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29 juin 2007

Franz Stock

Bien chers Amis de l’abbaye Saint-Joseph,

Pendant l’occupation allemande, les habitants de la rue Lhomond à Paris-Ve ont remarqué une silhouette noire qui, plusieurs fois par semaine au cours des années 1941-1944, se glisse à bicyclette, dès le petit jour, dans les avenues désertes de la capitale. Sur le porte-bagages, est solidement fixée une sacoche pleine à craquer. Au bout de quinze kilomètres, le cycliste arrive à la prison de Fresnes, la plus vaste de la région parisienne avec ses 1500 cellules où s’entassent jusqu’à 5000 prisonniers des Allemands. Chaque fois, il lui faut franchir le corps de garde en essuyant éventuellement les quolibets des S.S., mais surtout en évitant d’attirer l’attention sur la fameuse sacoche, remplie d’une multitude hétéroclite d’objets : livres, vêtements, pain, chocolat, brosses à dent, papier, stylos, et tant d’autres choses… Ce cycliste en soutane est l’abbé Franz Stock, aumônier allemand chargé de la visite des prisons; il fut l’ange gardien d’environ 11 000 prisonniers français.

Franz Stock est né le 21 septembre 1904 à Neheim en Westphalie (centre-ouest de l’Allemagne), aîné d’une famille de neuf enfants. Son père travaille comme ouvrier en cette région industrielle de la Ruhr. Chez Franz, l’amour du pays natal et celui de l’Église catholique ne feront qu’un. Dès l’âge de douze ans, le garçon s’ouvre de son désir de devenir prêtre. La tragédie de la première guerre mondiale et l’influence d’une association catholique, le Quickborn, dont Franz est membre, développent en lui un grand amour de la paix; il étudie dans cet esprit l’encyclique du Pape Benoît XV «Pacem Dei munus pulcherrimum» (1920). Il rêve d’une réconciliation de l’Allemagne et de la France sur la base de l’héritage chrétien qui leur est commun. En août 1926, déjà séminariste, il se rend avec huit cents Allemands au Congrès de la Paix tenu à Bierville, en Île-de-France; il y entend Mgr Julien, évêque d’Arras (ville située dans une région très éprouvée par la guerre récente), proposer cet idéal qui sera celui de toute sa vie: «Collaborer par-dessus les frontières sans supprimer ces frontières, sans niveler les différences. Apprendre à se connaître pour apprendre à s’aimer. Avoir horreur de la guerre, tout en admirant le courage des soldats qui se sont immolés pour défendre leurs pays et leurs foyers».

Ministère à Paris

En 1928, Franz, séminariste à Paderborn depuis deux ans, est autorisé à poursuivre ses études de théologie à l’Institut catholique de Paris. Il est enthousiasmé par la qualité de l’enseignement qu’il y reçoit, et se réjouit de loger au «Séminaire des Carmes», lieu vénérable du martyre de tant de prêtres en septembre 1792. Franz rencontre toutefois des incompréhensions de la part de certains prêtres français, anciens combattants. S’il en est un peu blessé au début, il se montre d’une parfaite délicatesse et découvre le chemin difficile du pardon mutuel. Après son retour en Allemagne, Franz organise chaque année des pèlerinages et des randonnées en France. Le 12 mars 1932, il est ordonné prêtre à Paderborn et nommé vicaire à Dortmund-Eving, dans la Ruhr. Après l’accession d’Hitler au pouvoir, l’abbé Stock accepte volontiers la proposition qui lui est faite, de la part du Cardinal Verdier, archevêque de Paris, son ancien Supérieur des «Carmes», de devenir curé de la paroisse catholique allemande de Paris. À peine arrivé, en septembre 1934, il écrit à sa famille: «Ce ne sera pas très facile, mais nous allons commencer en mettant notre confiance en Dieu. Alors nous parviendrons bien au but». L’immeuble où il s’installe, situé 21-23 rue Lhomond, dans le Quartier latin, comporte une chapelle que Franz, très bon peintre, décore lui-même de fresques.

