15 octobre 2016

Saint Thomas d’Aquin

Bien chers Amis,

Vers 1244, au château de Roccasecca en Campanie, alors dans le royaume des Deux-Siciles, dame Théodora s’inquiète. Un serviteur lui a appris que son jeune fils, Thomas, alors étudiant à l’Académie impériale de Naples, vient de prendre l’habit noir et blanc d’une communauté nouvelle de mendiants, fondée tout récemment. Ce fils devait devenir le Seigneur Abbé du Mont-Cassin, et voilà qu’il quête son pain dans la rue comme un gueux. Toute la famille est déshonorée avec lui ! Pleine de ces pensées, la comtesse prend la tête d’une escorte qui part pour Naples au grand galop afin de le ramener à ses devoirs. En vain ! Il a déjà quitté la ville… Ce fils prodigue, qui semble menacer la renommée de sa famille, glorifiera le nom d’Aquin, car sa sainteté et sa science illumineront l’Église universelle jusqu’à nos jours.

Saint Thomas d’AquinThomas est né vers 1225, dernier enfant du comte Landolphe d’Aquin, apparenté à la famille impériale des Hohenstaufen, et de Théodora Théate, d’origine normande. La noble famille d’Aquin est vassale de l’empereur Frédéric II couronné par le Pape Innocent III. Raynald et Landulphe, les fils aînés, seront officiers impériaux jusqu’à la déposition du Hohenstaufen par Innocent IV, en 1245 ; tous deux mourront pour la défense de la papauté. Le comte ambitionne pour son dernier fils l’honorable position d’Abbé du Mont-Cassin ; aussi le confie-t-il au monastère bénédictin comme oblat, dès l’âge de cinq ans, pour y recevoir une éducation soignée. Peut-être Landolphe veut-il par là exprimer son repentir, car il avait, quelques années auparavant, participé à la destruction du monastère, sur l’ordre de l’empereur. Thomas suit la vie des moines avec émerveillement. Tout le marque en profondeur : le calme, la prière silencieuse, l’étude, l’office divin qui s’ouvre toujours ainsi : Deus in adjutorium meum intende (Dieu, viens à mon aide ! ). Une question jaillit dans l’esprit de l’enfant : qu’est-ce que Dieu ?

Transmettre aux autres

Mais de nouveau, Frédéric II menace le Mont-Cassin. On éloigne donc Thomas, qui a alors quinze ans, pour le faire étudier à Naples. Là, il rencontre des religieux pauvres, savants et pieux, membres de l’Ordre des Prêcheurs qui n’a cessé de se répandre depuis sa fondation par Dominique de Guzman, en 1216. Conquis par la pauvreté évangélique de cet Ordre et par son idéal qui consiste à transmettre aux autres les fruits de la contemplation (“contemplata aliis tradere”), Thomas demande à y prendre l’habit. Il a vingt ans. Sa droiture, la fermeté de sa volonté, autant que la pénétration de son intelligence et la fidélité exacte de sa mémoire font discerner en lui un sujet d’exception. L’Ordre accepte donc de l’agréger. Ses supérieurs, prévoyant une violente réaction familiale, l’envoient à Rome. Dame Théodora demande audience au Pape dans le dessein de récupérer son fils. Le Souverain Pontife tente en vain de l’en dissuader. Elle se tourne alors vers ses deux fils aînés, et leur ordonne de lui ramener leur frère. Bientôt, Raynald et Landulphe, ayant retrouvé leur frère, veulent le dépouiller de son habit. Mais ils ne peuvent avoir raison de sa haute taille et de son imposante stature. Ils le hissent sur un cheval qui part aussitôt pour le château Saint-Jean, véritable nid d’aigle, appartenant à la famille d’Aquin. Reclus, mais bien traité, Thomas endure tour à tour flatteries, menaces, promesses de la part de sa mère, puis de ses trois sœurs qui lui apportent ses repas avec mission de le distraire et de le convaincre d’abandonner son projet inouï. Ne reculant devant aucun expédient, les deux frères introduisent de nuit une prostituée dans la chambre du novice prisonnier. Thomas se lève, saisit dans l’âtre une bûche embrasée, et, le visage grave, marche résolument sur la pauvre fille qui s’enfuit terrifiée. Sur la porte qu’il vient de refermer, Thomas trace un grand signe de croix avec le tison qu’il replace ensuite calmement dans la cheminée. La tradition rapporte qu’il reçut ce soir-là l’assurance de la chasteté perpétuelle. La détention de Thomas devient alors moins stricte. Ses sœurs, qui l’aiment beaucoup, lui apportent une Bible – il la connaîtra par cœur –, quelques livres de théologie et de philosophie. Marrota, l’aînée, deviendra moniale bénédictine puis abbesse de l’abbaye Sainte-Marie de Capoue ; Adélasia et Théodora mèneront une sainte vie dans le mariage. Grâce à elles, Thomas reprend contact avec les Dominicains et, finalement, s’évade après plus d’un an de captivité.

