20 décembre 2023

Bienheureuse Anne de Saint-Barthélemy

Bien chers Amis,

« Je supplie, pour l’amour de Dieu, celui qui n’aurait pas encore commencé à faire oraison de ne pas se priver d’un si grand bien, écrit sainte Thérèse d’Avila. Ici, il n’y a rien à craindre, mais tout à espérer… on arrivera à connaître peu à peu la voie du Ciel… Or l’oraison mentale n’est, à mon avis, qu’un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé » (Vie, ch. 8 ; cf. Catéchisme de l’Église catholique, n° 2709). Par son enseignement sur l’oraison et son exemple, la sainte réformatrice du Carmel a formé une multitude de saints et de saintes. L’une des premières fut la bienheureuse Anne de Saint-Barthélemy. Cette carmélite a été une femme adonnée à l’amour de Dieu et du prochain. Son cœur s’est ouvert à tous : grands et humbles de ce monde, militaires et civils, cardinaux et évêques, jeunes et personnes âgées, hommes et femmes, et principalement ses Sœurs et Frères carmes.

Anne García y Manzanas est née le 1er octobre 1549 dans un village de Castille (Espagne), El Almendral, la sixième de sept enfants. Ses parents sont des propriétaires agricoles aisés et de très bons chrétiens. Le dimanche, avant la Messe, ils s’occupent des pauvres. La mère rend visite aux malades dont elle prend soin avec une grande compassion. La famille est réunie lors de la Messe quotidienne, la lecture des vies des saints et la récitation du Rosaire. Anne n’a que neuf ans à la mort de sa mère en 1558. L’année suivante, elle perd aussi son père. Son frère et sa sœur aînés lui tiennent alors lieu de parents. La situation matérielle des orphelins se dégrade ; Anne garde les brebis, pendant que les garçons travaillent aux champs. Bientôt, Jésus fait sentir sa présence à la jeune fille qu’Il accompagne dans sa vie de bergère.

« Elle avait un beau naturel, de stature moyenne, les traits de son visage étaient gracieux », dira Francisca, une cousine. Quand Anne parvient à l’âge de se marier, on lui présente le frère de son beau-frère. Mais, déjà décidée à se donner à Dieu, elle n’accepte pas. Âgée d’une vingtaine d’années, elle confie à un prêtre son désir secret d’être religieuse, et celui-ci l’oriente vers le carmel fondé à Avila par la mère Thérèse de Jésus (sainte Thérèse d’Avila). Anne s’ouvre alors à ses frères de son aspiration au cloître. Malgré leurs réticences, ils finissent par accepter, et l’aîné, Hernando, la conduit au carmel. Mais il faut attendre la permission du supérieur, et Anne doit revenir à El Almendral pour plusieurs mois. Elle entre enfin au carmel de Saint-Joseph d’Avila au début de novembre 1570. Là, elle peut vivre totalement pour le Christ, et se donner au service de ses Sœurs.

Ce carmel avait, en effet, été fondé en 1562 par sainte Thérèse. Doña Teresa de Ahumada (qui deviendra sainte Thérèse d’Avila), brillante et belle jeune fille de la noblesse castillane, est entrée en 1535, à l’âge de vingt ans, au monastère de l’Incarnation d’Avila. Ayant découvert la pratique de l’oraison mentale, elle ne se satisfaisait plus du genre de vie assez libre mené au monastère. Elle a aussi pris conscience des maux dont souffrait l’Église de son temps : « Ayant appris vers cette époque de quelles terribles épreuves souffrait la France (du fait du protestantisme et des guerres de religion)… j’éprouvai une peine profonde… Je répandai mes larmes aux pieds du Seigneur et le suppliai d’apporter un remède à un tel mal. Il me semblait que j’aurais sacrifié volontiers mille vies pour sauver une seule de ces âmes qui s’y perdaient en grand nombre. Mais étant femme et bien imparfaite encore, je me voyais impuissante à réaliser ce que j’aurais voulu pour la gloire de Dieu. Tout mon désir était et est encore que, puisque le Seigneur a tant d’ennemis et si peu d’amis, ceux-ci du moins lui fussent dévoués. Je me déterminai donc à suivre les conseils évangéliques dans toute la perfection possible, et à porter au même genre de vie les quelques religieuses de ce monastère » (Le Chemin de la Perfection, ch. 1). C’est dans cette perspective qu’elle a fondé le carmel de Saint-Joseph d’Avila. Les carmélites y suivent la Règle primitive du Carmel dans son intégralité, et mènent une vie centrée sur la prière. Thérèse accorde une grande importance à la solitude, à la clôture et au silence, afin que rien ne distraie les Sœurs de la recherche du Seigneur. L’oraison est, en effet, grandement favorisée par le silence.