Cependant, la situation de l’abbé Stock à Paris devient vite inconfortable. Les autorités allemandes lui reprochent sa tiédeur vis-à-vis du régime nazi; dans le même temps, un quotidien français publie un article calomnieux, dans lequel on insinue qu’il rend service à la Gestapo en dénonçant les émigrés. La vérité est toute différente: Franz soutient financièrement des Allemands fugitifs, parmi lesquels des Juifs. Ramant contre le courant, il organise une Messe solennelle franco-allemande pour la paix, célébrée en mars 1937 par le Cardinal Verdier, en présence de l’ambassadeur catholique von Welczek. Artisan de paix, l’abbé Stock n’est cependant pas un «citoyen du monde», indifférent à sa patrie. Il favorise, auprès des âmes dont il a la charge, l’amour de leur patrie allemande, la pratique de la langue maternelle et le goût pour la culture nationale… tout en leur faisant connaître et aimer la France.

Le 26 août 1939, Franz est obligé de quitter précipitamment la France par suite de l’état de guerre. Mais dès l’automne 1940, muni d’une mission canonique de l’archevêque de Cologne, il se réinstalle dans Paris occupé, avec le titre de Recteur de la Mission allemande. Devant l’apparent triomphe du Troisième Reich, il reste lucide et confie à ses proches que, selon lui, «les étendards à croix gammée flottant sur l’Arc de triomphe seront un jour retirés». Quant à lui, il se veut uniquement prêtre et conserve pour les Français humiliés respect et estime.

En novembre 1940, l’abbé Stock accepte l’aumônerie de la prison de Fresnes. À partir d’avril 1941, il visite aussi les deux autres prisons réquisitionnées par les Allemands à Paris: le Cherche-Midi et la Santé. Ce ministère devient bientôt prépondérant dans sa vie. Le Commandement allemand ne voulait pas de prêtre français pour ce ministère; dès lors, l’abbé Stock était le mieux placé, ayant une parfaite connaissance de la langue. De fait, il sera presque seul pour s’occuper de milliers de prisonniers. Il refuse de porter l’uniforme (qui aurait pourtant facilité son rôle auprès de la troupe), comprenant qu’un prêtre habillé en soldat perdrait tout crédit auprès des détenus. Son Journal, trouvé après sa mort, permet de suivre son activité. Il y a consigné scrupuleusement tous ses actes de ministère auprès des détenus et toutes les informations dont il disposait, en vue de procurer quelque consolation à leurs familles.

La seule personne amie

Allemand, l’abbé Stock est souvent mal reçu, au premier abord, par les prisonniers. On voit en lui un agent de l’ennemi; on se demande même s’il n’est pas un faux prêtre envoyé par la Gestapo pour soutirer des aveux. Certains le traitent de «mannequin des Nazis». Cette impression s’efface vite dans la plupart des cas, grâce à son exquise charité. De plus, par les services qu’il rend aux détenus, Franz fournit la preuve qu’il ne joue pas un double jeu. Il transgresse continuellement – au risque de sa vie – la loi de la «triple peine» qui pèse sur un grand nombre de prisonniers: pas de contact avec les familles, pas de courrier ni de lecture, pas de colis. Il contrecarre ainsi la Gestapo qui vise à détruire la faculté de résistance des détenus. Il leur procure des livres, spécialement des livres religieux. Il les console et soigne leurs blessures physiques (quand il le peut) ou morales. Le chocolat, si rare pendant la guerre, est la denrée la plus appréciée: l’abbé Stock en distribue des dizaines de kilos. Il fait passer des messages dans les deux sens entre détenus et familles. En faveur des détenus juifs, il tourne les règlements discriminatoires. L’aumônier est souvent la seule personne amie dans cet univers hostile.

Franz Stock a repéré ceux des geôliers qui sont catholiques ou simplement bien disposés et il utilise leur concours: par exemple pour organiser une fête. Parmi eux, le sergent Ghiel, dévoué corps et âme à l’aumônier, sera trahi et finalement éliminé par la Gestapo. Beaucoup de prisonniers, une fois jugés, partent pour les camps de concentration. Mais un grand nombre ne quittent la prison que pour être exécutés. Auprès d’eux, l’abbé Stock remplit le plus sacré des devoirs: les aider à faire une mort chrétienne. Le premier détenu qu’il prépare ainsi est Jacques Bonsergent, un ingénieur fusillé «pour l’exemple» en décembre 1940, car il a couvert un acte de résistance anodin. L’aumônier l’accompagne jusqu’au dernier moment et rentre bouleversé. Il ne s’habituera jamais à ces lugubres cérémonies, qui cependant se reproduiront plusieurs fois par semaine pendant trois ans et demi.

