9 janvier 2011
Antoine Gaudi
Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,
«Une église est l’unique chose digne de représenter ce que ressent un peuple, puisque la religion est ce qu’il y a de plus élevé dans l’homme», estimait Antoine Gaudí, l’architecte de la basilique de la Sainte-Famille de Barcelone (Espagne). Lors de la dédicace de ce monument, le 7 novembre 2010, le Pape Benoît XVI faisait remarquer: «À une époque où l’homme prétend édifier sa vie en tournant le dos à Dieu, comme s’il n’avait plus rien à lui dire, la consécration de cette église de la «Sagrada Familia» est un événement de grande signification. Par son oeuvre, Gaudí nous montre que Dieu est la vraie mesure de l’homme, que le secret de la véritable originalité consiste, comme il le disait, à revenir à l’origine qui est Dieu. Lui-même, ouvrant ainsi son esprit à Dieu, a été capable de créer dans cette ville un espace de beauté, de foi et d’espérance, qui conduit l’homme à la rencontre de Celui qui est la vérité et la beauté mêmes.»
Antoine Gaudí est né le 25 juin 1852 à Reus (Province de Tarragone, Espagne), cinquième enfant de François Gaudí Serra et d’Antoinette Cornet Bertran. Il aura la douleur de perdre prématurément tous ses frères et soeurs. La succession de ces deuils explique probablement l’empreinte de gravité propre au tempérament de Gaudí. Du côté de son père, Antoine descend d’une ancienne famille d’artisans chaudronniers. Voir à l’atelier paternel le façonnage du cuivre, donne au jeune Antoine l’habitude de «penser en trois dimensions». Dès son enfance, Antoine souffre de rhumatismes qui ne l’abandonneront jamais. Ce mal le contraint à séjourner durant de longues périodes dans la solitude d’une petite propriété de famille, à Riudoms, près de Reus. Là, ses yeux captent la lumière méditerranéenne et les plus pures images des roches, des plantes et des animaux; il admirera toujours la nature comme une merveilleuse enseignante. À l’école, Antoine n’est pas un élève particulièrement brillant, mais il reçoit une solide formation spirituelle chez les religieux de saint Joseph Calasanz.
L’unique objectif
Durant l’année scolaire 1868-69, le jeune homme s’installe à Barcelone pour suivre les cours de l’École Technique Supérieure d’Architecture. Il paye ses études en travaillant pour le compte d’ingénieurs et d’architectes de renom. Il fréquente, de plus, les classes de Philosophie, d’Esthétique et d’Histoire à l’Université, et s’intéresse au monde de la culture. À ses yeux, l’art doit chercher son inspiration dans les lois et les modèles observés dans la nature, l’oeuvre du Créateur, dans laquelle resplendissent la Vérité et la Beauté. Cette quête de la beauté devient l’unique objectif de sa vie. En 1878, il obtient le diplôme d’architecte.
Alors qu’il travaille à la construction d’une coopérative, il rencontre une institutrice qui fait la classe aux enfants des ouvriers. Tous deux restent de longs moments à s’entretenir ensemble. Après avoir longtemps hésité, Antoine se décide à lui parler de fiançailles, mais la jeune fille lui avoue avec regret qu’elle est déjà fiancée. Le jeune homme décide alors de se donner corps et âme au Seigneur, tout en demeurant célibataire dans le monde. Il soignera son père pendant sa longue vieillesse ainsi qu’une nièce orpheline et malade.
Antoine conçoit, pour le compte d’un fabricant de gants de luxe, une vitrine originale destinée à l’Exposition internationale de Paris (1878). Lorsque le comte de Güell, homme d’une vaste culture et l’une des grandes fortunes de Barcelone, apprend que ce chef-d’oeuvre a été conçu dans sa ville, il s’informe sur l’identité de son auteur. Se noue alors entre les deux hommes une amitié indéfectible. Sans attendre, le comte charge l’artiste de la conception d’une série de meubles, puis de nombreuses constructions, dont celle de l’extraordinaire parc Güell. Antoine devient aussi l’ami intime de Mgr Torras i Bagès, évêque de Vic, dont la cause de béatification est aujourd’hui introduite, des évêques de Majorque et d’Astorga, ainsi que de plusieurs prêtres. Grâce à l’amitié de ces ecclésiastiques, il comprend en profondeur l’esprit de la liturgie et de la doctrine sociale de l’Église. Dès sa jeunesse, Gaudí s’est montré sensible aux problèmes sociaux de son époque, notamment aux conditions de vie des ouvriers. Bien vite, il réalise que les profondes contradictions sociales de son temps ne peuvent pas trouver de solution dans les utopies matérialistes, mais seulement dans la mise en oeuvre de la doctrine sociale chrétienne.