Le Catéchisme de l’Église catholique affirme même : « L’oraison est silence, ce “silencieux amour” (saint Jean de la Croix). Les paroles dans l’oraison ne sont pas des discours mais des brindilles qui alimentent le feu de l’amour. C’est dans ce silence, insupportable à l’homme “extérieur”, que le Père nous dit son Verbe incarné, souffrant, mort et ressuscité, et que l’Esprit filial nous fait participer à la prière de Jésus… L’oraison est une communion d’amour porteuse de Vie pour la multitude, dans la mesure où elle est consentement à demeurer dans la nuit de la foi » (CEC, nos 2717, 2719).

« Va, ma fille ! »

C’est dans ce carmel Saint-Joseph d’Avila, dont la sainte fondatrice est, de fait, souvent absente, qu’Anne entre. Mais bientôt, la quiétude des premiers jours disparaît. « Le Seigneur, dira-t-elle, se cacha et je restai dans l’obscurité. » Cette épreuve durera le temps du noviciat. Lors de sa prise d’habit, la jeune novice reçoit le nom d’Anne de Saint-Barthélemy. Le couvent est pauvre et encore en travaux : pendant que les ouvriers prennent leur repas, les religieuses se mettent elles-mêmes à l’œuvre et font ce qui est en leur pouvoir. La Sœur Anne de Saint-Barthélemy remplit aussi les offices de portière, cuisinière et infirmière. Le 15 août 1571, elle fait sa profession religieuse comme sœur converse, c’est-à-dire dédiée principalement, outre l’oraison, aux tâches manuelles. De 1575 à 1577, elle souffre d’une étrange maladie : épuisée par ses nombreuses tâches, elle semble proche de la mort. Les médecins ne savent pas quel est son mal, et leurs remèdes sont inefficaces. De retour à Saint-Joseph d’Avila vers la fin du mois de juillet 1577, sainte Thérèse d’Avila l’appelle auprès d’elle, lui redonne courage, puis lui ordonne d’aller donner à manger aux malades. Anne, qui se trouve dans un état critique, obéit, et le Christ la réconforte : aussitôt elle se sent mieux. La Mère lui dit : « Va, ma fille, sois bonne infirmière… Le Seigneur t’aidera ! »

Mère Thérèse, qui estime beaucoup la Sœur Anne de Saint-Barthélemy, désire la garder toujours auprès d’elle. Désormais, elles vivront inséparablement unies jusqu’au décès de la Mère. Anne entoure sa fondatrice de son affection, lui tient compagnie et lui vient en aide avec beaucoup de promptitude. Elle affirmera candidement que « la Mère se sentait perdue sans elle ». Dans le dessein d’établir de nouveaux monastères, elles vont effectuer ensemble quatre longs voyages, dans des charrettes bâchées pour maintenir la clôture, dans le froid vif de l’hiver comme dans la chaleur torride de l’été, le long de sentiers remplis d’embûches, et malgré les maladies de la Mère.

Le motif qui pousse Thérèse d’Avila à fonder des monastères est la compassion pour le Christ qui souffre dans son Église. Dans sa « Relation » du 9 février 1570, elle rapporte une faveur divine reçue au carmel de Malagón. Le Seigneur lui a fait comprendre qu’il subit actuellement dans son corps qui est l’Église de grandes souffrances. « Que puis-je faire, Seigneur, pour remédier à tant de maux ? demande la Mère. Je suis prête à tout ! » Le Christ lui répond aussitôt : « Ce n’est pas le temps de te reposer ; hâte-toi de fonder ces monastères ; ma joie est d’être près des âmes qui les habitent. » À une époque où le mystère de la Présence réelle du Christ dans l’Eucharistie est particulièrement rejeté, sous l’influence du protestantisme, Thérèse est embrasée du désir de voir s’élever de nouveaux couvents où le Saint-Sacrement sera honoré. Sa vision de l’enfer et la considération de la perte des âmes portent aussi la Mère à réaliser des fondations, en vue de prier pour le salut des pécheurs.