«Dieu me tend les bras»

Capitaine de frégate, père de cinq enfants, Honoré d’Estienne d’Orves est officier clandestin de résistance. Trahi par son officier-radio, il est arrêté en janvier 1941. Au cachot, il pense à Dieu, à l’éternité. L’abbé Stock lui porte tous les huit jours la Communion et lui fait lire l’«Histoire d’une Âme» de sainte Thérèse de Lisieux. En mai 1941, Estienne d’Orves est condamné à mort. L’abbé Stock assiste à son ascension spirituelle. Il lui apprend, le 28 août, qu’il sera fusillé le lendemain avec deux autres condamnés. Estienne d’Orves le remercie par une lettre affectueuse, où il indique ses derniers souhaits: «Je prie le Bon Dieu de donner à la France et à l’Allemagne une paix dans la justice, comportant la grandeur de mon pays; et aussi pour que nos gouvernants fassent à Dieu la place qui lui revient». Les trois condamnés assistent avec ferveur une dernière fois à la Messe et pardonnent à leurs bourreaux. L’aumônier est soucieux de disposer les détenus à recevoir les Sacrements avec un coeur pur dont toute haine contre les persécuteurs soit bannie. Le 8 août 1943, il assiste Éric, un jeune de dix-huit ans. Dans un billet à sa mère, le condamné a écrit: «Je viens de voir le prêtre. Voyez-le après ma mort. Il vous parlera de moi et de mes derniers instants… Dieu m’attend et me tend les bras. Ce sera pour moi la Vie éternelle et l’Amour infini de Dieu. Pardonne de tout ton coeur à tous ceux qui sont responsables de ma mort. Dieu jugera… Je viens de communier. Adieu».

Mais d’autres condamnés, souvent prisonniers d’une idéologie athée autant que de la Wehrmacht, refusent toute aide religieuse. Le 13 avril 1942, l’abbé Stock, le coeur brisé, note dans son journal, après une exécution: «Personne ne voulait un secours spirituel. Tous sont morts sans la foi». Confiant dans la puissance de la grâce, le prêtre a célébré la Messe même pour ceux-là, dans une cellule voisine occupée par un détenu catholique. Albert P. doit être exécuté le 16 mars 1942; athée, il refuse les Sacrements, mais accepte que l’aumônier l’accompagne. Chemin faisant, Franz prie ardemment pour sa conversion et l’invite à penser à sa destinée éternelle. Nouveau refus. Mais, au dernier moment, Albert appelle le prêtre et demande un crucifix. L’aumônier pourra noter: «Il récite avec moi l’acte de contrition avec une grande expression de repentir. Je lui donnai l’absolution ».

Roger L., 28 ans, est baptisé le jour même de son exécution. Le Journal mentionne: «Il avait perdu tout courage. Avec mon aide, il retrouve confiance… Il fit sa première communion avec un sérieux émouvant… Sa dernière parole au moment de mourir: «Seigneur, ayez pitié de moi»». La plupart des exécutions ont lieu au Mont-Valérien, ancienne forteresse à l’ouest de Paris. Parfois, l’abbé Stock passe la dernière nuit avec les condamnés. À ce moment suprême, le prêtre est la seule présence amicale, fraternelle, chrétienne. Franz a promis aux fusillés de prier pour eux au dernier moment, mais il leur a aussi demandé de prier pour lui, et pour tous, quand ils seraient «de l’autre côté». En octobre 1945, il écrira: «Je reste fidèle, je crois, à ceux dont j’ai été pendant quatre ans l’aumônier… Si je veux une grâce spéciale, un éclaircissement spirituel, je m’adresse à ceux qui savaient mourir, qui sont allés directement à Dieu après tant de souffrances et une belle préparation intérieure, et que j’ai pu accompagner sur leur dernier chemin; je suis convaincu que leur prière sera exaucée… les trépassés ne nous oublient pas».

«Dieu existe!»

Les attentats contre des militaires allemands pris au hasard, provoquent, sur décision d’Hitler, des exécutions d’otages en représailles. L’abbé Stock intervient souvent pour sauver un prisonnier mis sur les listes des otages à fusiller. Un jour, il lutte toute la journée pour obtenir une communication téléphonique avec Berlin; il sauve finalement la vie d’un détenu, qui tombe dans ses bras en criant: «Dieu existe!» Une autre fois, c’est un prisonnier, déjà sur le chemin du Mont-Valérien, qui est gracié in extremis sur l’intervention du prêtre; l’aumônier a fait valoir que le frère du condamné avait déjà été fusillé.

