays du vivant même de Mère Marie-Thérèse: Allemagne, Autriche, Pologne, Italie, Suisse, France, États-Unis. Ces établissements bénéficieront des relations que la Mère a liées durant sa jeunesse dans le monde aristocratique. En 1900, le cardinal Sarto, alors patriarche de Venise et bientôt Pape sous le nom de Pie X, invite la Confrérie dans son diocèse. En 1905, la maison généralice est définitivement installée à Rome près de Sainte-Marie-Majeure. La même année, l’œuvre s’établit en Angleterre, au Portugal et en Espagne où la reine Marie-Christine se souvenait de Marie-Thérèse qui avait été sa compagne de jeu durant son enfance.

Malgré la Grande Guerre, la Mère continue les envois de fonds en Afrique et y achemine quantité d’imprimés: 1500000 en 1915, 2700000 en 1916 et le double en 1917. Elle trouve son inépuisable énergie dans la prière personnelle devant le tabernacle: là tout semble disparaître pour elle, il ne reste plus que le Créateur et sa créature. Son labeur incessant lui coûte des efforts surhumains: «Il est tout à fait clair que le Bon Dieu me soutient d’une manière qui n’est pas naturelle, car mon état de santé est pitoyable et je ne devrais être capable de rien», confie-t-elle le 17 mai 1922. Cependant, peu après elle doit s’aliter; son frère Wladimir la visite tous les jours. Le 6 juillet au matin, la physionomie de la Mère s’illumine dans un céleste sourire qui semble dire qu’elle ne regrette rien de la folie qui l’a conduite à quitter une vie brillante et assurée pour travailler sans trêve en faveur des missions. Peu après, elle rend son âme à Dieu. Au seuil de la Seconde Guerre mondiale, les imprimeries de la “Mère de l’Afrique” avaient tiré 3000000 de livres en 160 langues indigènes. Aujourd’hui les sœurs missionnaires de Saint-Pierre-Claver forment 43 communautés présentes dans 23 pays, sur tous les continents.

Julia

Comme sa sœur Marie-Thérèse, Julia a bénéficié d’une éducation soignée qui lui a permis de rester fidèle à sa foi au milieu des séductions du monde. La conscience d’un tel bienfait l’a orientée vers la consécration de toute sa vie à Dieu dans l’éducation de la jeunesse. Elle avait perçu la beauté et la difficulté de cette œuvre dont le concile Vatican II devait mettre en relief le rôle primordial:

«Les hommes de n’importe quelle race, âge ou condition, possèdent, en tant qu’ils jouissent de la dignité de personnes, un droit inaliénable à une éducation, qui réponde à leur vocation propre… Le but que poursuit la véritable éducation est de former la personne humaine dans la perspective de sa fin ultime et du bien des sociétés dont l’homme est membre et au service desquelles s’exercera son activité d’adulte… Ils ont une belle mais lourde vocation, ceux qui secondent les parents dans l’accomplissement de leur devoir et, au nom de la communauté humaine, assument la charge de l’éducation dans les écoles; cette vocation requiert des qualités toutes spéciales d’esprit et de cœur, la préparation la plus soignée, une aptitude continuelle à se renouveler et à s’adapter» (Déclaration sur l’éducation chrétienne, 28 octobre 1965).

Avant de mourir, le comte Ledochowski avait consenti à l’entrée de sa fille Julia au couvent. En 1886, à l’âge de 21 ans, celle-ci se présente chez les ursulines de Cracovie et y reçoit le nom de Sœur Marie Urzsula de Jésus. Après sa formation, elle s’adonne à l’éducation des jeunes filles, puis devient supérieure en 1904; l’année suivante, elle ouvre le premier internat d’étudiantes polonaises qui entrent à l’université Jagellon. La mère Urzsula s’occupe aussi de la formation de jeunes polonaises venues de Russie. Un curé catholique de Saint-Pétersbourg l’appelle pour relever le pensionnat Sainte-Catherine qui périclite. En 1907, la Mère est officiellement envoyée en Russie par le Pape saint Pie X qui lui dit: «Prenez des habits roses si vous voulez, mais allez en Russie!» Elle s’établit donc à Saint-Pétersbourg avec quelques sœurs. Le gouvernement de Nicolas II ne tolérant pas la présence de religieuses catholiques, elles se présentent comme des laïques. La communauté s’accroît cependant et reçoit son autonomie canonique vis-à-vis des ursulines de Cracovie.