Le “grand bœuf”

Vers 1245, Thomas accompagne à Paris le Maître de l’Ordre, Jean le Teutonique, pour y suivre les cours de théologie de saint Albert le Grand ; en 1248, il se rend à Cologne, où il sera ordonné prêtre. Les jeunes étudiants turbulents ne tardent pas à prendre Thomas, leur condisciple recueilli et studieux, pour cible de leurs railleries : ils le surnomment “le grand bœuf muet”. Le jeune dominicain n’est pourtant pas sans répartie. Un jour, des camarades l’appellent à la fenêtre : « Regardez, frère Thomas, un bœuf qui vole ! » Et tous de s’esclaffer quand il a la naïveté de venir voir. La réplique est cinglante : « Il me paraissait plus probable de voir un bœuf voler que des religieux mentir ! » Un étudiant se propose d’aider ce « grand bœuf » à saisir la leçon qui vient d’être donnée, mais lui-même finit par s’embrouiller dans ses explications. Thomas reprend alors doucement le discours de son maître de circonstance, identifie l’erreur et résume la question avec clarté, ouvrant des perspectives nouvelles à son condisciple. Ce dernier, confus mais admiratif, demande aussitôt à bénéficier de ses répétitions. La réputation de Thomas se répand peu à peu. Celui-ci se montre doux et aimable envers tous, bien qu’il semble souvent absorbé dans ses pensées. Maître Albert prophétise un jour, du haut de sa chaire : « Vous l’appelez le bœuf muet, et moi je vous dis que le mugissement de sa science ébranlera l’univers ! » Et il demande à frère Thomas d’exposer un point délicat du livre “Des Noms divins” attribué à Denys l’Aréopagite. S’étant préparé dans la prière, le frère donne une conférence lumineuse. « Vous parlez plus comme un maître enseignant, lui dit Albert, que comme un disciple interrogé. – Je ne vois vraiment pas comment m’y prendre autrement » , s’excuse modestement l’élève.

En 1252, Thomas est proposé, malgré son jeune âge, pour devenir maître à l’université de Paris. Après avoir commenté les prophètes Jérémie et Isaïe, il explique le “Livre des Sentences” de Pierre Lombard (théologien qui fut évêque de Paris en 1159-1160), manuel théologique de base dans les universités du Moyen-Âge. Il devient maître-régent au couvent Saint-Jacques en 1256 : Thomas, qui n’a pas les trente-cinq ans requis, argue de son âge pour repousser l’honneur qu’on lui fait, mais le recteur obtient un ordre formel de la hiérarchie dominicaine et le religieux accepte humblement. N’ayant pas de thème pour sa leçon inaugurale, il passe la nuit en prière ; un vénérable dominicain inconnu se présente à lui et l’engage à prêcher sur le verset 13 du psaume 103 [104] : Rigans montes de superioribus suis… (Dieu) irriguant les monts depuis ses hauteurs, la terre sera rassasiée du fruit du travail de ses mains. Thomas commente ce verset en expliquant que la sagesse du maître en théologie ne peut venir que de Dieu, qui la transmet par des intermédiaires : « Assurément, dit-il, personne ne saurait prétendre posséder par lui-même et de son propre fonds les aptitudes suffisantes pour remplir un tel ministère : mais cette aptitude, on peut l’espérer de Dieu ; Non que nous soyons capables par nous-même de penser quelque chose comme venant de nous-même, mais toute notre capacité vient de Dieu (2 Co 3, 5). Mais pour l’obtenir de Dieu, il faut la lui demander : Si quelqu’un de vous a besoin de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui donne à tous libéralement et sans rien reprocher, et elle lui sera donnée (Jc 1, 5). Prions le Christ qu’il daigne nous l’accorder. Amen. »