Gaudí n’a publié aucun livre. Il a toutefois laissé de nombreuses notes consacrées aux travaux d’architecture et de décoration. Mais on peut dire qu’il a été l’un des meilleurs écrivains de l’histoire, non sur le papier mais sur la pierre. Il ne donne pas non plus de conférences, mais il commentera maintes fois son temple de la Sainte-Famille aux visiteurs; et il fera part à ses collaborateurs et disciples de réflexions imprégnées de sagesse humaine et chrétienne. Passionné d’esthétique, il se penche sur l’énigme de la beauté et comprend que c’est à cause du Beau (c’est-à-dire Dieu Lui-même) que les belles choses sont belles. Il estime que «la beauté est la splendeur de la vérité; sans vérité, il n’y a pas d’art. La splendeur attire tout le monde, c’est pourquoi l’art est universel».
Dans l’homélie du 7 novembre 2010, le Pape Benoît XVI remarquait: «En réalité, la beauté est la grande nécessité de l’homme; elle est la racine de laquelle surgissent le tronc de notre paix et les fruits de notre espérance. La beauté est aussi révélatrice de Dieu, parce que, comme Lui, l’oeuvre belle est pure gratuité, elle invite à la liberté et arrache à l’égoïsme.»
Le réveil des coeurs
Le XIXe siècle est, pour l’Espagne, un siècle de pro- fonds bouleversements sociaux. Une fièvre anticléricale sévit et l’Église est persécutée. Joseph Bocabella, un libraire très dévot à saint Joseph, reçoit l’inspiration d’élever un Temple consacré à la Sainte Famille de Nazareth. En expiation des péchés des hommes de son siècle, il désire donner un fort témoignage d’amour de Dieu et de son Fils incarné, Jésus. Il lance une souscription; de très nombreux chrétiens adhèrent à son projet «pour que se réveille la tiédeur des coeurs endormis, que la Foi se relève, que la Charité se réchauffe et qu’ainsi le Seigneur prenne le pays en pitié». Les travaux commencent sans tarder, mais bientôt un grave différend s’élève entre Bocabella et son architecte; celui-ci abandonne le projet. Une nuit, la tante de Bocabella fait un rêve: elle a vu l’architecte qui fera sortir de terre la Sainte-Famille; c’est un jeune homme aux yeux bleus… Sans accorder d’importance à ce songe, Joseph se rend à un bureau d’architectes. En ouvrant la porte, il se trouve nez à nez avec un jeune homme dont les yeux bleus le font tressaillir. En Catalogne, en effet, les yeux bleus sont rares. Ce jeune architecte se nomme Gaudí. Les conceptions de Bocabella vont plutôt dans le sens d’un classicisme strict, mais il se range sans hésitation aux vues plus hautes de Gaudí.
Convaincu que, sans sacrifice, il est impossible de faire avancer un chantier, Antoine Gaudí abandonne la vie facile dont il a joui comme jeune architecte de grand prestige; il intensifie sa prière et s’adonne à une ascèse très exigeante. «Ce Temple est un temple expiatoire, explique-t-il. Cela signifie qu’il se nourrit de sacrifices.» Lors du Carême de l’année 1894, il jeûne d’une façon si sévère que ses privations le conduisent aux portes de la mort. Il faut que son ami, Mgr Torras i Bagès, intervienne pour le persuader de prendre quelque nourriture. «La vie est amour et l’amour est sacrifice, soulignera Antoine. Si l’on observe qu’une maison montre de la vitalité, c’est parce qu’il y a quelqu’un qui se sacrifie. Ce quelqu’un est parfois un serviteur, une servante…» Le grand amour de Dieu et du prochain qui habite Antoine a sa racine dans l’amour de la Croix. Lui-même couronne ses travaux, relligieux ou profanes, par une croix à quatre bras, qui porte souvent le sigle de la Sainte Famille: «JMJ» (Jésus, Marie, Joseph).
