6 août 2002
Saint Michel Garicoïts
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
L’éducation exerce habituellement une influence décisive sur l’orientation de toute la vie, comme le montre l’histoire d’un saint du pays basque. «Dès son plus jeune âge, saint Michel Garicoïts a entendu l’appel du Seigneur à le suivre dans le sacerdoce. La maturation de sa vocation et la disponibilité dont il a fait preuve sont liées à l’attention de ses parents, à leur amour et à l’éducation morale et religieuse qu’il a reçue, particulièrement grâce aux soins attentifs de sa mère. Dans sa démarche spirituelle, sa famille a donc une place importante… Grâce à elle, le jeune Michel a appris à se tourner vers le Seigneur, à être fidèle au Christ et à son Église. En notre temps où les valeurs conjugales et familiales sont souvent bafouées, la famille Garicoïts demeure un exemple pour les couples et pour les éducateurs, qui ont la responsabilité de transmettre le sens de la vie et de faire percevoir la grandeur de l’amour humain, ainsi que de faire naître le désir de rencontrer et de suivre le Christ» (Jean-Paul II, 5 juillet 1997).
Scélérat ou saint?
Michel, l’aîné de six enfants, vit le jour à Ibarra, petit village du diocèse de Bayonne, le 15 avril 1797, d’Arnaud Garicoïts et de Gratianne Etchéverry. La foi de cette famille pauvre a été affermie par les épreuves de la Révolution. Bien des prêtres, traqués par les révolutionnaires, se sont réfugiés chez les Garicoïts avant d’être discrètement conduits par Arnaud en Espagne. Michel n’est pas né saint; le péché originel nous atteint tous. Il dira plus tard: «Sans ma mère, je serais devenu un scélérat». D’un tempérament volcanique, d’une force physique supérieure à la moyenne, il est volontiers batailleur et violent. Il n’a que quatre ans lorsqu’il entre chez un voisin et lance une pierre sur une femme suspectée d’avoir fait du mal à sa mère, avant de s’enfuir à toutes jambes. À l’âge de cinq ans, il dérobe à un marchand ambulant un paquet d’aiguilles: «Lorsque ma mère me le vit entre les mains, avouera-t-il, elle me fit une leçon bien forte». En d’autres occasions elle dut de nouveau intervenir pour faire restituer des objets dérobés. «Je n’avais que sept ans, rapporte-t-il encore, lorsque j’arrachai une belle pomme à mon frère plus jeune de deux ans. Je croyais certainement ne faire aucun mal; mais sur sa réflexion: «Serais-tu content qu’on fasse ainsi pour toi?», je me mordis les lèvres, et la pensée qu’il ne faut pas faire ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fasse me frappa si fort, que ce fait et toutes ses circonstances ne se sont jamais effacés de ma mémoire».
Pour corriger le tempérament difficile de son fils, Gratianne ne l’accable pas de longs discours, mais, d’une façon toute simple, elle le tourne, à partir du monde visible, vers le monde invisible. Devant les flammes qui ronflent dans le foyer de la cuisine, elle lui dit: «Mon fils, c’est dans un feu bien plus terrible que Dieu jettera les enfants qui font le péché mortel». L’enfant en tremble de tous ses membres, mais il en tire une saine leçon sur les fins dernières ainsi qu’une vive horreur du péché. Cependant, plus souvent que l’enfer, c’est le Ciel qui revient dans les remarques de sa mère. Un beau jour, souhaitant monter au Ciel au plus tôt, Michel s’imagine que du haut de la colline sur laquelle paît son troupeau, il y parviendra facilement. Après une dure montée, il s’aperçoit que le ciel est toujours aussi haut, mais qu’il semble toucher un autre sommet, plus élevé; et le voilà parti pour cette colline plus éloignée. Et ainsi, de colline en colline, il se perd et doit passer la nuit à la belle étoile. Le lendemain, il retrouve son chemin, réussit à rassembler son troupeau et regagne le foyer paternel. Nul ne lui reproche sa fugue enfantine, mais il garde profondément en son coeur le désir du Ciel.
