10 février 2016
Saint Antoine de Padoue
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
Saint Antoine de Padoue, appelé aussi Antoine de Lisbonne, en référence à sa ville natale, est l’un « des saints les plus populaires de toute l’Église catholique, vénéré non seulement à Padoue, où s’élève une splendide basilique qui conserve sa dépouille mortelle, mais dans le monde entier. Les images et les statues qui le représentent avec le lys, symbole de la pureté, ou avec l’Enfant-Jésus…, en souvenir d’une apparition miraculeuse mentionnée par certaines sources littéraires, sont chères aux fidèles. Antoine a contribué de façon significative au développement de la spiritualité franciscaine, avec ses dons marqués d’intelligence, d’équilibre, de zèle apostolique et principalement de ferveur mystique » (Benoît XVI, audience générale du 10 février 2010).
Le futur saint Antoine voit le jour le 15 août 1195, à Lisbonne. Au Baptême, il reçoit le prénom de Fernando. Son père, Don Martin de Bulhoës, qui descend de Godefroy de Bouillon, le destine au métier des armes. Fernando passe son enfance auprès de sa mère, Dona Teresa, dont la tendresse se manifeste par une profonde affection envers les siens et une constante attention à leur être agréable. Elle lui communique une tendre dévotion envers la Sainte Vierge. Ainsi se forment en son âme les vertus de douceur, d’humilité, d’amour dans le sacrifice, qui le feront aimer de tous. Il écrira plus tard : « Est doux celui dont l’esprit n’est pas irrité et qui, dans la simplicité de sa foi, est à même de supporter avec patience toute offense. Ceux du dehors s’agitent contre moi, mais moi, dans mon cœur, je garde la paix. » Jusqu’à l’âge de quinze ans, il suit des études à l’école capitulaire de Lisbonne. Un jour qu’il se trouve agenouillé sur les marches de l’autel, le démon lui apparaît sous une forme effrayante. Rempli d’une foi intrépide, le jeune garçon trace sur le sol une croix, dont la marque s’imprègne dans le marbre qui s’amollit au contact de cette chair si faible mais si pure. L’effet est immédiat : le démon disparaît aussitôt. Cette croix est visible aujourd’hui encore dans la cathédrale.
Les trois armes
En 1210, l’adolescent de quinze ans manifeste son désir de devenir religieux et obtient de ses parents la permission d’entrer chez les chanoines réguliers de Saint-Augustin, dont le couvent Saint-Vincent se situe aux portes de la ville. Leur style de vie convient bien au jeune Fernando : prière, lecture spirituelle et travail sont, selon ses maîtres, les trois armes avec lesquelles on peut vaincre le démon. Après avoir prononcé ses vœux, en 1212, il demande à être transféré au couvent de la Sainte-Croix à Coïmbra. En s’éloignant ainsi de ses amis et de ses proches, il espère trouver une plus grande tranquillité d’esprit et la paix intérieure pour s’adonner aux études, servir le Seigneur et avancer dans la vie religieuse. Au couvent de Coïmbra, centre culturel de grande renommée au Portugal, il se consacre à l’étude de la Bible et des Pères de l’Église. Tout ce qu’il lit, il le confie à une mémoire si fidèle qu’en peu de temps il montre une connaissance exceptionnelle de la Sainte Écriture. En même temps, son cœur s’affermit dans l’amour des vertus chrétiennes. Il devient plus humble, plus uni à Dieu. Un jour, pendant la Messe conventuelle, alors qu’il veille un novice malade, Fernando entend la cloche qui annonce la consécration. Son cœur s’élance vers son Seigneur aimé qui, ce matin, l’oblige à rester loin de l’église. Il se jette à genoux et adore en esprit le Christ qui se rend sacramentellement présent (Catéchisme de l’Église Catholique, 1353, 1357) : « Ô Jésus ! quel bonheur si je pouvais me transporter au pied de votre autel ! » À ces mots, dans une vision, le jeune religieux aperçoit le sanctuaire illuminé d’une clarté céleste tandis que le prêtre élève l’Hostie Sainte.
