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24 mai 2007

Cardinal Raphaël Merry del Val

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

Un jour de l’automne 1885, le Pape Léon XIII reçoit en audience l’ambassadeur Merry del Val, venu à Rome pour présenter son fils Raphaël au Collège Écossais. Le Pape, qui rencontre le jeune homme pour la première fois, l’interroge sur ses études et lui demande: «Pourquoi entrez-vous au Collège Écossais?» Puis, après avoir écouté la réponse, il ajoute, d’un ton de commandement: «Non. Pas au Collège Écossais, mais à l’Académie des Nobles Ecclésiastiques». L’intervention du Vicaire du Christ va orienter d’une façon décisive l’avenir de ce jeune homme.

Raphaël Merry del Val est né le 10 octobre 1865 à Londres, où son père, diplomate espagnol d’origine irlandaise, est secrétaire de l’ambassade d’Espagne. De bonne heure, Raphaël fait preuve d’une intelligence et d’une fermeté de caractère au-dessus de son âge, et il manifeste une inclination naturelle à la piété. Il fait des études brillantes au Collège préparatoire de Bayliss House à Slough. Le garçon est passionné de sport: tennis, cricket, équitation, escrime; il aime aussi les échecs. Cependant, dans son coeur brûle une autre passion, bien plus forte: celle de devenir prêtre, de travailler au salut des âmes et à la conversion de l’Angleterre. Pour l’éprouver, son père lui demande un jour: «Comment t’arrangeras-tu, Raphaël, si tu te fais prêtre, toi qui aimes tant le sport, les jeux et l’équitation?» Le jeune homme répond sans hésiter: «Pour Dieu, je puis et je dois tout sacrifier!» À l’âge de dix-huit ans, alors que lui sourit la jeunesse avec ses promesses et ses enchantements, le fils de l’ambassadeur entre au grand collège universitaire d’Ushaw pour entreprendre les études qui le conduiront au sacerdoce.

Après des études de philosophie et la réception des ordres mineurs, l’abbé Merry del Val, pour se conformer au désir du Cardinal Vaughan, archevêque de Westminster, part poursuivre sa formation à Rome. Jeune clerc au milieu des prêtres qui se préparent aux charges diplomatiques de l’Église, Raphaël s’impose une règle de vie, partageant sa journée entre le travail et la prière, renonçant aux petites libertés concédées aux élèves. Lors de ses vacances en famille, il se trouve en contact avec la plus haute aristocratie. Toutefois, il s’écarte le plus possible des visites et des réceptions et mène une vie retirée, édifiant par sa piété tous ceux qui l’approchent.

Le sérieux de son éducation, sa parfaite connaissance des principales langues européennes, les traditions diplomatiques héritées de sa famille, ne tardent pas à rappeler sur lui l’attention de Léon XIII, qui lui confie plusieurs missions importantes. Alors qu’il n’est pas encore prêtre, il reçoit le titre de «Monseigneur». Cependant, sans se laisser distraire par les honneurs précoces, il aspire à monter à l’autel, espérant qu’il pourra enfin se consacrer au ministère des âmes. Le sacerdoce lui est conféré le 30 décembre 1888; fidèle à sa devise, Da mihi animas, coetera tolle – Donnez-moi des âmes, prenez tout le reste, il emploie ses heures libres à exercer le ministère parmi les enfants du quartier populeux du Transtévère et auprès de l’aristocratie de langue anglaise résidant à Rome.

Un dessein contrarié

Le 31 décembre 1891, Léon XIII l’appelle au Vatican en qualité de «Camérier Secret Participant», poste qui fait de lui l’un des proches du Pape. Le jeune prêtre prend alors conscience qu’il ne pourra pas réaliser son dessein de s’adonner au ministère des âmes. Il confie son trouble au Souverain Pontife, lui révélant ses plus intimes aspirations et le suppliant de le laisser suivre sa vocation de simple prêtre. Le Pape lui répond: «Dites-moi, Monseigneur, si vous êtes disposé à obéir au Pape et à servir l’Église? – Oui, si Votre Sainteté le commande, répond-il, ému. – C’est bien, conclut le Saint-Père». Mgr Merry del Val se soumet, et, sans regarder en arrière, s’avance sur le chemin que lui trace la Providence. Il notera plus tard: «Quand Dieu nous appelle à accomplir quelque chose pour Lui, c’est une preuve de confiance qu’Il nous donne; nous devons y répondre fidèlement et non trahir la confiance de Jésus… Il faut accepter, sur-le-champ et avec une entière soumission, les dispositions de la Providence, voyant en tout la Volonté de Dieu. Il sait mieux que nous ce qui est notre bien et Il changera en une grâce plus grande encore ce dont nous semblions être privé». Il donnera aussi ce conseil: «Il n’est d’aucune importance qu’une chose vous plaise ou ne vous plaise pas. Ce qui importe de connaître, c’est la Volonté de Dieu et de décider d’après Elle… Laissez-vous conduire, au jour le jour, par le bon Dieu, avec une entière confiance dans sa Miséricorde et dans son Amour pour vous…»