Les Ursulines grises

En 1914, à cause de la guerre, Mère Urzsula et ses compagnes sont expulsées du territoire russe. Elles se réfugient à Stockholm où la mère fonde “Le rayon de soleil”, une revue en suédois, l’une des neuf langues qu’elle parle couramment. De là, elle rayonne sur toute la Scandinavie: Suède, Danemark, Norvège, Finlande, fondant patronages, orphelinats, centres de retraite et, secrètement, un noviciat pour les vocations qui affluent. De retour à Cracovie en 1920, la mère sollicite de Rome la reconnaissance de sa communauté comme congrégation autonome. Par prudence, Benoît XV lui demande de rejoindre son couvent. La mère se soumet de bon cœur. Mais le Pape, apprenant qu’elle est guidée par son frère, devenu général des Jésuites, lui permet de poursuivre son œuvre. Elle obtient, le 23 juin 1923, l’approbation des constitutions de la nouvelle “Congré-gation apostolique des Ursulines du Cœur de Jésus agonisant” ou “Ursulines grises”. La spiritualité de cette congrégation est centrée sur la contemplation de l’amour rédempteur du Christ. Les sœurs participent à sa mission de salut par l’éducation, l’enseignement et le service des personnes souffrantes, délaissées, marginalisées, en quête du sens de la vie. «Sauver les âmes, les conduire à Jésus, leur faire connaître la bonté infinie de son Cœur, voilà l’idéal auquel nous devons nous consacrer», résume la Mère.

Peu de temps après, le Pape Pie XI appelle la Mère Urzsula à Rome où elle établira la maison généralice. Elle ouvre internats et maisons d’éducation pour jeunes filles, écrit et agit en faveur des jeunes, des pauvres et des femmes. Le Pape Jean-Paul II, qui a toujours eu pour cette habitante de Cracovie une grande dévotion, définira ainsi sa spiritualité: «Elle puisait dans l’amour de l’Eucharistie l’inspiration et la force pour la grande œuvre de l’apostolat… Elle écrivait aux Sœurs: “Le Très Saint Sacrement est le soleil de notre vie… Aimez Jésus dans le tabernacle! Que votre cœur y demeure pour toujours, même si matériellement vous êtes au travail”… À la lumière de cet amour, elle savait percevoir en chaque circonstance un signe des temps, pour servir Dieu et ses frères. Elle savait que pour celui qui croit, chaque événement, même le plus petit, devient une occasion pour réaliser les desseins de Dieu. Ce qui était ordinaire, elle le faisait devenir extraordinaire; ce qui était quotidien, elle le faisait devenir éternel; ce qui était banal, elle le rendait saint» (homélie du 18 mai 2003). Mère Urzsula meurt à Rome en 1939, assistée par son frère Wladimir. En 1989, son corps intact sera transféré à la maison mère de Pniewy. Les Ursulines grises comptent actuellement 786 sœurs réparties dans 14 pays sur 4 continents.

Aujourd’hui encore, l’Église nous invite à transmettre la foi et à prendre soin des plus pauvres. Que les sœurs Ledochowska nous obtiennent la grâce de nous tenir disponibles au service du Seigneur, elles qui ont su mettre en pratique son précepte: Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement (Mt 10, 8) !

Pour publier la lettre de l’Abbaye Saint-Joseph de Clairval dans une revue, journal, etc. ou pour la mettre sur un site internet ou une home page, une autorisation est nécessaire. Elle doit nous être demandée par email ou sur la page de contact.