Mise en lumière

La tâche du maître en théologie consiste d’abord à commenter la Sainte Écriture, puis à discuter les questions difficiles en vue de les éclairer, enfin à prêcher devant le peuple et l’université assemblés. Dans presque toutes ses œuvres, saint Thomas utilise la méthode scolastique : une présentation complète et systématique de chaque problème, sans ignorer les diverses opinions en présence. La vérité est mise en lumière et dégagée des erreurs qui l’obscurcissent. Outre les conférences sur des thèmes précis, élaborés à partir d’échanges entre un maître et ses étudiants, sont aussi organisées des séances publiques où tous peuvent poser des questions sur n’importe quel sujet. Ces sessions sont redoutables car des maîtres concurrents s’appliquent souvent à mettre l’orateur en difficulté.

La fécondité littéraire de Thomas d’Aquin est impressionnante. En plus de ses cours et prédications, il rédige beaucoup d’autres œuvres à la demande de frères, d’évêques, voire du Pape, ou simplement à titre d’étude personnelle. L’organisation et la lucidité d’esprit du saint, jointes à une faculté de concentration peu ordinaire, lui permettent de dicter parfois simultanément à quatre secrétaires des ouvrages très différents. Loin de tirer vanité de ses capacités, Thomas les met au service de la connaissance de Dieu et de son dessein sur la création. Pour lui, la théologie tire toute sa raison d’être de la question du salut éternel, fin ultime de la vie de l’homme. Celle-ci consiste en la vision de Dieu dans l’éternité ; elle dépasse totalement les capacités naturelles de l’homme. Ce dernier est donc tributaire d’une lumière plus haute que celle de la simple raison humaine : il a besoin de la lumière divine pour découvrir la route qui conduit au but ultime, mais également pour mieux connaître la vérité des choses de ce monde. La doctrine révélée qui nous donne cette lumière et nous renseigne sur la question capitale et décisive pour notre vie, le salut éternel, est plus importante que tout autre savoir humain ; on la nomme théologie, c’est-à-dire science des choses divines.

Une persécution ouverte de la part des maîtres séculiers de l’université ne tarde pas à troubler l’activité studieuse de Thomas. Guillaume de Saint-Amour et Siger de Brabant publient un libelle qui attaque les Ordres dits mendiants (Dominicains et Franciscains), car leurs membres attendent leur subsistance de la générosité des fidèles, tout leur temps étant pris par l’étude et l’enseignement des sciences sacrées. La jalousie apparaît bientôt dans cette attaque contre des religieux dont la réputation de science ne fait que croître. Entravé dans sa carrière professorale par les menées de ces ambitieux, Thomas les souffre avec humilité et douceur. Mais un jour vient où la légitimité de l’Ordre dominicain et son droit d’enseigner sont mis en cause devant le Pape. Thomas est alors chargé par ses supérieurs de les défendre. Après avoir longuement prié, il analyse “Le traité des périls des derniers temps” de Guillaume de Saint-Amour, ouvrage non exempt de fiel, de fausseté et de perfidie, et publie sa réponse dans le “Contra impugnantes” (“Réfutation de ceux qui attaquent le culte dû à Dieu et la vie religieuse”). Il montre d’abord que l’enseignement de la théologie est une œuvre de miséricorde car elle indique à l’homme la voie du salut éternel, et peut donc faire l’objet de la fondation d’un Ordre religieux ; puis il soutient la licéité de la mendicité pour cet Ordre, car elle permet de suivre le Christ de plus près. Guillaume sera finalement condamné par le Pape et exclu de l’université. Si Thomas ne transige jamais avec la vérité, il garde toujours envers ses contradicteurs une grande courtoisie et une parfaite maîtrise de soi. Il reste d’ailleurs reconnaissant envers eux car il estime « qu’il n’y a pas de meilleur moyen pour révéler la vérité et tenir l’erreur en échec que d’argumenter avec des gens qui ne sont pas d’accord avec vous. »