Léon XIII tient à la présence de Mgr Merry del Val à ses côtés pour apprécier la situation religieuse des pays anglophones, notamment de l’Angleterre. Le jeune prélat joue un rôle important dans la rédaction de l’Encyclique que le Pape publie en 1895 pour recommander aux Chrétiens d’Angleterre l’unité de la foi. Il remplit également la charge de secrétaire de la commission instituée pour examiner les ordinations anglicanes. Le terme de cet examen sera la lettre apostolique Apostolicæ curæ, du 13 septembre 1896, où Léon XIII déclare l’invalidité de ces ordinations. En octobre 1899, Mgr Merry del Val est nommé Président de l’Académie des Nobles Ecclésiastiques, puis, en avril 1900, il reçoit, à trente-quatre ans, la consécration épiscopale.

«Soyez courageux, le Seigneur vous aidera!»

Léon XIII meurt le 20 juillet 1903. Les cardinaux réunis à Rome élisent Mgr Merry del Val Secrétaire du Conclave. Contrairement à toutes les prévisions, les cardinaux orientent leur choix sur le Patriarche de Venise, le Cardinal Giuseppe Sarto. Celui-ci, se sentant incapable d’assumer la charge de Souverain Pontife, oppose un refus. Plusieurs cardinaux interviennent auprès de lui pour le prier d’accepter; enfin le Cardinal-Doyen charge Mgr Merry del Val de demander à l’élu s’il persiste dans son refus et si, dans ce cas, il l’autorise à faire au Conclave une déclaration publique dans ce sens. Mgr Merry del Val raconte: «Il était près de midi quand j’entrai dans la chapelle (Pauline) silencieuse et obscure… J’aperçus un cardinal agenouillé sur le pavé de marbre près de l’autel, abîmé dans la prière, la tête entre les mains et les coudes appuyés sur un petit banc. C’était le Cardinal Sarto. Je m’agenouillai à côté de lui, et, à voix basse, je lui transmis le message dont j’avais été chargé. Son Éminence, aussitôt après m’avoir entendu, leva les yeux et tourna lentement la tête de mon côté tandis que d’abondantes larmes jaillissaient de ses yeux… «Oui, oui, Monseigneur, ajouta-t-il doucement, dites au Cardinal-Doyen qu’il me fasse cette charité…» Les seules paroles que j’eus la force de prononcer et qui me vinrent spontanément aux lèvres furent: «Éminence, soyez courageux, le Seigneur vous aidera!»» Au scrutin du lendemain, le Cardinal Sarto, ayant obtenu le nombre de voix requis, accepte le pontificat «comme une croix, pour obéir à la volonté de Dieu». Le nouveau Pape prend le nom de Pie X. Peut-être Mgr Merry del Val a-t-il pensé à ces circonstances dramatiques, en écrivant plus tard: «Les moments de découragement sont une part de la croix que vous devez porter. Vous ne devez pas être surpris de ces moments de peine. S’il vous arrive souvent de tomber sous la croix, relevez-vous avec courage. Acceptez cette part de la Croix».

Le soir même de l’élection, Mgr Merry del Val se présente devant le nouveau Pape afin de lui faire signer les lettres adressées aux Chefs d’État pour leur annoncer officiellement son élection. Puis, ayant achevé sa fonction, il s’apprête à prendre congé. «Comment, Monseigneur! s’exclame Pie X. Vous voulez m’abandonner? Non, non, restez, restez avec moi. Faites-moi cette charité». Devant les réticences du prélat, le Pape ajoute: «Je vous demande de continuer votre office jusqu’à ce que j’aie adopté une décision. Faites-moi cette charité. C’est la volonté de Dieu, nous travaillerons ensemble et nous souffrirons ensemble pour l’amour et l’honneur de l’Église». Deux mois plus tard, Pie X le nomme Secrétaire d’État et Cardinal.