En 1806, Michel est mis à l’école du village; son intelligence vive et sa mémoire sûre lui obtiennent rapidement le meilleur rang. Mais dès 1809, son père le place comme domestique dans une ferme pour y gagner quelque argent. Lorsqu’il sort le troupeau, Michel emporte toujours avec lui un livre pour s’instruire. Il apprend ainsi la grammaire et le catéchisme. Deux ans plus tard, une grande inquiétude envahit son âme: il n’a pas encore fait sa première communion. Il obtient au bout de quelques mois la permission de recevoir Jésus. La soif de l’Eucharistie habitera désormais son âme; devenu prêtre, il écrira: «C’est le Dieu fort: sans Lui, mon âme languit, elle a soif… C’est le Dieu vivant: sans Lui, je meurs… Je pleure nuit et jour quand je me vois éloigné de mon Dieu… (cf. Ps 41, 4)»
Michel songe à la vocation. Peu à peu, il s’enflamme à la pensée de devenir prêtre. De retour chez ses parents, en 1813, il avoue sa détermination. Mais il se heurte à un refus, la pauvreté de la famille ne permettant pas de subvenir aux frais occasionnés par les études. Le jeune homme recourt alors à sa grand-mère qui, après avoir convaincu les parents, parcourt à pied une vingtaine de kilomètres pour se rendre à Saint-Palais où se trouve un curé qu’elle connaît bien. Elle obtient de celui-ci qu’il accueille Michel auprès de lui et le laisse suivre les cours du collège. Au presbytère, le jeune étudiant connaît une vie rude: il doit assurer de nombreuses tâches domestiques tout en s’adonnant aux études. Mais, au prix d’un acharnement héroïque, bien dans son tempérament, étudiant sans cesse, sur les chemins, en mangeant, et aussi durant une partie de ses nuits, il parvient à d’excellents résultats. Il devient l’ami d’un pieux jeune homme qui devait mourir prématurément, Évariste. «Dieu, dira-t-il plus tard à son sujet, lui communiquait des lumières supérieures à toute la science des théologiens. Il joignait à un degré admirable le recueillement et l’union intime avec Dieu, avec les manières les plus aimables et les procédés les plus charitables à l’égard du prochain». Après trois ans à Saint-Palais, Michel est envoyé à Bayonne où il rendra des services à l’évêché tout en poursuivant de solides études à l’école Saint-Léon. Les efforts qu’il déploie pour vaincre son tempérament et se dévouer au prochain opèrent en lui une transformation notable. Il rapporte lui-même un trait de sa conduite: «À l’évêché, j’avais souvent à subir la mauvaise humeur de la cuisinière; je m’en vengeais en nettoyant gaiement les marmites et les casseroles; et elle finit par employer ses loisirs et ses soins à coudre mes mouchoirs et à blanchir mon linge».
Esprit lent mais profond
En 1818, Michel entre au Petit Séminaire d’Aire-sur-l’Adour, puis, l’année suivante, au Grand Séminaire de Dax. Ses professeurs jugent d’abord son esprit lent; mais bientôt ils se rendent compte qu’il va au fond de toutes les questions et répond toujours d’une manière pertinente. Le diocèse de Bayonne avait alors coutume d’envoyer à Paris, au séminaire Saint-Sulpice, quelques sujets d’élite qui y recevaient une formation plus poussée. À l’unanimité, Michel est désigné pour cette faveur. Mais au dernier moment, l’évêque, craignant à juste titre de le perdre pour le diocèse, le retient à Dax. En 1821, on lui confie la responsabilité de professeur au Petit Séminaire de Larressore; là, durant les temps libres que lui laissent ses cours, il continue ses études de théologie. Enfin, le 20 décembre 1823, il est ordonné prêtre.
Au début de l’année 1824, Michel est nommé vicaire à Cambo. Le curé de la paroisse, âgé et paralysé, laisse au jeune vicaire toute la charge du ministère. Celui-ci dira, en riant: «Si l’on m’a choisi pour être ici, c’est sans doute à cause de mes fortes épaules!» L’abbé Garicoïts gagne en peu de temps les coeurs de ses paroissiens. Ses prédications claires et à la portée de tous, animées par l’amour de Dieu et du prochain, attirent à l’église plus d’un de ses compatriotes qui en avait oublié le chemin. Sa réputation se répand dans tout le pays basque et il passe des journées entières au confessionnal, quitte à se priver de repas. Il s’occupe personnellement du catéchisme des enfants, persuadé que la mission du prêtre est d’enseigner les éléments de la doctrine chrétienne, et qu’un bon catéchisme demeure, pour beaucoup d’hommes, le principal souvenir chrétien à l’heure de la mort. Son tempérament vigoureux lui permet de s’adonner à de nombreuses pénitences; cependant, les jours de fête, il se mêle aux joies de la population et assiste aux parties de pelote basque. Puis, il se retire à l’église pour prier longuement devant le Très Saint-Sacrement.