Don Fernando, devenu prêtre, exerce dans son couvent l’office de portier. Il fait ainsi la connaissance d’une petite communauté de Frères, qui vient de celle tout récemment fondée à Assise en Italie par Frère François. Ces religieux d’un nouveau style vivent pauvrement et prêchent sans détour l’Évangile. Installés à l’ermitage Saint-Antoine, sur la colline d’Olivares, ils descendent demander l’aumône au couvent. En 1220, les reliques des cinq premiers missionnaires franciscains, qui avaient été envoyés au Maroc, où ils avaient subi le martyre, sont exposées à Coïmbra. Cet exemple suscite chez Don Fernando le désir de les imiter et d’avancer sur le chemin de la perfection chrétienne. Il quitte alors les chanoines augustins pour revêtir la bure franciscaine ; à cette occasion, il prend le nom d’Antoine. S’il entre chez les Franciscains, c’est avec l’espoir de partir en terre d’Islam, pour prêcher l’Évangile et y subir le martyre. De fait, le départ de Frère Antoine, accompagné d’un autre frère, a lieu en décembre 1220. Mais à leur arrivée au Maroc, ils tombent tous deux malades et leur retour est décidé au bout de quelques mois. Durant la traversée, une violente tempête pousse l’embarcation qui les ramène sur les côtes de la Sicile. Là, près du détroit de Messine, le jeune Portugais de vingt-six ans prend contact avec l’Italie qui va devenir sa patrie d’adoption. De Messine, il gagne Assise, où il assiste au célèbre « Chapitre des nattes » (chapitre général des Frères Mineurs), qui se déroule à la Pentecôte de 1221, en présence de cinq mille frères.
Une nouvelle étoile
Àl’issue du chapitre, Frère Antoine est pris en charge par Frère Gratien, Provincial de Romagne, qui le destine à l’ermitage de Montepaolo, dans les Apennins, pour y célébrer la Messe, car les frères prêtres sont rares en ce début de l’Ordre franciscain. Il y trouve un lieu de silence, un ‘désert de l’esprit’ où Dieu le conduit pour parler à son cœur et le familiariser avec l’esprit franciscain. Antoine prie dans une grotte, jeûne au pain et à l’eau, s’adonne comme les autres frères aux tâches les plus humbles. Dans l’humilité, il attend l’heure de Dieu. En effet, depuis sa tentative interrompue de prêcher l’Évangile au Maroc, il n’a rien osé entreprendre. La volonté de Dieu se manifeste l’année suivante, le 22 septembre 1222. Frère Antoine participe, avec d’autres franciscains et quelques dominicains, à une ordination sacerdotale dans la ville de Forli. Invités à donner l’exhortation spirituelle de coutume, les Frères Prêcheurs se récusent sous prétexte qu’il ne leur est pas permis d’improviser. On s’adresse alors au Frère Antoine qui, se rendant à l’obéissance, développe des arguments pesés et concis sur l’ordination ; sa parole est écoutée avec attention, étonnement et joie. Gratien écrit le soir même à François d’Assise : « Dans le ciel franciscain, une nouvelle étoile vient de se lever ! » Le provincial confie alors au jeune religieux la mission de prêcher dans toute la Romagne, spécialement à Rimini, où la foi et l’unité des chrétiens sont menacées par l’hérésie cathare. Ainsi commence en Italie, puis en France, une activité apostolique intense et efficace qui est l’occasion du retour de nombreux hérétiques dans le sein de l’Église.
Pour les cathares les plus absolus, la création émane de deux principes éternels, l’un bon, l’autre mauvais. Du premier procède le monde invisible des esprits et des âmes; du second procède la matière qui est radicalement mauvaise. Pour les cathares plus modérés, le principe mauvais qui domine le monde de la matière n’est pas un dieu mauvais, mais Lucifer, l’ange déchu. Pour tous, puisque la matière est mauvaise, l’idéal est d’en libérer les âmes, ce qui entraîne notamment le rejet du mariage qui, par la procréation, tend à enfermer les âmes dans la matière. La Croix du Christ et l’Eucharistie, qui sont matériels, sont aussi, pour eux, un scandale, une pierre d’achoppement (cf. 1 Co 1, 23 et CEC 1336). À Rimini, un bourgeois du nom de Bonvillo est l’un des plus incrédules. Il se moque de Frère Antoine et lui dit : « Démontre-moi par un miracle que l’Eucharistie est réellement le Corps du Christ et je jure de me convertir sur-le-champ. » Pleinement confiant en l’Esprit Saint, le disciple de saint François accepte le défi. « Eh bien ! lance Bonvillo, j’ai une mule. Je la tiendrai enfermée sans nourriture pendant trois jours, puis, je la conduirai sur la place de l’église. Là, je lui présenterai un boisseau d’avoine ; toi, tu porteras une hostie consacrée. Si ma bête, refusant mon grain, vient s’incliner devant l’hostie, alors, moi aussi je courberai ma raison devant le mystère que tu enseignes. » Frère Antoine acquiesce, et s’astreint lui-même à un jeûne aussi rigoureux que celui de l’animal. Le jour fixé, la place est comble ; le moine sort de l’église, portant un ostensoir. Bonvillo traîne péniblement sa mule chancelante puis lui présente l’avoine. Alors Frère Antoine s’écrie : « Animal dépourvu de raison, viens te prosterner devant ton Créateur ! » Aussitôt, la mule, se détournant de l’avoine, s’agenouille devant l’hostie et reste immobile, la tête baissée, jusqu’à ce que le Frère lui ordonne de se relever. Alors, elle se dirige tout droit vers le boisseau et en dévore avidement le contenu. On devine la stupeur des cathares ! À la suite de Bonvillo, la plupart d’entre eux abjurent leur hérésie. Le fait, bien avéré, est repris par les biographies modernes du saint.