Un modeste et un saint

La nomination comme Secrétaire d’État d’un prélat de trente-huit ans, de surcroît non-italien, ne manque pas de surprendre. Oppositions, critiques, voire calomnies transparaissent. Pie X s’explique: «Je l’ai choisi parce qu’il est polyglotte. Né en Angleterre, élevé en Belgique, espagnol d’origine, ayant vécu en Italie, fils de diplomate et diplomate lui-même, il connaît les problèmes de tous les pays. C’est un modeste et un saint. Il vient ici tous les matins et m’informe de toutes les questions du monde. Je n’ai jamais une observation à lui faire. Et puis, il n’a pas de compromissions». Le Cardinal Merry del Val, sans se dissimuler les souffrances qui l’attendent, s’attelle à la rude tâche confiée par le Saint-Père. Dorénavant il ne s’appartient plus. Son nom et son oeuvre seront liés au nom et à l’oeuvre du Pape saint Pie X, dans une intime identité de pensées et d’aspirations. Les lignes suivantes permettent d’apprécier les dispositions d’esprit dans lesquelles il assume sa charge: «J’ai promis à Dieu, avec sa grâce, de n’entreprendre quoi que ce soit sans me rappeler qu’Il en est le Témoin, que nous opérons ensemble et que c’est Lui qui me donne les moyens d’agir; de ne terminer aucune action sans la même pensée, l’offrant à Dieu comme une chose qui Lui appartient; et si, au cours de l’action, cette pensée me revient, de m’arrêter un moment pour Lui renouveler mon désir de Lui plaire».

Pendant onze années, Pie X se donne sans relâche à d’importantes réformes: musique sacrée, bréviaire et calendrier romain, codification du droit canonique, formation catéchétique. À cela s’ajoutent les difficultés politiques: en Italie, les États pontificaux ayant été injustement spoliés en 1870, le Pape est en quelque sorte prisonnier au Vatican; en France, le gouvernement se prépare à rompre les relations diplomatiques, à expulser les ordres religieux et à confisquer les biens de l’Église; en Espagne et au Portugal, les gouvernements libéraux combattent l’Église et le Pape. La franc-maçonnerie ne manque aucune occasion pour salir l’Église. Celle-ci se trouve dans une telle situation qu’un libre-penseur de l’époque a pu écrire: «Aucune force ne pourra faire remonter le courant; le catholicisme est définitivement vaincu, la foi est bien morte et la libre pensée triomphante s’étend comme une tache d’huile sur toute l’Europe».

Rester dans l’Église pour changer la foi

Souci plus grave encore pour le nouveau pontificat: la tempête sévit au sein même de l’Église. Il s’agit d’un courant de pensée apparu vers la fin du XIXe siècle: un groupe d’intellectuels, sous couvert d’adaptation à la mentalité moderne (d’où le nom de «modernistes»), prétend rénover l’Église en changeant radicalement son enseignement dogmatique et moral. Décidés à rester à l’intérieur de l’Église pour la transformer plus efficacement, ils ont l’habileté de conserver le vocabulaire catholique, auquel ils donnent une signification nouvelle, conforme à leurs propres idées. Pie X, après plusieurs appels charitables aux égarés, et devant leur obstination, publie, le 3 juillet 1907, le décret Lamentabili, qui énumère les erreurs modernistes; deux mois plus tard, l’Encyclique Pascendi expose magistralement les raisons pour lesquelles ce système est contraire à la saine philosophie et à la foi catholique.