Quatre voyages avec une sainte

Le premier périple des deux religieuses s’étend de juin à novembre 1579 : elles vont à Medina, Valladolid, Alba de Tormes et Salamanque, puis retournent à Avila. À Salamanque, selon le souhait de la Mère Thérèse, Anne se remet à travailler l’écriture, qu’elle avait apprise dans son enfance ; elle prend pour modèle celle de la sainte elle-même. Elle remplit ainsi l’office de secrétaire, recopiant les lettres de la Mère, puis perfectionnant des lettres dictées en coup de vent. Le second voyage va de novembre de la même année jusqu’à juillet 1580 : elles visitent la communauté de Malagón et installent la nouvelle fondation de Villanueva de la Jara. Au cours du troisième voyage, à partir du mois d’août 1580 jusqu’en septembre 1581, elles vont à Medina, Valladolid, puis réalisent les fondations de Palencia et de Soria. Le quatrième voyage, de janvier à octobre 1582, est le dernier de la Mère Thérèse : Medina del Campo, Valladolid et Palencia pour arriver à Burgos où elles fondent un monastère, le 26 janvier 1582, après un voyage fort pénible. La Mère est très malade. La fondation de Burgos à peine achevée, la maison se trouve brusquement inondée par une grande crue du fleuve voisin, et les religieuses échappent de justesse à la mort. Le 26 juillet, elles prennent le chemin du retour vers Avila, par Valladolid et Medina. Là, le Père Antoine de Jésus leur impose d’aller à Alba de Tormes, où elles arrivent le 20 septembre. Deux semaines plus tard, la Mère Thérèse rend son âme à Dieu.

« L’après-midi du 3 octobre 1582, relate la Sœur Anne, le Père Antoine de Jésus alla rendre visite à la fondatrice, et voyant que je ne me reposais pas, il me demanda d’aller manger quelque chose. Et moi m’en étant allée, la sainte ne s’apaisait pas, elle regardait d’un coin à l’autre de la pièce. Et le Père lui demanda si elle me voulait auprès d’elle, et par signes elle dit que oui et ils me rappelèrent. Et comme je venais, dès qu’elle me vit elle se mit à rire ; et elle me manifesta tant de remerciements et d’amour qu’elle me prit dans ses mains et mit sa tête dans mes bras ; et c’est ainsi qu’elle est restée serrée dans mes bras jusqu’à ce qu’elle expirât, et j’étais, moi, plus morte que la sainte elle-même. »

Un zèle ardent

Anne retourne à Avila, le 3 novembre 1582. Mère Marie de Saint-Jérôme, cousine de la Mère Thérèse, y est élue prieure. Un jour, la Mère fondatrice apparaît à Sœur Anne, et lui affirme qu’elle peut lui demander ce qu’elle veut. « Je vous demande, répond celle-ci, l’Esprit de Dieu : qu’Il soit toujours en mon âme ! » Neuf ans plus tard, en 1591, Mère Marie de Saint-Jérôme est élue prieure à Madrid pour trois ans ; elle emmène avec elle Sœur Anne de Saint-Barthélemy. Fidèle à sa vocation de service, celle-ci s’ingénie à donner joie et soutien à toutes les Sœurs, faisant œuvre de paix dans la communauté de Madrid. Les deux religieuses reviennent à Avila en septembre 1594. Mais elles repartent bientôt pour une autre fondation à Ocaña, où elles demeurent trois ans. Les quatre années suivantes sont vécues à Avila dans l’attente d’une fondation en France. Le cœur de Sœur Anne, qui a hérité du zèle apostolique de la fondatrice pour le salut des âmes, brûle de sollicitude pour celles qui se perdent en France.

Madame Acarie, une femme mystique mère de six enfants, a pris l’habitude de réunir dans son hôtel, à Paris, des hommes et des femmes, parmi lesquels de grandes dames de la Cour et des universitaires désireux de pratiquer une spiritualité exigeante. Dès 1601, Madame Acarie lit les écrits de sainte Thérèse. Une apparition de celle-ci lui fait comprendre qu’elle est appelée à fonder un carmel en France. Pour que ce nouveau carmel ait bien l’esprit de la sainte, il est décidé d’aller chercher en Espagne des religieuses qui ont connu la fondatrice. Pierre de Bérulle, qui est à l’origine de l’Oratoire de France, s’investit beaucoup pour la réalisation de cette fondation ainsi que Michel de Marillac, qui sera Garde des Sceaux en 1626 ; les démarches nécessaires se poursuivent pendant plusieurs années, non sans beaucoup de difficultés, d’autant que les relations de la France et de l’Espagne sont tendues. De plus, les Pères carmes se montrent réticents à laisser partir les Sœurs, et il faudra une intervention du nonce apostolique pour vaincre le refus du Père Général.