Les plus petits
Souhaitant que ses fils spirituels soient dans l’Église
les plus petits, les Frères Mineurs, et se souvenant de la parole de saint Paul, la science enfle (1 Co 8, 1), saint François d’Assise n’était guère partisan, dans les débuts, d’un enseignement théologique approfondi au sein de son Ordre. Mais, devant l’ampleur de l’hérésie cathare, il en vint à comprendre la nécessité d’une solide formation théologique. Les études permettraient aux Frères de mieux connaître et faire connaître l’enseignement du Christ et de l’Église. Après avoir reconnu en Frère Antoine le religieux le plus apte à concilier la science avec les exigences de piété et d’humilité requises par la Règle, François lui écrit : « Il me plaît que tu enseignes aux Frères la sainte théologie. Toutefois, aie soin de veiller à ce que l’esprit d’oraison ne s’éteigne ni en toi ni en eux. » Envoyé à Bologne, Frère Antoine pose les bases de la théologie franciscaine qui, cultivée par d’autres éminents penseurs, connaîtra son apogée avec saint Bonaventure et le bienheureux Duns Scot.
L?a Nativité du Christ à Bethléem et la contemplation du Crucifié inspirent au Frère Antoine des pensées de reconnaissance envers Dieu et d’estime pour la dignité de la personne humaine. Il écrit : « Le Christ, qui est ta vie, est suspendu devant toi, pour que tu regardes dans la Croix comme dans un miroir. Là, tu pourras voir combien tes blessures furent mortelles : aucune médecine n’aurait pu les guérir, si ce n’est celle du Sang du Fils de Dieu. Si tu regardes bien, tu pourras te rendre compte à quel point sont grandes ta dignité humaine et ta valeur… Nulle part l’homme ne peut mieux se rendre compte de ce qu’il vaut, qu’en se regardant dans le miroir de la Croix. »
En 1224, Frère Antoine est envoyé en France, à Montpellier, pour y enseigner la théologie aux jeunes religieux de son Ordre. Là, il compose un commentaire des Psaumes. Un novice, convoitant ce trésor de science et poussé par le diable, dérobe le manuscrit et prend la fuite. L’auteur du précieux texte perd le fruit de ses veilles et de ses peines. La communauté déplore le départ d’un de ses fils, qui, se sauvant comme un voleur, abandonne sa vocation, mettant son âme en péril. Frère Antoine supplie Notre-Seigneur de susciter du remords dans l’âme du coupable. Bientôt, le fugitif reparaît, confus et repentant : prosterné aux pieds du saint, il réclame une juste pénitence. Bientôt pardonné, il reprend sa place au noviciat et redouble de zèle. La piété populaire s’est emparée de cet épisode pour attribuer à saint Antoine le pouvoir de retrouver les objets perdus. Saint François de Sales répondit un jour à un railleur qui se moquait de cette coutume : « Vraiment, Monsieur, j’ai envie que nous fassions ensemble un vœu à ce saint pour retrouver ce que nous perdons tous les jours, vous, la simplicité chrétienne, et moi, l’humilité dont je néglige la pratique ! »
Le concile de Bourges
Frère Antoine est ensuite envoyé à Toulouse, au Puy-en-Velay et à Limoges ; là, il fonde des communautés dont il sera le supérieur. En novembre 1225, il est invité à assister au concile provincial de Bourges. L’objet de cette réunion, présidée par un légat du Pape, est de chercher le moyen de ramener la paix en Languedoc, troublé par les Albigeois, cathares de la région d’Albi, et les querelles entre les princes. Frère Antoine est prié de prêcher devant les autorités religieuses et civiles du royaume. Sans respect humain, il dénonce les causes profondes du conflit qui ravage le Languedoc : causes religieuses, entretenues par les agissements des Albigeois ; causes sociales, dues à la soif de richesses et d’honneurs des princes du royaume, dont la plupart des sujets vivent dans la pauvreté ; enfin causes morales, qui selon lui, ne sont pas les moindres : il fustige les mauvais exemples donnés en ce domaine par certains membres de la noblesse, mais aussi du clergé. Ayant soudain connu par révélation divine l’état de la conscience de Simon de Sully, archevêque de Bourges, il reproche aux évêques, avec de solides arguments bibliques, leur vie mondaine et luxueuse, et invective ceux d’entre eux qui n’ont pas su ou pas voulu protéger leurs brebis des dangers de l’erreur. Bouleversé par cette parole de feu, Simon de Sully avoue ses fautes en une confession sincère. Il deviendra le prélat célèbre en qui le Pape et le roi saint Louis mettront leur confiance.