Franz Stock accueille les familles dans la plus grande discrétion, rue Lhomond. Quand il le peut, il remet aux proches parents un souvenir du défunt. Les entretiens avec les mères, les épouses sont parfois plus pénibles pour lui que l’exécution elle-même. Un témoin oculaire commente: «Je pense que l’abbé Stock faisait preuve de beaucoup de courage, d’une grande pitié, de beaucoup d’amour». L’aumônier parvient, en collaboration avec Mgr Rodhain, le fondateur du Secours catholique, à mettre sur pied une association d’entraide pour soutenir les familles des fusillés les plus nécessiteuses.

Le Journal de l’abbé Stock recense 863 exécutions à partir du 28 janvier 1942, dont 701 auxquelles il assista. Au total, ce sont de 1300 à 1500 personnes qu’il a assistées à leurs derniers moments. En décembre 1941, il écrit: «Rien que cette semaine, j’ai préparé soixante-douze hommes à la mort, les ai assistés au moment ultime et les ai enterrés». En 1943, un prêtre ami l’entend murmurer: «Je me demande parfois si je pourrai continuer… Si seulement je pouvais dormir…». On lui fait un examen cardiaque qui montre déjà une faiblesse alarmante. Le poète Reinhold Schneider écrira, après avoir rencontré l’abbé Stock en 1943: «Il était placé en face d’une souffrance qu’il ne pouvait supporter que fortifié par le Saint-Sacrement».

Dans son Exhortation apostolique Sacramentum caritatis, le Pape Benoît XVI s’adresse ainsi aux prêtres : « La spiritualité sacerdotale est intrinsèquement eucharistique… Pour donner à son existence une forme eucharistique toujours plus accomplie, le prêtre doit faire une large place à la vie spirituelle… Une vie spirituelle intense lui permettra d’entrer plus profondément en communion avec le Seigneur et l’aidera à se laisser prendre par l’amour de Dieu, en devenant son témoin en toute circonstance, même difficile et sombre » (22 février 2007). Tout Chrétien peut s’inspirer de ces recommandations.

Prisonnier à son tour

Le 11 août 1944, Franz, qui pourrait encore quitter Paris à l’approche des Alliés, décide de rester sur place pour s’occuper des six cents blessés allemands intransportables, regroupés à l’hôpital de la Pitié, ainsi que d’autres blessés prisonniers des Allemands. Par l’autorité de sa présence, il évite que ces hommes ne soient massacrés par des civils. Le 24, après huit journées harassantes, il est fait prisonnier par les Américains. Désormais, l’abbé Stock se dévoue auprès de ses compatriotes incarcérés avec lui, comme il l’a fait auprès des captifs français. Le 25 septembre, il est transféré dans un camp américain de prisonniers, en Normandie. L’improvisation étant totale, les conditions de détention sont très dures. Cependant, l’aumônerie catholique s’organise autour d’une tente-chapelle, grâce à l’ingéniosité des détenus et à la complicité généreuse de la Trappe de Bricquebec, qui offre ornements et objets de sacristie. Franz et les autres prêtres prisonniers se multiplient: Messes dans les différents quartiers de détention, catéchismes, confessions… Un prêtre normand, l’abbé Cadel, fait imprimer 20 000 livrets de prières composées par l’abbé Stock à l’usage des détenus. Pour beaucoup d’entre eux, la fête de Noël 1944, malgré son extrême dénuement, est d’une merveilleuse profondeur.

Dans les derniers mois de la guerre, de très nombreux prisonniers allemands sont progressivement pris en charge par l’armée française. Le général Boisseau, commandant des camps, décide de regrouper les séminaristes allemands prisonniers pour leur permettre de continuer leurs études. Un prêtre français, l’abbé Le Meur, est la cheville ouvrière de cette fondation; il choisit comme directeur du Séminaire l’abbé Stock, qui a été son aumônier à la prison de la Santé au cours de sa détention pour faits de résistance. Le 20 mars 1945, Franz accepte. Ses nouvelles fonctions l’obligent à mener la vie de prisonnier, alors qu’il pourrait regagner aussitôt l’Allemagne. Il écrira: «La captivité est une phase douloureuse dans une vie d’homme. Mais, aux prises avec la souffrance, l’homme reconnaît sa vraie destinée quand, arrivé à la limite de ses forces physiques, il lève les mains et les yeux vers le Ciel. Cela le libère. Et tel est bien le sens profond de la liberté humaine: se libérer du terrestre et s’en remettre à celui qui est toute Grandeur».