Le système moderniste soutient que la raison humaine est enfermée dans le domaine des apparences et n’est pas capable de s’élever jusqu’à Dieu par le moyen des créatures. L’Église enseigne au contraire, en pleine cohérence avec l’expérience de tous les temps: «À partir de la création, c’est-à-dire du monde et de la personne humaine, l’homme, par sa seule raison, peut avec certitude connaître Dieu comme origine et fin de l’univers, comme souverain bien, et comme vérité et beauté infinie» (Compendium du Catéchisme de l’Église catholique, n. 3). Les principes du modernisme conduisent à nier l’existence d’une vérité objective et, par conséquent, la certitude et même la possibilité d’une Révélation divine. La religion se réduit à des symboles. Dieu Lui-même n’est plus le Créateur transcendant (c’est-à-dire préexistant à l’univers et le dépassant) mais seulement une force immanente, «l’âme universelle du monde», ce qui mène droit au panthéisme (identification du monde avec Dieu); Jésus-Christ n’est qu’un homme extraordinaire transfiguré par la foi. D’où la distinction moderniste entre le «Christ de l’histoire», qui n’est qu’un homme mort sur une croix en Palestine, et le «Christ de la foi», que les disciples imaginent être «ressuscité» et qu’ils «divinisent» dans leur coeur. Cet ensemble d’erreurs conduit saint Pie X à définir ainsi le modernisme: «La synthèse et le rendez-vous de toutes les hérésies qui tendent à détruire les fondements de la foi et à anéantir le christianisme». Les mesures prises par le saint Pape et ses collaborateurs produisent en peu d’années le déclin de ce mal, qui était entré «presque aux entrailles mêmes et aux veines de l’Église».

La dictature du relativisme

À l’approche du centenaire de l’encyclique Pascendi, nous devons cependant constater que l’hydre moderniste a relevé la tête. Déjà en 1965, la crise de la foi était telle que le Cardinal Charles Journet pouvait écrire dans une lettre à un Religieux: «Ce que vous me dites du grand désarroi des esprits, je ne l’ignore pas, j’en souffre au fond de mon coeur… Plaise à Dieu que cette souffrance soit bénie! On ne peut, sans trahir la Révélation, remettre en question les dogmes du Credo, remplacer Jésus-Dieu par le «Dieu de Jésus», interpréter les définitions du Concile de Trente sur la doctrine catholique en les dépouillant de leur sens réaliste. Tout le sens de la Révélation biblique est réaliste… La crise actuelle est certainement plus grave que celle du modernisme. Un jour, les croyants se réveilleront et prendront conscience d’avoir été intoxiqués par l’Esprit du Monde». En 2005, le Cardinal Ratzinger déclarait, la veille de son élection au Souverain Pontificat: «Combien de vents de la doctrine avons-nous connus au cours des dernières décennies, combien de courants idéologiques, combien de modes de la pensée… La petite barque de la pensée de nombreux Chrétiens a été souvent ballottée par ces vagues – jetée d’un extrême à l’autre: du marxisme au libéralisme, jusqu’au «libertinisme»; du collectivisme à l’individualisme radical; de l’athéisme à un vague mysticisme religieux; de l’agnosticisme au syncrétisme et ainsi de suite. Chaque jour naissent de nouvelles sectes et se réalise ce que dit saint Paul à propos de l’imposture des hommes, de l’astuce qui tend à les induire en erreur (cf. Ep 4, 14). Posséder une foi claire, selon le Credo de l’Église, est souvent défini comme du fondamentalisme; tandis que le relativisme, c’est-à-dire se laisser entraîner à tout vent de doctrine (ibid.), apparaît comme l’unique attitude à la hauteur de l’époque actuelle. On est en train de mettre sur pied une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui donne comme mesure ultime uniquement son propre ego et ses désirs» (Homélie du 18 avril 2005). De tels maux nous incitent à porter notre regard vers les remèdes mis en oeuvre par saint Pie X pour conjurer le modernisme: l’étude de la saine philosophie, le retour à la Tradition, en particulier à la doctrine de saint Thomas d’Aquin, et la soumission au Magistère de l’Église.

Dans ce combat contre les puissances de l’Enfer, le Cardinal Merry del Val reste aux côtés de saint Pie X, partageant le fardeau et soutenant avec courage les attaques, parfois virulentes. Il écrit: «N’agissons jamais en vue de plaire au monde. Ayons le courage de supporter les critiques, les désapprobations du monde; n’ayons aucun respect humain; pourvu que Dieu soit content, qu’importe le reste… Nous devons avoir le courage d’affirmer la Vérité, et de ne jamais reculer devant le devoir. Nous devons avoir le courage d’affronter le ridicule, parce que souvent le devoir est raillerie du monde. Faites cela par amour pour Notre-Seigneur et pour Lui ressembler». Dans une autre lettre: «Supportez dans la paix, et avec résignation, les peines et les anxiétés de chaque jour. Souvenez-vous que vous ne pouvez être un disciple de Jésus si vous ne prenez part à la Passion de Jésus».