Tous ont une place
Gaudí conçoit le temple de la Sainte-Famille comme une synthèse de la doctrine catholique. Y seront représentés la Création du monde, le travail de l’homme sur la terre, le passage du royaume des ténèbres au Royaume de la Lumière, les mystères de la vie du Christ, les sept sacrements, les sept dons du Saint-Esprit, les Béatitudes, la mort, le Purgatoire, le Jugement dernier, l’Enfer, et le Ciel… Cette «cathédrale» d’environ 100 mètres de long sera construite sur un plan en forme de croix latine, comprenant cinq nefs et trois façades. Les nefs seront séparées les unes des autres par des colonnes inclinées formant un arc parabolique. Tous les supports convergeront vers le centre pour donner sa stabilité à l’édifice. Gaudí a conçu cette technique innovatrice afin que les 18 tours prévues, d’une hauteur d’environ 110 mètres, puissent aussi bien résister à des vents de tempête qu’aux mouvements telluriques. L’oeuvre de Gaudí sera ouverte à tous: «Le portail doit être assez grand, explique-t-il, non pas pour l’homme individuel, mais pour toute l’humanité, parce que tous ont une place au sein de leur Créateur.»
«Gaudí, constate Benoît XVI, a voulu unir l’inspiration qui lui venait des trois grands livres dont il se nourrissait comme homme, comme croyant et comme architecte: le livre de la nature, le livre de la Sainte Écriture et le livre de la Liturgie. Ainsi, il a uni la réalité du monde et l’histoire du salut, comme elle nous est racontée dans la Bible et rendue présente dans la Liturgie. Il a introduit dans l’édifice sacré des pierres, des arbres et la vie humaine, afin que toute la création converge dans la louange divine, mais, en même temps, il a placé à l’extérieur les «retablos» (retables), pour mettre devant les hommes le mystère de Dieu révélé dans la naissance, la passion, la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Il collabora ainsi de manière géniale à l’édification d’une conscience humaine ancrée dans le monde, ouverte à Dieu, illuminée et sanctifiée par le Christ.»
Sur l’énorme chantier de construction de la Sainte-Famille, Gaudí instaure une merveilleuse fraternité. La sécurité sociale n’existe pas encore, et les ouvriers travaillent jusqu’à la fin de leur vie. Dans sa prévoyance, l’architecte instaure un système d’aide mutuelle qui consiste à prélever une petite partie du salaire de chacun pour payer celui de l’ouvrier qui tombe malade. Les ouvriers l’aiment tellement qu’en parlant de lui, ils l’appellent «Père»; Gaudí ne le saura jamais. Sa bonté est proverbiale. Un jour, un sculpteur se présente au chantier après une nuit blanche. L’architecte lui dit: «Lorsque le corps en a besoin, la première chose à faire c’est de le reposer. – Oui, répond le sculpteur, je le ferai en arrivant à la maison. – Non, il faut le faire maintenant». Et le sculpteur doit s’exécuter. La bonté de ce père s’allie néanmoins à un sens très aigu de la justice. Un de ses clients ne veut pas lui payer les arriérés de ses honoraires. Gaudí recourt sans hésiter aux tribunaux et, le procès gagné, il offre l’argent à une communauté de religieuses. En collaboration avec le curé de la paroisse, il dessine et finance de ses propres économies la construction d’une école pour les enfants des maçons et ceux des familles les plus humbles du quartier. «Les pauvres, disait-il, doivent toujours trouver accueil dans l’Église, qui est la charité chrétienne.»
Mais Gaudí a parfois des accès de mauvais caractère qui se traduisent par des paroles tranchantes. «Avec le tempérament que j’ai, affirme-t-il, je n’ai d’autre solution que de dire les choses telles que je les vois. Certes, les gens en souffrent…» Il ajoutera: «Ma force de volonté m’a fait surmonter tous les obstacles, mais elle a échoué sur une seule chose: la réforme de mon tempérament.» Cela ne l’empêche pas d’être joyeux et d’aimer les plaisanteries.
Auprès de lui
Un jour, au cours d’une visite à l’hôpital, Gaudí, accompagné d’un sculpteur, est introduit par une Soeur auprès d’un pauvre moribond qui n’a pas de famille. Les deux hommes restent auprès du malade, lui murmurant des prières à l’oreille jusqu’à ce qu’il rende très paisiblement son dernier souffle. «La dévotion de ce moribond, dira l’architecte, m’a suggéré la pensée que la Sainte Famille était auprès de lui. J’ai l’idée que nous pourrions représenter la scène dans le cloître du Temple.» Sur place, il réalise le croquis: l’Enfant-Jésus dans les bras de sa Mère se penche en souriant pour caresser le mourant, et saint Joseph au pied du lit contemple la scène.