Un saint décrit par un saint

Saint Thomas est officiellement admis dans le corps des maîtres de l’université de Paris en 1257, en compagnie de saint Bonaventure, son confrère franciscain et son ami. Les deux saints s’estiment grandement. Lors d’une visite que Thomas rend à Bonaventure, il le trouve comme en extase, absorbé par la rédaction de la vie de saint François. Se retirant aussitôt, il murmure à un frère qu’il croise : « Laissons un saint écrire la vie d’un saint ! » Dans les difficultés qu’il rencontre, Thomas recourt à la prière. Il a composé plusieurs prières pour demander la lumière de Dieu dans le travail intellectuel, et commence toujours par implorer l’Esprit de Dieu avant de se mettre à l’ouvrage. Son confrère, collaborateur et confident, Réginald de Piperno, rapporte qu’après avoir jeûné et prié plusieurs jours face à une difficulté dans l’explication d’un passage du prophète Isaïe, Thomas reçoit la solution au cours d’une apparition des saints Pierre et Paul. Il dicte alors son commentaire avec la même aisance que s’il le lisait dans un livre. Il arrive régulièrement à Thomas d’être appliqué avec tant d’intensité aux vérités qu’il recherche ou contemple qu’il semble étranger aux réalités qui l’entourent. Pour cette raison, on confie au frère Réginald le soin de la vie matérielle de Thomas. Celui-ci revient, un jour, de Saint-Denis à Paris avec des disciples ; le groupe contemple la capitale du royaume de France avec sa merveilleuse cathédrale gothique récemment achevée : « Que feriez-vous, demande-t-on au maître, si le roi vous donnait l’empire de cette belle ville ? » Après un instant de silence, l’intéressé répond : « Je préfèrerais disposer du manuscrit de saint Jean Chrysostome sur l’Évangile de saint Matthieu ! »

Durant cette période où il vit à Paris, Thomas commence la rédaction de sa première synthèse théologique, le “Contra gentiles” (“Contre les païens”). L’œuvre présente d’une manière apologétique le dogme catholique aux non-chrétiens, et elle demeure aujourd’hui une référence pour le dialogue avec eux. À défaut d’une référence commune prise dans la Sainte Écriture, comme c’est le cas avec les juifs ou les chrétiens, l’argumentation est plus difficile, affirme Thomas ; avec les non-croyants, il faut recourir à la seule raison, dont tous les hommes sont dotés. Benoît XVI faisait remarquer, lui aussi : « Dans la perspective morale chrétienne, il existe une place pour la raison, qui est capable de discerner la loi morale naturelle. La raison peut la reconnaître en considérant ce qu’il est bon de faire et ce qu’il est bon d’éviter pour atteindre le bonheur qui tient au cœur de chacun, et qui impose également une responsabilité envers les autres, et donc, la recherche du bien commun. En d’autres termes, les vertus de l’homme, théologales et morales, sont enracinées dans la nature humaine. La grâce divine accompagne, soutient et pousse l’engagement éthique, mais, en soi, selon saint Thomas, tous les hommes, croyants et non-croyants, sont appelés à reconnaître les exigences de la nature humaine exprimées dans la loi naturelle, et à s’inspirer d’elle dans la formulation des lois positives, c’est-à-dire des lois émanant des autorités civiles et politiques pour réglementer la coexistence humaine » (Benoît XVI, audience du 16 juin 2010).

Théologie et poésie

En 1259, Thomas est envoyé en Italie, où il donne des cours dans les couvents et les universités, tout en poursuivant son intense activité littéraire. On le trouve à Orvieto, Anagni, Viterbe, Rome. En 1263, il compose, à la demande du Pape Urbain IV, le splendide office de la fête du Très Saint Sacrement, qui comprend les textes de la Messe et de la liturgie des Heures. Il est encore utilisé de nos jours dans la liturgie romaine. On y trouve la séquence Lauda Sion où le saint expose, formulé avec autant de précision que de poésie, l’essentiel de la théologie de l’Eucharistie. L’office des Vêpres contient l’hymne Pange lingua dont les deux dernières strophes forment le Tantum ergo chanté lors du salut du Très Saint Sacrement.