À la fin de 1825, Michel Garicoïts est nommé professeur de philosophie au Grand Séminaire de Bétharram; il en devient aussi l’économe. L’état tant matériel que spirituel du Séminaire est fort médiocre. Les bâtiments, accolés à une colline, sont très humides. La discipline, la ferveur spirituelle et la marche des études laissent à désirer, le Supérieur, presqu’octogénaire, n’ayant plus la force de gouverner la maison. L’abbé Garicoïts est envoyé à Bétharram pour tenter un redressement devenu nécessaire et urgent. Sa tâche n’est pas facile, mais ses qualités morales lui assurent une audience importante parmi les séminaristes, et lui permettent de réaliser peu à peu une saine réforme. En 1831, le Supérieur du Séminaire rend son âme à Dieu, et l’abbé Garicoïts est nommé à sa place. Toutefois, cette même année, l’Évêque décide de transférer le Séminaire à Bayonne, où il envoie en premier lieu les étudiants en philosophie. Bientôt, le nouveau Supérieur de Bétharram se retrouve seul dans les grands bâtiments vides. Mais la joie et l’humour ne le quittent pas…
Faire le bien et attendre
Les bâtiments du Séminaire de Bétharram jouxtent un sanctuaire consacré à la Sainte Vierge depuis le XVIe siècle, où beaucoup de miracles se sont produits. Des foules de toute la contrée, mais aussi des pèlerins de régions lointaines y viennent honorer la Mère de Dieu. L’abbé Garicoïts profite de sa disponibilité pour s’adonner à un apostolat abondant et fécond au moyen de la confession et de la direction spirituelle. Sa sollicitude s’étend aux religieuses du couvent d’Igon qu’il visite plusieurs fois par semaine. À quatre kilomètres de Bétharram, cette maison religieuse abrite une communauté de Filles de la Croix, membres d’une Congrégation vouée à l’apostolat en milieu populaire, récemment fondée par sainte Élisabeth Bichier des Ages. Les contacts de l’abbé Garicoïts avec les Soeurs lui permettent d’apprécier les avantages spirituels de la vie religieuse et sa force apostolique. Rempli d’admiration pour saint Ignace de Loyola et ses Exercices spirituels, il souhaite devenir Jésuite. En 1832, il fait une retraite chez les Pères Jésuites, à Toulouse. À l’issue de celle-ci, le Père qui le dirige lui affirme: «Dieu vous veut plus que Jésuite… Vous suivrez votre première inspiration, que je crois venue du Ciel, et vous serez le père d’une famille religieuse qui sera notre soeur. En attendant, Dieu veut que vous restiez à Bétharram, en continuant les ministères que vous y remplissez. Faites-y le bien et attendez».
L’abbé Garicoïts reprend donc son travail habituel, sans abandonner l’idée de former une communauté religieuse vouée surtout à l’enseignement, à l’éducation, à la formation religieuse du peuple ouvrier et paysan, mais aussi à toutes sortes de missions. Dans ce but, il s’adjoint trois prêtres. L’évêque accorde à cette petite communauté les privilèges des Missionnaires diocésains qui existent déjà à Hasparren, à l’autre extrémité du diocèse. Peu à peu, la communauté s’accroît de novices destinés au sacerdoce et de Frères coadjuteurs. À Bétharram, le Père Garicoïts crée une «mission» perpétuelle pour assurer le service du sanctuaire, recevoir et confesser les pèlerins, diriger des retraites. Au cours de celles-ci, il met entre les mains de ses retraitants le livre des «Exercices spirituels» de saint Ignace. S’inspirant du «Principe et Fondement» formulé par saint Ignace: «L’homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu, notre Seigneur, et ainsi sauver son âme», il affirme: «Posséder Dieu éternellement est le souverain bien de l’homme. Son souverain mal, c’est la damnation éternelle. Voilà deux éternités. La vie présente est comme un chemin que nous pouvons faire aboutir à l’une ou à l’autre de ces deux éternités que nous voudrons».
