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16 Julho 2015 fête de Notre-Dame du Mont-Carmel |
Il fait nuit. Nous sommes à la veille de la Première Guerre mondiale, en Patagonie, au sud de lactuelle Argentine, bien loin des conflits politiques de lAncien Monde. Le silence nocturne assoupit lactivité du port de Viedma ; un cycliste en blouse blanche passe comme un ange de Dieu dans les rues obscures. Si daventure quelquun laperçoit, il ne sen étonne pas : chacun sait ici que cest don Zatti, figure emblématique de la petite cité, qui se rend auprès dun malade pour le soigner à domicile. Lorsque le pauvre homme alité voit arriver à son chevet le charitable Frère salésien, il sexcuse de le faire venir à pareille heure. La réponse fuse avec entrain : « Votre devoir est de mappeler ; mon devoir est de venir ! » Si quelquun avait prédit à ladolescent de la plaine du Pô quil serait un jour la providence des pauvres à lautre bout du monde, il aurait probablement éclaté de rire.
Né le 17 octobre 1880 à Boretto, dans lÉmilie, au nord-est de lItalie, Artémide Zatti est le second des huit enfants de Luigi Zatti et dAlbina Vecchi. Pour nourrir leur famille, ces modestes agriculteurs peinent sur une terre qui ne leur appartient pas. Quand la maman est aux champs, cest la fille aînée qui soccupe des enfants. Dès lâge de quatre ans, Artémide aide ses parents à la ferme. Il fréquente cependant lécole élémentaire jusquà lâge de neuf ans avant de sembaucher comme ouvrier agricole chez un propriétaire du voisinage. Levé à trois heures du matin, il mange à la hâte un peu de polenta au lait et part pour les champs. Sa diligence au travail et son sens de la responsabilité, acquis auparavant en partageant avec sa mère le soin de ses plus jeunes frères et surs, le distinguent des adolescents de son âge. Son salaire ? Vingt-cinq lires par an ! Non seulement il sen contente, mais lorsquon lui prépare un gâteau en reconnaissance de son zèle, il le rapporte à la maison au lieu de le garder pour lui ; il se réjouit alors de voir ses sept frères et surs dévorer la friandise en un clin dil sous ses yeux, tant il est vrai quil y a plus de bonheur à donner quà recevoir (cf. Ac 20, 35).
Le marasme économique dans lequel sest enlisée lEurope entière durant ce dernier quart du XIXe siècle, affecte cruellement le monde agricole : les affaires vont de mal en pis, les machines manquent, les ouvriers sont au chômage. La malnutrition cause de graves maladies ; la pellagre en particulier un mal qui peut entraîner la démence et la mort ravage la plaine du Pô. Les Zatti décident donc de rejoindre en Amérique du Sud un oncle qui sy est installé. Ils arrivent en 1897 à Bahia Blanca, dans le nord de la Patagonie. La quasi-totalité de la population de cette vaste région semi-désertique réside dans les villes du littoral atlantique. À lorigine simple base militaire, Bahia Blanca sest développée grâce à la liaison ferroviaire avec Buenos Aires établie en 1885 ; elle est devenue un véritable carrefour commercial et sa population sest rapidement accrue du fait de larrivée démigrants espagnols et italiens.