Rentré à Assise en 1227, Frère Antoine est nommé provincial d’Italie du nord, charge qu’il va remplir jusqu’à la Pentecôte de 1230. Durant cette période, il se rend régulièrement à Padoue, ville proche de Venise : la foi des Padouans le touche et il s’attache à eux par un lien de profonde affection. Une fois déchargé du gouvernement des Frères, il se joint au groupe des dominicains et des bénédictins chargés par le Pape Grégoire IX de travailler à la réforme des clercs et des religieux promue par le IVe concile du Latran (1215). Au cours de l’été de cette année 1230, il reçoit de ses supérieurs la mission de se rendre à Rome pour demander au Pape de trancher un débat ouvert à l’intérieur de l’Ordre au sujet de la pratique de la pauvreté. Après la mort du fondateur (1226), certains Frères veulent vivre une pauvreté strictement fidèle à la lettre de la Règle, tandis que d’autres, pour répondre aux situations nouvelles, souhaitent assouplir cette rigueur jugée excessive. Le Pape décidera en faveur de ces derniers. À cette occasion, Frère Antoine est amené à prêcher devant le Saint-Père, qui, admirant sa connaissance de l’Écriture, s’écrie : « On l’appellera l’Arche du Testament et le divin dépositaire des Saintes Écritures. »
« Un dialogue affectueux »
Au cours de cette dernière période de sa vie, Frère Antoine rédige deux cycles de Sermons. Ce sont « des textes théologiques qui rappellent sa prédication vivante et dans lesquels il propose un véritable itinéraire de la vie chrétienne. La richesse d’enseignements spirituels contenue dans les Sermons est telle que le vénérable Pie XII, en 1946, proclama Antoine Docteur de l’Église, lui attribuant le titre de “Docteur évangélique”, car de ces écrits émanent la fraîcheur et la beauté de l’Évangile. » Saint Antoine y parle « de la prière comme d’une relation d’amour, qui pousse l’homme à un dialogue affectueux avec le Seigneur, créant une joie ineffable, qui enveloppe doucement l’âme en prière. Antoine nous rappelle que la prière requiert une atmosphère de silence… elle est une expérience intérieure, qui vise à éliminer les distractions provoquées par les préoccupations de l’âme, en créant le silence dans l’âme elle-même. » Selon son enseignement, la prière s’articule autour de quatre attitudes indispensables : « Ouvrir avec confiance son cœur à Dieu ; tel est le premier pas de la prière : ne pas simplement saisir une parole, mais ouvrir son cœur à la présence de Dieu ; puis s’entretenir affectueusement avec Lui, en Le voyant présent avec soi ; et – chose très naturelle – Lui présenter ses besoins ; enfin, Le louer et Lui rendre grâces. Dans cet enseignement de saint Antoine sur la prière, nous saisissons l’un des traits spécifiques de la théologie franciscaine, dont il a été l’initiateur, c’est-à-dire le rôle assigné à l’amour divin, qui entre dans la sphère de l’affect, de la volonté, du cœur et qui est également la source d’où jaillit une connaissance spirituelle qui dépasse toute connaissance. En effet, lorsque nous aimons, nous connaissons. Antoine écrit encore : “La charité est l’âme de la foi, elle la rend vivante ; sans l’amour, la foi meurt” » (Benoît XVI, Audience générale du 10 février 2010).