Quel emploi!
Saint Michel Garicoïts avait foi, avec toute l’Église, en l’existence de l’enfer. «L’enseignement de l’Église, rappelle le Catéchisme de l’Église Catholique, affirme l’existence de l’enfer et son éternité. Les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel descendent immédiatement après la mort dans les enfers, où elles souffrent les peines de l’enfer, «le feu éternel»» (CEC 1035). Bien souvent, dans l’Évangile, Jésus nous met en garde contre l’enfer. Au jour du jugement général, il s’adressera à ceux qui seront à sa gauche pour leur dire: «Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges»… Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle (Mt 25, 41-46). Ces paroles de la Vérité même ne peuvent nous tromper; il y aura donc, ce jour-là, des réprouvés, perdus par leur propre faute pour toujours. C’est pourquoi le zèle du Père Garicoïts pour le salut des âmes lui inspirait des paroles embrasées d’amour: «Travailler au salut et à la perfection propres, au salut et à la perfection du prochain, c’est notre élément, dit-il à ses prêtres. Nous y employer tout entiers, pour nous, c’est vivre; nous y employer négligemment, c’est languir; ne point nous y employer, c’est la mort. Travailler à éviter l’enfer, à gagner le ciel, à sauver des âmes qui ont tant coûté à Notre-Seigneur, que le démon cherche tant à perdre, quel emploi! Ne demande-t-il pas tous nos soins? Peut-on craindre de trop faire? Ferons-nous jamais assez? Nous ne ferons jamais autant que le démon et le monde en font pour les perdre».
Mais le «Saint de Bétharram» n’oublie aucun aspect de la Vérité révélée. Il connaît l’immensité de la miséricorde divine pour ceux qui veulent bien la recevoir. Visitant un criminel condamné à mort, il lui affirme d’emblée: «Mon ami, vous êtes en belle position; jetez-vous dans le sein de la miséricorde divine avec une entière confiance. Dites: «Mon Dieu, ayez pitié de moi!» et vous êtes sauvé!» Il disait encore: «Si, un beau jour, je me trouvais en danger de perdre la vie entre Bétharram et Igon et que je me visse chargé de péchés mortels, sans secours, sans confesseur, je me jetterais à corps perdu entre les bras de la miséricorde divine et je me croirais en très belle position».
La tendresse partout
Un de ses religieux écrit de lui: «Il était aussi pénétré et convaincu de la bonté de Dieu que de la misère de l’homme. Il ne pouvait pas plus comprendre le sentiment de défiance envers Dieu que la présence de l’orgueil dans le coeur de l’homme». Michel Garicoïts puisait sa douceur dans la contemplation de Jésus: «Que nous prêche Notre-Seigneur? La tendresse partout: dans l’Incarnation, la sainte Enfance, la Passion, dans le Sacré-Coeur, sur toute sa personne intérieure et extérieure, dans ses paroles, dans ses regards… Qu’est-ce qui doit constituer le principal caractère de notre vie spirituelle? La tendresse chrétienne. Sans cette tendresse, nous ne posséderons jamais cet esprit de générosité avec lequel nous devons servir Dieu. Elle est aussi nécessaire à notre vie intérieure et à nos rapports avec Dieu qu’à notre vie extérieure et à nos rapports avec les hommes. Quel est le don du Saint-Esprit qui a pour objet spécial de conférer cette tendresse? Le don de Piété».
Au XIXe siècle, dans le monde catholique français, prenait corps l’idée que pour rechristianiser la France, après la Révolution, il était nécessaire de rechristianiser l’école. Persuadé de cette nécessité, le Père Garicoïts ouvre, en novembre 1837, une école primaire à Bétharram, non sans l’opposition de quelques membres de sa communauté qui souhaitent réserver aux missions toutes les forces disponibles. Cependant, le succès est immédiat: les élèves sont bientôt au nombre de deux cents. Pour notre Saint, éduquer c’est «former l’homme et le mettre en état de fournir une carrière utile et honorable dans sa condition, et ainsi préparer l’éternelle vie, en élevant la vie présente… L’éducation intellectuelle, morale et religieuse est l’oeuvre humaine la plus haute qui se puisse faire; c’est la continuation de l’oeuvre divine dans ce qu’elle a de plus noble et de plus élevé, la création des âmes… L’éducation imprime la beauté, l’élévation, la politesse, la grandeur. C’est une inspiration de vie, de grâce et de lumière». Encouragé par la transformation merveilleuse qu’il constate chez les élèves, le fondateur ouvre ou reprend, au fil des ans, plusieurs écoles dans la région.