« Jirai pour mourir »
Luigi Zatti sengage dans un stand au marché. Artémide, quant à lui, travaille quelque temps dans une auberge puis dans une fabrique de tuiles. Tout près de là, des religieux salésiens dorigine italienne tiennent une mission depuis 1875. Dans ses temps libres, Artémide aide le curé, le Père Carlo Cavalli, ou bien sen va lire dans sa bibliothèque. Fasciné par la vie de don Bosco (le fondateur de la congrégation salésienne), il ne tarde pas à percevoir un appel de Dieu à la vie religieuse. Le curé en fait part à M. Zatti, qui permet à son fils dentrer au pré-noviciat salésien de Bernal, près de Buenos Aires. Là, Artémide rencontre les premières difficultés. Avec ses dix-neuf ans, il est le plus âgé de tous les aspirants au sacerdoce. Parlant surtout le dialecte de son pays dorigine, mêlé à un peu ditalien et despagnol, il éprouve des difficultés dans létude du latin. Chargé de prendre soin dun prêtre tuberculeux, il contracte la maladie et doit saliter. Le jour de la prise de soutane, accablé par la fièvre et une forte toux, il ne peut participer à la cérémonie ni recevoir lhabit ecclésiastique. À cette époque, la tuberculose fauche des vies en grand nombre ; aussi le médecin conseille-t-il denvoyer le malade plus au sud, à Viedma, où lair est plus sain. Artémide se soumet de grand cur : « Jirai à Viedma pour mourir, si telle est la volonté de Dieu ! »
Située sur la rive gauche du río Negro à 30 km de son embouchure sur locéan Atlantique, Viedma est reliée à Bahia Blanca par une voie ferrée de 250 km. Dans cet avant-poste missionnaire peuplé de soldats, daventuriers et douvriers livrés à eux-mêmes, les Salésiens tiennent une pharmacie et un hôpital quils ont aménagés dans une ancienne écurie. Des maladies, fréquentes en Europe, trouvent les indigènes sans défenses immunitaires ; faute dassistance sanitaire, ils meurent par centaines. Le Père Evasio Garrone, qui accueille Artémide, est le seul médecin (sans le titre officiel) dans la place. Il a acquis une grande expérience comme infirmier dans larmée italienne, et tous se tournent vers lui en lappelant docteur. Ce prêtre invite le jeune tuberculeux à prier la Sainte Vierge pour obtenir sa guérison, et il lui suggère la formule suivante : « Si vous me guérissez, je consacrerai le reste de ma vie aux malades de cet établissement. » À la surprise de tous, Artémide se rétablit rapidement : « Jai cru, dit-il, jai promis, jai guéri. » Il sengage alors avec enthousiasme sur sa voie désormais toute tracée. Le 11 janvier 1908, il émet sa première profession comme Frère coadjuteur, puis prononce ses vux perpétuels le 8 février 1912. Fidèle à sa promesse, il prend dabord en main la pharmacie pour simpliquer ensuite de plus en plus, comme infirmier, dans le soin des malades. Après la mort du Père Garrone, aussi bien le poids de lhôpital Saint-Joseph que celui de la pharmacie Saint-François reposent sur ses épaules.
Sans diplôme
Le jeune religieux acquiert une telle compétence quon le regarde bientôt comme indispensable. Mais il na aucun diplôme et doit se mettre en règle avec la législation : lÉtat par ailleurs tout à fait incapable de pourvoir aux besoins sanitaires de Viedma exige un diplôme de ceux qui soccupent des malades. Pour assurer la légalité de linstitution et son avenir, les supérieurs salésiens font appel à un médecin qualifié. Cest pourtant Artémide qui doit faire face aux imprévus, engager sa responsabilité, en un mot, gérer létablissement ; il lui arrive même de faire le ménage ! En 1913, il parvient, à force de travail et de démarches, à reconstruire entièrement lhôpital et à le doter de tous les équipements nécessaires pour donner les meilleurs soins aux malades. Ceux-ci affluent, mais bien peu sont en mesure dacquitter les frais dhospitalisation. Aussi Artémide parcourt-il toute la ville avec sa bicyclette pour collecter des fonds. Quand on le voit coiffé de son grand chapeau, on comprend quil se rend chez un banquier ou chez un généreux bienfaiteur.
Ayant personnellement connu la maladie, lhumble Frère perçoit mieux que quiconque quels sont les besoins dautrui ; et la connaissance certaine de sa vocation le conduit à embrasser de tout cur la douleur et la misère de son prochain, dans lequel il voit le Christ crucifié.