Un programme plus qu’un nom

Le «Séminaire des Barbelés» commence le 30 avril 1945, dans une caserne vétuste d’Orléans, au milieu d’énormes difficultés: faim, promiscuité, esprit de vengeance de la part de certains surveillants. Heureusement, les autorités religieuses se mobilisent en faveur du séminaire. L’abbé Stock, autorisé à sortir sous la garde d’un soldat, rentre chaque fois lourdement chargé de livres, de victuailles, etc. Bientôt, des communautés religieuses françaises font parvenir des colis aux séminaristes, leur permettant de continuer leur effort intellectuel. Au mois d’août suivant, on déménage pour s’installer au Coudray, près de Chartres. Le commandant Gourut accueille professeurs et étudiants par ces paroles: «Je vous confie tous à la protection maternelle de Notre-Dame de Chartres». Bientôt, Mgr Harscouët, évêque de Chartres, visite le camp et serre la main de chacun des séminaristes, geste courageux dans le contexte politique de l’époque. 949 séminaristes, dont 630 deviendront prêtres, étudieront au Coudray jusqu’en mai 1947. Le 18 septembre 1945, le nonce apostolique, Mgr Angelo Roncalli, le futur Pape Jean XXIII, visite le Séminaire des Barbelés. Il rencontre l’abbé Stock et l’embrasse; pour lui, «l’abbé Stock n’est pas un nom; c’est un programme!» Le nonce reviendra trois fois, jamais les mains vides, et fera plusieurs ordinations au Coudray.

À la suite d’un voyage en Allemagne, Franz Stock obtient de l’Université de Fribourg la reconnaissance des études de théologie accomplies au Coudray. Au cours de l’été 1946, les professeurs qui manquent encore arrivent d’Allemagne, volontaires eux aussi pour la captivité. Rayonnant de vie intérieure et de charité, Franz Stock doit cependant lutter contre la tristesse et les souvenirs qui le hantent. La peinture lui est d’un grand secours: il réalise dans la chapelle du Séminaire une fresque représentant la Vierge des Douleurs et saint Jean. Plusieurs témoins ont été convaincus que Jésus-Christ apparaissait souvent corporellement à l’abbé Stock au cours de sa Messe, après la consécration; Franz y faisait parfois allusion à mots couverts. En mai-juin 1947, les prisonniers allemands sont libérés. Le Séminaire est dissous; ses étudiants vont poursuivre leurs études en Allemagne. L’abbé Stock retourne à Paris, rue Lhomond. Il souhaite poursuivre son apostolat auprès des travailleurs libres allemands, mais l’autorisation lui en est refusée par les autorités civiles. Tenté de découragement, Franz trouve cependant la force d’écrire à sa famille: «J’accepte bien volontiers la situation où je me trouve momentanément, et je remercie Dieu de nous vouloir tant de bien».

Le 22 février 1948, Franz Stock a une crise d’étouffement provoquée par un oedème pulmonaire. Transporté à l’hôpital, celui qui avait si souvent assisté les autres à leurs derniers moments y meurt seul, le 24, âgé de 43 ans. Devant une maigre assistance, Mgr Roncalli préside ses obsèques suivies de l’inhumation au cimetière de Thiais, au carré des prisonniers de guerre. En 1963, son corps sera transféré solennellement à l’église qui englobe la première chapelle du Séminaire des Barbelés, à Rechèvres près de Chartres. Plusieurs associations préparent le procès de béatification de Franz Stock. Le général de Cossé-Brissac témoigne avoir perçu en lui «un être habité par la grâce… Je lui garde une reconnaissance infinie. À cause de lui, j’ai oublié tous ceux qui m’ont persécuté. Je me suis bien des fois juré, à cause de lui, de tout faire pour contribuer à une franche réconciliation des deux peuples allemand et français, sous le signe du Christ». L’abbé Pihan, un prêtre qui a été détenu à Fresnes, écrit, en 1989: «Lorsqu’on me demande quand j’ai le plus senti la fraternité, l’universalité du catholicisme, je réponds: c’est en prison, avec l’abbé Stock».

Que l’abbé Franz Stock nous aide à devenir, comme lui, des artisans de paix en vivant intensément de notre foi catholique et en la faisant rayonner autour de nous!

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