Sensible aux attaques des ennemis de la religion, et désireux de défendre celle-ci, Michel Garicoïts s’emploie à éclairer les âmes par une formation doctrinale sérieuse; il consacre notamment du temps à l’apologétique, exposé des vérités qui étayent notre foi. «La foi en un Dieu qui se révèle, trouve un soutien dans les raisonnements de notre intelligence. Quand nous réfléchissons, nous constatons que les preuves de l’existence de Dieu ne manquent pas. Ces preuves ont été élaborées sous forme de démonstrations philosophiques selon l’enchaînement d’une logique rigoureuse. Mais elles peuvent revêtir aussi une forme plus simple et, comme telles, elles sont accessibles à tout homme qui cherche à comprendre ce que signifie le monde qui l’entoure» (Jean-Paul II, 10 juillet 1985)1. Le «Directoire pour la catéchèse», publié par la Congrégation pour le Clergé, en 1997, affirme: «Une bonne apologétique, qui favorise le dialogue entre la foi et la culture, est aujourd’hui indispensable».
En 1838, l’abbé Garicoïts demande à son évêque de pouvoir suivre avec ses compagnons les Constitutions des Jésuites. Mgr Lacroix accepte provisoirement, puis remet aux Pères, qui s’appelleront désormais «Prêtres auxiliaires du Sacré-Coeur de Jésus», une nouvelle Règle qu’il a élaborée pour eux. Mais ce texte est très déficient: les voeux n’y sont pas reconnus dans toute leur force; l’évêque se réserve des fonctions qui devraient revenir au Supérieur… Dans son humilité profonde et son obéissance, le Père Garicoïts se soumet cependant sans la moindre réserve. Toutefois, certaines dispositions défectueuses de la nouvelle Règle causent au sein de la communauté des dissensions dont le Fondateur aura à souffrir jusqu’à la fin de sa vie. Ce dernier représente de nombreuses fois à son évêque l’incohérence de la situation, mais sans succès. Revenant un jour d’une entrevue avec Mgr Lacroix, il avoue, d’un ton ému: «Que l’enfantement d’une Congrégation est chose laborieuse!» Il faudra attendre la mort du Fondateur et les années 1870 pour que la nouvelle Congrégation parvienne à s’établir selon les vues du Père Garicoïts.
«En avant! Jusqu’au Ciel!»
À l’occasion de ses voyages à Bayonne pour rencontrer son évêque, le Père Garicoïts se rend parfois chez ses vieux parents. Il y arrive vers le soir, soupe et passe la plus grande partie de la nuit à causer avec son père, lui témoignant la plus vive tendresse et allant jusqu’à fumer en utilisant une des pipes du vieillard. Il reprend ensuite son activité débordante, se partageant entre sa Congrégation, les Soeurs d’Igon, les écoles, les missions et la direction des âmes. Vers 1853, sa santé si robuste commence à fléchir et une attaque de paralysie l’arrête momentanément. En 1859, nouvelle attaque; il s’en remet comme par miracle, et rassure les siens: «Soyez tranquilles, nous irons encore, tant que le Bon Dieu voudra». Durant le carême de 1863, une crise particulièrement grave fait présager sa fin prochaine. Toujours enthousiaste, il s’écrie devant les Soeurs d’Igon: «Allons! En avant! Jusqu’au Ciel! Il faut aller au Paradis!» Le 14 mai de cette même année, jour de l’Ascension, il s’éteint en murmurant: «Ayez pitié de moi, Seigneur, dans votre grande miséricorde».
«Père, me voici!» Voilà le cri qui débordait du coeur de saint Michel Garicoïts: «C’est un Père que Dieu, disait-il, il faut finir par se rendre à son amour, il faut lui répondre: «Me voici!» À l’instant, il soulèvera son enfant du berceau de sa misère et lui prodiguera tous ses embrassements». Telle est la grâce que nous demandons à saint Joseph et à saint Michel Garicoïts pour vous et tous ceux qui vous sont chers.
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