Gaudí met en oeuvre les capacités de chacun: «Le travail est le fruit de la collaboration, et celle-ci ne peut être bâtie que sur l’amour. L’architecte doit utiliser tout ce que ses collaborateurs savent et peuvent faire. Il faut valoriser la qualité spécifique de chacun. Il faut intégrer, additionner tous les efforts et les soutenir lorsqu’ils viennent à se décourager. C’est ainsi qu’on travaille avec joie et avec cette assurance qui rejaillit de la pleine confiance que suscite l’organisateur. Il faut savoir que les inutiles n’existent pas. Tout le monde est utile selon ses propres capacités. Il suffit de découvrir celles de chacun.» Dans ses constructions aussi, Gaudí se plaît à intégrer des débris, des résidus de forges, des choses qui sembleraient inutiles. Il cultive, d’ailleurs, l’amour du travail bien fait et recherche la perfection: «Généralement les gens, quand ils font quelque chose, et que le travail est déjà satisfaisant, renoncent à progresser et se contentent du résultat obtenu; c’est une erreur: quand une oeuvre est sur le chemin de la perfection, on doit la retoucher jusqu’à ce qu’elle soit parfaite». Il explique, d’après son expérience personnelle, qu’il est rare d’atteindre du premier coup un heureux résultat. Aussi, lorsqu’on veut lui imposer des délais, il répond: «Mon client n’est pas pressé»; de fait, il considère que son unique client est le Seigneur Lui-même. Cependant, s’il remarque une erreur dans l’exécution du travail de ses collaborateurs, il la corrige avec une grande délicatesse, disant, par exemple: «Nous ne nous sommes pas bien compris, nous allons essayer à nouveau.»
Une démarche qui coûte
Après la mort prématurée de sa jeune nièce, en 1912, puis celle de son père, Gaudí remarque: «Je n’ai plus rien. Maintenant je puis me donner entièrement au Temple de la Sainte-Famille». Il habite seul dans sa maison du Parc Güell, puis, en octobre 1925, il déménage pour résider sur le chantier de la Sainte-Famille. Son habillement est pauvre; son menu frugal comprend principalement des fruits secs et du lait de chèvre avec du citron. Il verse tous ses honoraires à l’oeuvre de la basilique. Lorsque la crise économique se fait sentir, il va mendier pour pouvoir payer les ouvriers; mais cette démarche lui coûte beaucoup. Un jour une pauvre femme lui donne une peseta, somme infime, qu’il va tout heureux déposer dans le tronc du Temple. Un autre jour, il attend sous un balcon pour s’abriter de la pluie; un passant le prend pour un véritable mendiant et lui fait l’aumône de deux pesetas qui prennent le même chemin. La pauvreté de Gaudí lui vaut quelques mécomptes. Lors de la visite de la Sainte-Famille par l’Infante Isabelle, Gaudí se présente sur les lieux et les gardes royaux, voyant cet homme si pauvrement vêtu, le repoussent. Ses collaborateurs s’écrient: «Mais, qu’ils sont stupides ces gardes! – Non, reprend Gaudí, ils sont à leur poste.» Parfois il est pris pour le sacristain, et il donne humblement les horaires des offices. L’ex-président de la République fédérale espagnole, Monsieur Francesc Pi i Margall, vient, un jour, visiter la Sainte-Famille. Il descend jusqu’à la crypte qui sert déjà au culte, et Gaudí lui offre aimablement de l’eau bénite. Monsieur Pi, un anticlérical, fait celui qui n’a pas vu, mais Gaudí insiste: «Monsieur Francesc, s’il vous plaît…» Et voici que Pi i Margall se surprend lui-même à faire, devant tout le monde, un beau signe de croix.
Un autre jour, arrive le Recteur de l’Université de Salamanque, Miguel de Unamuno, grand écrivain devenu agnostique angoissé. Arrivé devant la façade de la Nativité qui prolifère de symboles chrétiens, il lance à l’architecte: «Vous, un homme si intelligent, vous croyez encore à de telles choses!» Gaudí ne réagit pas. Peu après, on entend sonner l’Angélus: Gaudí interrompt la conversation, ôte son chapeau et, sans respect humain, se met à prier dévotement; après quoi, il dit: «Laus Deo! Je vous souhaite à tous une bonne nuit!»