Le 17 octobre 1604, six religieuses carmélites espagnoles arrivent à Paris : Anne de Jésus, Isabelle des Anges, Béatrice de la Conception, Éléonore de Saint-Bernard, Isabelle de Saint-Paul et une sœur du voile blanc (c’est-à-dire converse), Anne de Saint-Barthélemy. Un lieu convenable leur a été préparé dans le prieuré Notre-Dame-des-Champs. Bientôt, sept aspirantes françaises prennent l’habit et se mettent à l’école des Espagnoles, impressionnées par leur sainteté et leurs qualités humaines. Anne de Saint-Barthélemy s’emploie immédiatement à son humble service de la cuisine. Son idéal est l’obéissance ; elle écrira : « Nous n’avons rien de meilleur à donner à Dieu que la volonté. Il fait le même cas des petites choses faites par obéissance que des grandes, car il n’en regarde pas la grandeur, mais l’amour qu’on y apporte et le renoncement à soi-même. »

Le grand silence

Peu après, reconnaissant les mérites et les capacités de Sœur Anne de Saint-Barthélemy, les supérieurs de l’Ordre l’obligent à passer de l’état de sœur converse à celui de sœur de chœur (ce que la Mère Thérèse avait déjà désiré de son vivant, mais que Sœur Anne avait refusé afin de rester dans l’état le plus humble). Elle est alors désignée comme prieure d’un monastère que l’on fonde à Pontoise en janvier 1605. Anne se donne entièrement à l’enseignement du charisme thérésien, notamment par la pratique du silence. « Voyons en Sa Majesté (Dieu) une chose à admirer, parmi toutes ses autres actions, écrit-elle : le grand silence avec lequel il opérait tous les mystères de notre Rédemption. À son exemple, gardons notre silence pour son amour. Faisons nos œuvres pour lui seul, en silence ; c’est ce qui importe le plus. Notre-Seigneur lui-même dit qu’il parlera en secret aux humbles de cœur. » Elle ajoute : « Ô bienheureux silence ! C’est par ce silence, Seigneur, que Tu cries et que Tu fais retentir Ton enseignement dans le monde entier, et c’est dans ce silence, plutôt que dans les livres et dans l’étude, que ceux qui T’aiment puisent la Sagesse. Le Seigneur s’est fait pour nous Source d’eau vive pour que nous ne périssions pas dans cet océan d’épreuves. Sans la foi nous ne pouvons pas avancer dans la voie royale des mystères de Dieu. La foi nous ouvre les yeux, elle nous guide. Là où il n’y a pas de foi, il n’y a pas de lumière ni de chemin qui mène au Bien. »

Mais le 5 octobre suivant, elle est choisie comme prieure de la communauté de Paris. Elle s’éloigne de Pontoise à deux heures du matin, dans le secret le plus absolu et sous un déguisement, pour que personne dans la communauté et dans la ville ne l’empêche de partir. Si sa nouvelle communauté ne compte qu’une seule religieuse qui ait fait sa profession, elle comprend de nombreuses novices. Mère Anne se livre entièrement à la tâche d’établir une famille tout enflammée de l’amour du Christ. À sa grande satisfaction, une belle fraternité s’instaure, malgré la difficulté de la langue. Elle souhaite vivre sous le gouvernement des Pères carmes, mais on ne le lui permet pas. Bientôt, Pierre de Bérulle s’immisce dans la vie de la communauté et y sème involontairement le trouble, ne laissant pas la prieure exercer sa fonction. Mère Anne en souffre intensément. Le 18 mai 1608, elle est envoyée à Tours pour la fondation d’un carmel. Dans la ville, la situation sociale et religieuse est différente de celle de Paris. Le monastère, il est vrai, échappe à l’influence de M. de Bérulle, mais de nombreux protestants, n’appréciant guère la venue des carmélites, médisent sur elles. Mère Anne parvient toutefois à retourner la situation : elle se fait respecter et obtient même quelques conversions. « Ces thérésiennes que nous n’aimons pas, murmure-t-on, vont tous nous convertir à la foi. » Le travail accompli par la Mère Anne de Saint-Barthélemy en France est considérable : l’éditeur des lettres du cardinal de Bérulle affirme qu’elle « mérite, dans l’histoire de la restauration catholique en France, une place que les historiens ne lui ont pas encore donnée. »

Mère Anne écrit de très nombreuses lettres, toujours spontanées et simples, pleines d’une affectivité débordante, mais aussi d’une remarquable prudence. Elle s’y montre toujours soucieuse des autres, notamment de leur santé, car elle ne supporte pas de les voir souffrir ; bien des lettres manifestent son désir de transmettre du courage et de la joie. Anne est une femme pleine de vie, qui, comme elle le dit elle-même, ne permet à personne d’être triste.