« À ceci nous avons connu lamour, cest que Lui a donné sa vie pour nous. Et nous devons, nous aussi, donner notre vie pour nos frères (1 Jn 3, 16). Je madresse de manière particulière aux personnes malades et à tous ceux qui leur apportent assistance et soin, disait le Pape François le 11 février 2014. LÉglise reconnaît en vous, chers malades, une présence spéciale du Christ souffrant. Car il en est bien ainsi : à côté de notre souffrance, ou mieux encore, dans notre souffrance, il y a celle de Jésus qui en supporte le fardeau avec nous et en révèle le sens. »
Un retour triomphal
En 1914, Artémide obtient la nationalité argentine ; cest une joie car il aime désormais le río Negro autant que le Pô, son fleuve natal. Linfirmerie de la prison de Viedma étant devenue trop petite, les détenus sont envoyés à lhôpital Saint-Joseph. Une nuit, lun des prisonniers parvient à sévader. Zatti est condamné à une peine de prison pour « manquement dans la garde des prisonniers ». Cette décision scandaleuse plonge les gens du pays dans la stupeur. Pour manifester leur indignation, infirmiers, écoliers du collège, convalescents et tous ceux qui avaient bénéficié de sa charité lui font cortège, musique en tête. Après cinq jours de détention, le Frère est libéré : son retour est triomphal. « Javais tant besoin dun peu de repos ! » plaisante-t-il simplement devant la foule, car il sait voir en toutes circonstances la main de Dieu qui agit pour son bien.
E?n 1915, un pharmacien muni du diplôme officiel sétablit dans le voisinage. Aux yeux de ladministration, la pharmacie Saint-François tenue par les Salésiens na désormais plus de raison dêtre tolérée par lÉtat. Artémide, qui na aucun diplôme, va être contraint de fermer son officine
Il ne peut sy résigner : comment les pauvres se procureront-ils des médicaments à des prix abordables ? Il se rend donc à La Plata, passe les examens nécessaires et revient diplômé !
Les journées du Frère Artémide à Viedma sont bien remplies au service de Dieu et des pauvres. Chaque matin, il se lève à quatre heures et demie, allume le feu et se rend à léglise où il prie, souvent prosterné le front jusquà terre. Puis il assiste à la Messe avant de visiter ses malades de lhôpital, qui le saluent tous du titre tant honorifique quaffectueux de don Zatti. En passant près du réfectoire, il prend à la hâte un café au lait avant denfourcher sa bicyclette pour aller donner les soins à domicile. À midi, il sonne la cloche et récite langélus avec la communauté. Après le déjeuner, il lui arrive de jouer aux boules avec les malades, plein dun enthousiasme digne de don Bosco. À quatorze heures, il reprend ses tournées à bicyclette. Avant le souper, il travaille à sa correspondance puis prend contact avec le personnel de lhôpital, donnant avec précision conseils et consignes. Sous son influence, ses collaborateurs croissent en délicatesse et dans la charité chrétienne. Le soir, Artémide dîne avec la communauté avant de rendre une ultime visite aux malades alités. Sil na pas dobligation à lextérieur, il lit des ouvrages pieux et des traités de médecine, jusque vers dix ou onze heures du soir. La nuit, on lappelle souvent au chevet dun malade. Fidèle à la devise de don Bosco travail et tempérance, il montre un esprit de sacrifice vraiment héroïque : une nuit, à lhôpital, il enlève lui-même le corps dun malade décédé, pour éviter aux autres patients de le voir.
De jour comme de nuit, don Zatti perçoit lappel du Christ dans le gémissement de chaque malade. Il répond avec promptitude et diligence à cet amour qui linvite à se donner, à limitation du Seigneur, qui sest livré pour nous sauver. Le Pape François affirmait dans ce sens, le 11 février 2014 : « Jésus est la vie et, avec son Esprit, nous pouvons le suivre. Comme le Père a donné son Fils par amour et le Fils sest donné lui-même par le même amour nous aussi, nous pouvons aimer les autres comme Dieu nous a aimés, en donnant notre vie pour nos frères. La foi dans le Dieu bon devient bonté, la foi dans le Christ crucifié devient force daimer jusquau bout, même les ennemis. La preuve de la foi authentique dans le Christ est le don de soi, la diffusion de lamour envers le prochain, surtout envers celui qui ne le mérite pas, envers celui qui souffre, celui qui est marginalisé. »
Service gratuit à toute heure
Les services dArtémide sétendent aux localités voisines, le long du río Negro. En cas de nécessité, il se déplace gratuitement quelle que soit lheure, jusque dans les maisons les plus misérables des périphéries. Sa réputation est telle quon lui amène parfois des malades venant du sud de la Patagonie. Il nest dailleurs pas rare que les malades préfèrent sa visite à celle dun médecin. Sa simple présence, rayonnante de joie intérieure, console les curs endoloris ; il prodigue des soins compétents tout en chantant, et récrée les malades par mille trouvailles et plaisanteries. Il entend soigner lui-même les cas les plus désespérés, les maladies et les plaies les plus répugnantes. Il prend sur lui leur douleur et leur communique sa joie. Lui-même ne pleure que lorsquil ne peut plus rien faire pour eux, mais ceux qui meurent dans ses bras ont le sourire aux lèvres. Quand il visite les malades pauvres, il leur laisse quelque aumône. Le généreux Frère va même un jour, pour faire face à lurgence de la situation, et faute de meilleure solution, jusquà accueillir dans sa propre chambre un homme gravement malade. Il lui laisse son lit et se contente dune chaise pour son repos nocturne. Au lieu de saffliger dêtre empêché de dormir par les ronflements de son hôte, il bénit le Seigneur : « Dieu merci, il est encore vivant ! » Rempli intérieurement de la joie du Saint-Esprit, il ne cède pas à la colère, ne parle en mal de personne et naccepte pas quon dise devant lui du mal de qui que ce soit.