Lors du carême de 1231, Frère Antoine est chargé par l’évêque de Padoue de prêcher chaque jour aux habitants et au clergé de la ville. Malgré la fatigue due à une certaine corpulence et à d’autres infirmités, le célèbre religieux manifeste un zèle infatigable pour le salut des âmes, prêchant puis confessant jusqu’au soir. Les églises deviennent trop petites pour contenir les foules qui viennent l’écouter. Le nombre allant grandissant – jusqu’à 30000 personnes –, les prédications sont bientôt données dans les lieux publics. Frère Antoine, note Benoît XVI, « connaît bien les défauts de la nature humaine, notre tendance à tomber dans le péché, c’est pourquoi il exhorte continuellement à combattre la tendance à l’avidité, à l’orgueil, à l’impureté, et à pratiquer au contraire les vertus de pauvreté et de générosité, d’humilité et d’obéissance, de chasteté et de pureté. Au début du xiiie siècle, dans le cadre du développement des villes et du commerce, de plus en plus de personnes se montraient insensibles aux besoins des pauvres. Pour cette raison, Antoine invite les fidèles à penser à la véritable richesse, celle du cœur, qui rend bon et miséricordieux, fait accumuler des trésors pour le Ciel » (ibid.). « Ô riches, s’exclame notre saint, prenez pour amis les pauvres, qui vous accueilleront par la suite dans les tabernacles éternels, où résident la beauté de la paix, la confiance de la sécurité, et le calme opulent de l’éternelle satiété. » Dans un autre sermon, pour détourner les pécheurs de l’enfer, saint Antoine dépeint le salaire de l’avarice et de la luxure, vices qu’il considère comme les plus fréquents. À propos de la parabole des noces du fils du roi, il commente la sentence du roi à l’invité qui n’était pas revêtu de la robe nuptiale : « Liez-lui pieds et mains et jetez-le dans les ténèbres extérieures (Mt 22, 13). Là seront les pleurs, des yeux qui se fourvoient dans la vanité, et des grincements de dents qui ont joui dans la voracité et ont dévoré les biens des pauvres. »
Un dernier chant d’amour
Àla suite des prédications de Frère Antoine, les confessions sont si nombreuses que les prêtres présents ne suffisent pas à les entendre. Le Saint obtient des magistrats de Padoue la libération des débiteurs insolvables gardés en prison à la demande des usuriers jusqu’à remboursement de leur dette. Mais tant d’efforts finissent par épuiser son corps, déjà affaibli par les maladies et les jeûnes. En mai, il reçoit la permission de se retirer dans un lieu paisible au nord de Padoue. On lui construit un abri entre les branches d’un noyer pour qu’il puisse s’y recueillir et se préparer à voir Dieu face à face (1 Co 13, 12). Le 13 juin, sentant que ses forces l’abandonnent, il se fait transporter dans son couvent de Padoue. Arrivé aux portes de la ville, il est si faible qu’il faut s’arrêter chez les sœurs clarisses de l’Arcella, où il reçoit l’Extrême-Onction. Il s’efforce alors de chanter encore à sa Reine, la Vierge Marie, un dernier chant d’amour, puis son visage s’illumine : il déclare voir son Seigneur Jésus qui l’appelle à Lui.
Sur sa tombe, les scènes d’enthousiasme qui avaient accompagné ses prédications se renouvellent. Les miracles se multiplient et la ferveur populaire s’accroît de jour en jour, au point que l’évêque et les autorités civiles de Padoue décident d’envoyer une délégation pour demander au Pape la canonisation du Frère Antoine. Au cours de l’enquête, cinquante-trois miracles attribués à son intervention sont reconnus. Le 30 mai 1232, soit un an seulement après sa mort, délai exceptionnellement bref, Grégoire IX proclame la sainteté d’Antoine de Padoue.
À l’exemple du saint, inspirons-nous de l’exhortation de saint Pierre : Sanctifiez dans vos cœurs le Seigneur Christ, toujours prêts à répondre, avec douceur et respect, à quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous (1 P 3, 15).
Pour publier la lettre de l’Abbaye Saint-Joseph de Clairval dans une revue, journal, etc. ou pour la mettre sur un site internet ou une home page, une autorisation est nécessaire. Elle doit nous être demandée par email ou sur la page de contact.