L’amour et l’exemple

Avec le temps, Mère Anne de Saint-Barthélemy en vient à abandonner tout espoir de vivre sous la juridiction des Pères carmes en France : Pierre de Bérulle y fait obstacle. À la suggestion des carmes des Pays-Bas et avec l’autorisation du Père Général, elle part pour Anvers, en Flandre, alors sous la souveraineté de l’Espagne. Le 6 novembre 1612, la fondation a lieu dans une grande pauvreté, mais avec une immense confiance en la Providence, à la manière de sainte Thérèse. Trois ans plus tard, la petite communauté se déplace pour intégrer son couvent définitif. La Mère met en pratique la pédagogie thérésienne, exigeant pureté et simplicité, obéissance et totale ouverture. « Si on les conduit (les novices) avec prudence et amour, écrit-elle, on obtiendra qu’elles prennent les amertumes pour des douceurs. Il est bon de leur parler avec franchise et de leur dire quelquefois nos propres fautes ou quelques-unes de nos tentations, pour leur donner le courage d’avouer les leurs. Quand on enseigne la vertu en paroles, si les œuvres ne se voient pas, on l’enseigne mal. Toute l’exigence de la vie religieuse, on peut la montrer par l’amour et par l’exemple mieux que par la rigueur et les menaces. » La Règle déclare d’ailleurs : « La prieure emploiera la loi de la douceur et n’usera de rigueur et de sévérité que dans des circonstances exceptionnelles. » Dans cet esprit, la Mère aime à faire cette prière : « Seigneur, si vous devez me châtier, je préfère que ce soit à cause de trop de douceur plutôt que pour trop de rigueur. » Elle ne manque cependant pas de la fermeté requise dès qu’il s’agit de la claire volonté de Dieu. Elle-même vit de manière austère et dort environ trois heures par nuit. Mais ses mortifications ont pour but l’humilité : « La mortification extérieure ne vous servira guère, affirme-t-elle à ses Sœurs, si elle n’est pas réglée par l’humilité et la mortification intérieure… Marchons dans la crainte de Dieu et dans la sainte humilité. Les erreurs commises par pure faiblesse, Dieu les pardonne aussitôt, mais la tiédeur en amour, surtout persistante, cela lui déplaît beaucoup. »

À l’arrivée de la Mère Anne, la Flandre jouit encore de la paix. En effet, la “guerre de Quatre-Vingts Ans” (1568-1648), insurrection d’une partie des Néerlandais, notamment des protestants, contre le roi catholique d’Espagne, souverain des Pays-Bas, a été interrompue par une trêve de douze années, établie par le traité d’Anvers (1609). Avec la fin de la trêve, les hostilités reprennent. Dans la nuit du 13 au 14 octobre 1624, la ville d’Anvers subit une attaque maritime surprise de la part des protestants. Malgré la nuit, la prieure réunit ses Sœurs pour prier, et voici qu’une tempête vient disperser les navires et anéantir les plans de l’agresseur. Tous attribuent cette libération aux prières d’Anne de Saint-Barthélemy.

Les deux dernières années de sa vie, la Mère souffre de plusieurs maladies. Le 7 février 1626, quatre mois avant sa mort, elle a une vision de la Très Sainte Trinité. Quelques dames de la Cour viennent rendre visite à la malade ; confuse de cet excès d’égards, celle-ci s’adresse au Seigneur : « Comment pouvez-vous supporter qu’une pauvre carmélite fasse un tel bruit ? Non, Seigneur, ne le permettez pas, mais emmenez-moi sans bruit ni tapage ! Une pauvre carmélite ne devrait pas faire autant de bruit à sa mort ! » Le 7 juin, dimanche de la Très Sainte Trinité, sa mort prend au dépourvu ses amis et les grands de la Cour. Mère Anne a soixante-seize ans.

La Mère Anne de Saint-Barthélemy a été béatifiée par le Pape Benoît XV le 6 mai 1917. Demandons-lui de nous obtenir la fidélité à l’oraison quotidienne, et un grand zèle pour le salut des âmes !

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Bienheureux Alberto Marvelli

15 novembre 2023

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