Laccueil que don Zatti réserve aux personnes les plus diminuées par la souffrance et les infirmités est une lumière et un exemple pour la vie sociale. « Une société est vraiment accueillante par rapport à la vie, expliquait le Pape François lors de la journée mondiale des malades, quand elle reconnaît que celle-ci est précieuse même dans la vieillesse, le handicap, la maladie grave et même quand elle est en train de séteindre ; quand elle enseigne que lappel à la réalisation humaine nexclut pas la souffrance ; plus encore, quand elle enseigne à voir dans la personne malade et souffrante un cadeau pour la communauté entière, une présence qui appelle à la solidarité et à la responsabilité. Cest cela, lÉvangile de la vie » (11 février 2014).
Don Zatti garde à lhôpital une femme devenue muette dans son enfance à la suite de mauvais traitements. Très diminuée dans ses facultés, elle se comporte avec extravagance. Artémide conserve sa douceur et refuse de la molester en dépit des conseils de ceux qui la tolèrent difficilement : « Elle a déjà bien assez souffert, leur dit-il, je ny ajouterai rien. » Cette femme vivra quarante-huit ans à lhôpital
Les pires disgrâces trouvent chez le charitable Frère le meilleur accueil. Un jour, il reçoit un enfant indien couvert de plaies et pratiquement nu : « Ma Sur, demande-t-il à son assistante, essayez de voir sil ny a pas de quoi vêtir un Enfant-Jésus de dix ans. » Il considère que le plus pauvre attire la bénédiction de Dieu. Bien quil nait pas bénéficié de leur cursus universitaire, Zatti est regardé par les médecins comme lun des leurs. Frappés par son intelligence et ses compétences, ils admirent plus encore son ascendant moral. Un médecin athée avoue un jour : « En présence de Zatti mon incrédulité vacille. Si jamais il y a des saints sur terre, en voici un ! »
Une empreinte ineffaçable
«Les saints, disait le Pape Benoît XVI le 20 août 2011, sont les témoins qui nous montrent comment vivre le drame de la souffrance pour notre bien et pour le salut du monde. Ces témoins nous parlent surtout de la dignité de chaque vie humaine créée à limage de Dieu. Aucune affliction nest capable deffacer cette empreinte divine gravée au plus profond de lhomme. Bien plus, depuis que le Fils de Dieu a désiré librement embrasser la douleur et la mort, limage de Dieu nous offre aussi le visage de celui qui les a supportées. Cette prédilection particulière du Seigneur pour qui souffre, nous fait regarder lautre avec des yeux purs pour lui donner, en plus des choses extérieures nécessaires, le regard de lamour dont il a besoin. Cela nest réalisable quà la suite dune rencontre personnelle avec le Christ. »
En 1934, le siège dun évêché est créé à Viedma et lhôpital Saint-Joseph doit céder la place à la demeure épiscopale. Les nouveaux aménagements détruisent les installations qui avaient coûté tant de sacrifices à don Zatti. Les Salésiens mettent alors à la disposition de celui-ci une ferme, un peu à lécart de la ville. Le saint Frère organise le déménagement sans se départir de son bon sourire. Tout est à refaire ; mais ses parents pauvres en valent bien la peine ! Il retrousse ses manches et se remet en selle pour quêter. Sa réputation ne fait que croître et les mères lui apportent leurs bébés pour quil les bénisse. Devant la sympathie dont Artémide est lobjet, un responsable politique sexclame : « Que le ciel nous accorde, à nous politiciens, davoir autant dinfluence ! »