Thomas entreprend aussi l’explication des traités d’Aristote, nouvellement traduits par un confrère. Il s’agit pour lui de remettre en valeur les vérités découvertes par ce philosophe grec du ive siècle avant Jésus-Christ, et de léguer à la postérité des outils qu’il juge indispensables à l’élaboration d’une bonne théologie. « Montrer l’indépendance entre la philosophie et la théologie et, dans le même temps, leur relation réciproque, a été la mission historique du grand maître, expliquait le Pape Benoît XVI. Et on comprend ainsi que, au xixe siècle, alors que l’on déclarait avec force l’incompatibilité entre la raison moderne et la foi, le Pape Léon XIII ait indiqué saint Thomas comme guide dans le dialogue entre l’une et l’autre. Dans son travail théologique, saint Thomas suppose et concrétise cette relation. La foi consolide, intègre et illumine le patrimoine de vérité acquis par la raison humaine. La confiance que saint Thomas accorde à ces deux instruments de la connaissance – la foi et la raison – peut être réduite à la conviction que toutes deux proviennent de l’unique source de toute vérité, le Logos divin (le “Verbe” de Dieu), qui est à l’œuvre aussi bien dans le domaine de la création que dans celui de la rédemption » (ibid.).

2669 articles

En 1265, saint Thomas commence à rédiger la “Somme de Théologie”, ouvrage monumental de 2669 articles, qui réalise une synthèse magistrale de la science théologique appuyée sur une solide philosophie réaliste. S’appuyant sur saint Thomas, Benoît XVI affirme : « À travers la Révélation, Dieu lui-même nous a parlé et nous a donc autorisés à parler de Lui. Je considère qu’il est important de rappeler cette doctrine. En effet, celle-ci nous aide à surmonter certaines objections de l’athéisme contemporain, qui nie que le langage religieux soit pourvu d’une signification objective, et soutient au contraire qu’il a uniquement une valeur subjective ou simplement émotive. Cette objection découle du fait que la pensée positiviste (doctrine qui se réclame de la seule connaissance des faits, de l’expérience scientifique) est convaincue que l’homme ne connaît pas l’être, mais uniquement ce qui peut être expérimenté. Avec saint Thomas et avec la grande tradition philosophique, nous sommes convaincus qu’en réalité, l’homme ne connaît pas seulement ce qui est objet des sciences naturelles, mais connaît quelque chose de l’être lui-même, par exemple, il connaît la personne, le “toi” de l’autre, et non seulement l’aspect physique et biologique de son être » (ibid.).

Entre 1269 et 1272, Thomas effectue sa seconde régence à l’université de Paris. Il fait face avec succès à d’ultimes attaques des maîtres séculiers contre les religieux mendiants. Frère Thomas est ensuite envoyé à Naples afin d’y implanter un nouveau couvent d’études. Là, des témoins le surprennent à l’église, élevé au-dessus de terre. Une voix venant du crucifix, déclare : « Tu as bien écrit de moi, Thomas, que désires-tu en récompense ? » La réponse jaillit tout droit du cœur du saint : « Vous seul, Seigneur ! »

Le 6 décembre 1273, à la suite d’une grâce mystique, Thomas décide, par humilité, de cesser d’écrire et d’enseigner. Le Pape l’envoie pourtant au deuxième concile œcuménique de Lyon. En route, Thomas tombe malade et on le transporte à l’abbaye cistercienne de Fossanova où, à la demande des moines, il donne encore un commentaire sur le Cantique des cantiques. Quand Réginald le félicite pour ses écrits, Thomas répond : « Videtur mihi ut palea. – Après les réalités célestes que j’ai contemplées, cela m’apparaît comme de la paille ! » Au moment de recevoir le Viatique, il s’écrie : « Je vous reçois en la sainte Communion, ô prix infini de la rédemption de mon âme ; ô Vous pour l’amour de qui j’ai étudié, veillé, travaillé ; ô Vous que j’ai prêché et enseigné ! Je n’ai jamais rien dit volontairement contre votre vérité, et d’ailleurs je ne m’obstine pas dans mes pensées. Si donc il m’est arrivé de commettre quelque erreur envers ce sacrement, j’abandonne tout à la correction de la sainte Église romaine, dans l’obéissance de laquelle je quitte maintenant cette vie. » Thomas d’Aquin meurt le 7 mars 1274.

Si saint Thomas a tant écrit et enseigné, ce fut pour communiquer aux autres les fruits de sa contemplation, et pour les inciter à la plus belle entreprise qui soit à la mesure du cœur de l’homme : la recherche de Dieu.

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