Le 20 août 1914, Pie X s’endort dans le Seigneur, le coeur brisé par le déclenchement de la première guerre mondiale. Le Cardinal Merry del Val a raconté leur dernière entrevue: «Je pénétrai dans la chambre. Immédiatement, il se tourna vers moi, me suivant de son regard pénétrant… Il prit ma main et la serra avec tant de force que je restais stupéfait. Il me fixa si intensément que ses yeux pénétraient les miens… Il me retint près de lui, tantôt laissant ma main, tantôt la reprenant. Enfin, fatigué, il laissa tomber la tête sur les coussins, les paupières closes…»

Le plus grand enseignement de Notre-Seigneur

Après la mort de saint Pie X, le Cardinal Merry del Val exerce la fonction d’Archiprêtre de la Basilique Saint-Pierre, et collabore avec les Congrégations romaines; sa sagesse et son expérience font dire de lui: «C’est un maître-né». Il exerce sa profonde charité fraternelle notamment par son action en faveur de la conversion des anglicans, et assure la direction spirituelle de nombreuses âmes. Il insiste sur la confiance illimitée et filiale que nous devons avoir en Dieu, et recommande de se tenir en paix là où Dieu nous a placés pour faire sa volonté. En comparaison de sa charge antérieure de Secrétaire d’État, sa nouvelle situation le met à l’ombre, ce qui n’est pas pour lui déplaire. Il y trouve l’occasion de donner plus de temps à la prière et à l’étude silencieuse, mettant en pratique son idéal: «Trouver Dieu dans la prose sanctifiante du devoir quotidien. Silence et recueillement. Prière et activité. Sacrifice et amour». Le Cardinal Merry del Val est en effet un homme d’oraison. Chaque jour, après sa Messe, il récite ce qu’il appelle les «Litanies de l’Humilité», composées par lui, mais restées inconnues jusqu’à sa mort. Elles révèlent une âme qui aime intensément Notre-Seigneur et qui a contemplé assidûment les abaissements de sa Passion. Avide d’humilité, n’ayant jamais cherché les honneurs, le Serviteur de Dieu désire disparaître aux yeux du monde. Il écrit: «Considérez que l’humilité est la base de la Sainte Famille. Dans l’humilité de vos rapports de famille, vous pourrez arriver à avoir la paix. Notre-Seigneur a passé trente années de sa Vie à enseigner l’humilité des vertus domestiques, pour en faire comprendre l’importance et mériter la grâce de l’imiter. Le premier, le plus grand enseignement de Notre-Seigneur est l’humilité: l’humilité d’esprit, de volonté, de coeur. Nous devons nous efforcer d’imiter l’humilité du Coeur de Jésus, son Union avec son Père, son abandon, sa docilité à la Volonté du Père. Comme Lui, abandonnez-vous à la volonté de Dieu, dans les petites comme dans les grandes choses, dans les peines de chaque jour, dans les contrariétés et les difficultés de la vie. Acceptez des mains de Notre-Seigneur les peines par amour pour Lui et voyez, dans les consolations qu’Il vous accorde, les preuves de sa miséricordieuse tendresse».

À 64 ans, le Cardinal Merry del Val est encore en pleine vigueur. Mais, le 24 février 1930 dans la soirée, il éprouve un léger malaise. Le lendemain, il est atteint d’une crise d’appendicite, dont on ne soupçonne pas la gravité. Dans l’après-midi du 26 février, il s’endort dans la mort. Il avait écrit: «Mourir, c’est fermer les yeux et s’endormir pour se réveiller là-haut, dans le Ciel… Au moment de la mort, ce qui est nécessaire, c’est la tranquillité, en pensant qu’on passe de cette vie à l’autre, comme par une porte qui s’ouvre pour conduire à Dieu». On lit dans son testament: «J’accepte amoureusement la mort, quand et comme Dieu voudra, en expiation de mes péchés et en adorant ses décrets».

Le saint Cardinal nous a laissé non seulement l’exemple lumineux d’une vie offerte tout entière au service de l’Église, mais aussi de précieuses recommandations, dont celle-ci: «Notre Patrie n’est pas de ce monde; après quelques années passées ici-bas, nous devons abandonner cette terre pour suivre Notre-Seigneur, si nous Lui sommes restés fidèles. Quelle erreur, quelle folie de s’attacher aux choses d’ici-bas, en dehors de Volonté de Dieu, jusqu’à L’offenser, transformant ainsi en obstacle ce qu’Il a mis à notre disposition pour parvenir à la Vie éternelle!»

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