Un jour cependant, on voit le Frère salésien appuyé au guichet de la banque, mêlant larmes et prière. Un témoin de la scène se précipite chez lévêque pour lavertir que don Zatti est en détresse : « Cette fois-ci, cest la faillite et la prison ! » Il doit, en effet, une grosse somme dargent et personne nest venu à son aide. « Toujours le même, ce Zatti ! », marmonne le prélat, qui envoie sur le champ au pauvre Frère ce qui lui reste en caisse. Depuis longtemps, les supérieurs sinquiètent de la manière dont il gère ses finances. Plusieurs fois, ils lui ont donné des conseils précis, et ils ont fini par lui adjoindre un comptable allemand. Pointilleux, ce dernier, ne supportant pas les manières dArtémide en fait de gestion, est reparti avant quune année ne se soit écoulée. Pour le Frère salésien, la comptabilité est en effet chose fort simple : dun côté largent quil reçoit ; de lautre, celui quil doit. Ses dettes, proverbiales dans tout le pays, sont loin de le décourager ; plus elles augmentent, plus il se démène, mettant sa confiance en la divine Providence. « Je ne demande pas à Dieu de menvoyer de largent, dit-il, je lui demande seulement de me dire où il y en a ! » Il répète souvent : « Largent, sil ne sert pas à faire du bien, ne sert à rien. » Des sommes importantes passent par ses mains, mais il entend rester pauvre. Depuis 1907, il porte le même chapeau à larges bords pour se protéger du soleil et de la pluie. La bicyclette est son unique moyen de transport ; quand on lui offre une mobylette ou une petite voiture, il refuse en affirmant : « Je serais mal à laise ! »
Vers le meilleur !
Vers le début de lannée 1951, il tombe du haut dun toit quil répare par temps pluvieux. Il en faut plus pour larrêter, et un mois après cet accident, il est de nouveau sur son vélo. À cette époque pourtant, on lui fait remarquer sa mauvaise mine et son teint verdâtre. Il en rit : « Je suis comme les citrons qui ne sont pas encore mûrs, mais qui doivent devenir jaunes. » Derrière cette plaisanterie, il dissimule son propre diagnostic : tumeur maligne au pancréas. Loin de sen affliger, il affirme : « Je suis venu ici il y a cinquante ans pour mourir, et maintenant quarrive le moment, que voudrais-je de plus ? Je my suis préparé toute ma vie. » Quand le médecin lui demande : « Comment allez-vous ? », il répond en levant les yeux au ciel : « Vers le meilleur, docteur, vers le meilleur ! » Et toujours de bonne humeur, il reprend aimablement ceux qui se lamentent sur lui. Le 8 mars, il écrit sur une feuille de papier les soins quil faut lui donner les sept jours suivants. Cest son ultime ordonnance, et, comme toujours, il la soumet au médecin pour approbation. Le traitement sachevait le 14 mars. Au matin du 15, lorsque le médecin le visite, il trouve le certificat de décès déjà rédigé par le malade lui-même qui a réservé un blanc pour quon puisse marquer lheure de sa mort. Après celle-ci, la chapelle mortuaire se remplit de fleurs des champs cueillies par les pauvres. Le jour des obsèques, 16 mars 1951, toute la ville prend le deuil : les usines, les ateliers et les services publics eux-mêmes suspendent leur activité.
Artémide Zatti a été proclamé bienheureux le 14 avril 2002 par saint Jean-Paul II : cétait le premier Frère coadjuteur salésien à recevoir cet honneur. Que son exemple et son intercession nous aident à rechercher toujours la présence du Seigneur et à laccueillir dans tous nos frères, spécialement les plus démunis !