Un visiteur de l’édifice, admirant cette même façade ornée d’une grande profusion d’éléments naturels, s’écrie: «Mais, c’est un chant à la Nature! Oui, répond Gaudí, mais dites plutôt à la Création!» Gaudí est très critiqué à propos des ornementations végétales et animales de son oeuvre. Il se justifie en montrant que tous ces végétaux et animaux sont représentés pleins de vie et de mouvement: la nature créée forme ainsi la cour de son Créateur.
Chaque jour, Antoine assiste à la Messe et se plonge dans la lecture de l’Évangile où il puise l’inspiration pour réaliser les personnages qui ornent la Sainte-Famille. Lorsqu’il cite l’Évangile, tous sont impressionnés, même les incroyants. Pour lui, «l’homme sans religion est un homme mutilé. Pour bien faire les choses il faut d’abord l’amour, ensuite seulement la technique.» Passionné de chant grégorien, il suit une formation au Palais de la Musique de Barcelone. Lorsqu’on lui demande la raison de son intérêt, il répond: «Je viens ici pour apprendre l’architecture!» Les choeurs de la Sainte-Famille sont prévus pour accueillir environ 3000 chantres, car l’architecte est convaincu que l’avenir appartient à l’Église. Il sait que toutes les sagesses, tous les efforts de l’homme pour s’approcher de Dieu, trouvent leur aboutissement dans le Christ. Son architecture est un témoignage éblouissant de cette conviction: des réminiscences d’autres traditions ou cultures sont employées, à la manière du socle qui porte la Croix. Quand il guide les visiteurs sur le chantier de l’édifice, ses explications constituent un excellent exposé de la doctrine chrétienne. Plusieurs personnes de religions diverses, notamment du bouddhisme et du shintoïsme, se sont converties au catholicisme au contact de Gaudí ou de son oeuvre.
Selon son désir
Le 7 juin 1926, vers 18 heures, au sortir du chantier, Gaudí est renversé par un tramway. Pris pour un mendiant, il est emmené à l’hôpital de la Sainte-Croix, tenu par des religieuses au service des pauvres. Il y reçoit l’Extrême-Onction. Lorsque son identité est reconnue, les équipes médicales les plus compétentes proposent leurs soins; mais il est trop tard. Le 10 juin, Gaudí meurt, en pauvre, comme il l’avait désiré, après avoir prononcé ces derniers mots: «Mon Dieu, mon Dieu!» Ses funérailles sont un grand deuil public, où tous se côtoient, depuis les autorités civiles et ecclésiastiques jusqu’aux gens les plus simples. Il est enseveli dans la crypte de «son» église, à la chapelle de Notre-Dame du Carmel. Son procès de béatification est en cours, et de nombreuses grâces ont été reçues par son intercession.
Gaudí ne pensait pas terminer lui-même son oeuvre: «Je ne voudrais pas terminer la construction du Temple. Cela ne conviendrait pas… Faire monter le Temple est une prière dans le temps. Il faut laisser aux générations futures la possibilité de louer Dieu en le construisant, et cela en employant d’autres styles.» Et il répétait souvent: «C’est saint Joseph qui terminera ce Temple.» De fait, la Sainte-Famille, que le Pape Benoît XVI a élevée au rang de basilique, est un édifice encore inachevé.
Lors de sa dédicace, le Pape relevait un aspect fondamental de cette oeuvre: «Gaudí réalisa ce qui est aujourd’hui une des tâches les plus importantes: dépasser la scission entre conscience humaine et conscience chrétienne, entre existence dans ce monde temporel et ouverture à la vie éternelle, entre la beauté des choses et Dieu qui est la Beauté.» Et il ajoutait: «Nous avons dédié cet espace sacré à Dieu, qui s’est révélé et donné à nous dans le Christ pour être définitivement «Dieu parmi les hommes»… L’Église ne tire pas sa consistance d’elle-même; elle est appelée à être signe et instrument du Christ, dans une pure docilité à son autorité et entièrement au service de son mandat. L’unique Christ fonde l’unique Église; Il est le rocher sur lequel se base notre foi. Fondés sur cette foi, nous cherchons ensemble à montrer au monde le visage de Dieu, qui est Amour, et qui est l’Unique à pouvoir répondre à l’ardent désir de plénitude de l’homme. Telle est la grande tâche: montrer à tous que Dieu est un Dieu de paix et non de violence, de liberté et non de contrainte, de concorde et non de discorde.»
Que Dieu nous donne d’être, chacun à notre place, des artisans de beauté et de paix, témoins de la Vérité qui est le Christ, afin de pouvoir être appelés enfants de Dieu!
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