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11 de maig de 2008 Pentecôte |
Jésus Lui-même nous a enseigné l'humilité, par son exemple et par ses paroles. Les trente premières années de sa vie ont été cachées aux yeux des hommes, à Nazareth. Bien souvent par la suite, Il a recommandé à ses apôtres l'humilité, en particulier la veille de sa Passion lorsque, après avoir lavé les pieds de ses disciples, Il leur a dit: Comprenez-vous ce que je viens de faire? Vous m'appelez «Maître»et «Seigneur», et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C'est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j'ai fait pour vous. Amen, amen, je vous le dis: le serviteur n'est pas plus grand que son maître, le messager n'est pas plus grand que celui qui l'envoie. Si vous savez cela, heureux êtes-vous, pourvu que vous le mettiez en pratique (Jn 13, 12-17).
Marie-Victoire Couderc naît le 1er février 1805 dans un hameau de Sablières, village de l'Ardèche, au sein d'une famille qui n'est ni noble, ni tout à fait roturière. Au Mas, vaste propriété, on mène une vie paisible, mais laborieuse. Les parents tiennent à la bonne éducation humaine et chrétienne de leurs dix enfants. Madame Couderc n'hésite pas à se lever très tôt pour se rendre à la Messe deux fois par semaine. Encore tout jeunes, les deux aînés, Jean et Marie-Victoire, commencent à ressentir les premières touches de l'appel divin. Les histoires encore toutes récentes de la persécution des prêtres et des religieux pendant la Terreur, confortent leur ardent désir de se donner à Dieu.
Sur la fin de mars 1825, une mission est donnée à Sablières. Marie-Victoire y fait la connaissance de l'abbé Jean-Pierre-Étienne Terme, prêtre missionnaire. Elle lui confie son désir d'être religieuse. Quelques mois plus tard, l'abbé Terme la reçoit au noviciat d'Aps, maison qu'il a constituée dans le but de former des religieuses dévouées à l'enseignement dans les campagnes. Marie-Victoire prend le nom de soeur Thérèse. À cette époque, le Père Terme s'occupe du pèlerinage de saint François-Régis à La Louvesc. Un jour, la pensée lui vient d'établir une maison pour recevoir les femmes en pèlerinage, afin d'éviter beaucoup de scandales. En effet, jusqu'alors les aubergistes du lieu logaient dans les mêmes chambres les pèlerins des deux sexes. Il fait construire un bâtiment où il installe trois religieuses du noviciat d'Aps: soeur Agnès, soeur Thérèse et soeur Régis. Malgré son jeune âge (vingt-trois ans), soeur Thérèse est nommée Supérieure. Les religieuses de La Louvesc auront une double occupation: l'hiver, elles vaqueront à l'enseignement dans les campagnes; l'été, elles s'adonneront à l'accueil des pèlerines. Mais bientôt, le trop grand nombre de femmes accueillies désorganise la maison. Une lumière vient alors à la jeune Supérieure: ne donner logement qu'aux personnes qui consentiraient à faire une neuvaine ou un triduum en l'honneur de saint Régis.
Une profonde empreinte
Après la mort de l'abbé Terme, en décembre 1834, l'oeuvre des retraites est confiée à la direction des Pères jésuites. Bientôt, les filles du Père Terme se séparent en deux congrégations: les enseignantes s'appelleront «Soeurs de Saint Régis» et celles qui s'occupent des retraites «Soeurs du Cénacle». Lors de la canonisation de Thérèse Couderc, le Pape Paul VI dira: « Le Cénacle est un institut religieux dédié à Notre-Dame, la Mère du Christ qui, au milieu de la première communauté chrétienne, attend, invoque et reçoit en une plénitude nouvelle l'effusion de l'Esprit-Saint le jour de la Pentecôte... C'est une école de vie et de doctrine chrétienne, un refuge de silence et de méditation, une clinique où l'on refait ses forces morales et spirituelles... Le Cénacle est une institution spécialisée dans un service social: les exercices spirituels... Nous savons combien est appréciable dans notre monde moderne une semblable institution... Le besoin de compenser en intensité religieuse et personnelle la vie ordinaire qui se dissipe dans la fascination du mal (Sg 4, 12), dans l'attrait de la frivolité ou des intérêts profanes, convient parfaitement aux hommes d'aujourd'hui qui veulent demeurer chrétiens et ne pas perdre de vue la fin véritable et ultime de notre existence» (10 mai 1970).
Pour assurer notre marche vers la fin ultime, saint Ignace nous indique la tactique de notre ennemi, Lucifer, qui, en inspirant le désir des richesses et l'amour du vain honneur du monde, veut nous conduire à un orgueil sans bornes et de là à tous les autres vices. Notre-Seigneur, au contraire, nous attire à une entière pauvreté spirituelle et au désir des opprobres et des mépris pour faire naître en nous l'humilité, qui dispose aux autres vertus (cf. Exercices Spirituels, n. 142, 146). L'occasion est bientôt donnée à Mère Thérèse de mettre en pratique cette doctrine spirituelle.
Des vues de miséricorde
La nouvelle Supérieure, qui n'a pas la moindre notion de la vie religieuse, ne reste en charge que quelques mois, car bientôt, devant la confusion qu'elle introduit dans la maison, l'évêque comprend qu'il faut la remplacer. Sous l'influence de Mère Thérèse, la communauté élit la Mère Contenet. Celle-ci s'imagine qu'il convient de reléguer la véritable fondatrice, qui n'a encore que trente-cinq ans, au rang le plus bas: souvent elle l'humilie, même devant les novices qui, renchérissant sur cet exemple, tournent en dérision celle qui n'est plus rien dans la maison qu'elle a fondée. Les Soeurs, témoins de ces humiliations, s'étonnent de la docilité de Mère Thérèse. La soeur Régis dira: «Elle resta longtemps chargée de la cave et du jardin, sarclant et arrosant comme une petite servante». On la tient à l'écart de toutes choses, l'occupant sans relâche à des emplois qui la laissent éloignée des récréations.
Une souffrance plus vive
Au milieu de ces épreuves, la Mère veille à ne pas se fâcher; parfois, elle prononce ces simples mots: «C'est bien», puis, baissant les yeux, elle reprend son ouvrage ou s'en va avec son calme habituel. Un conseil donné à une soeur nous révèle la disposition foncière de son âme: «Dites souvent à Notre-Seigneur pour Le consoler: «Faites-moi la grâce d'aimer à être méprisée, pour Vous ressembler un peu...»» À l'école de saint Ignace, Mère Thérèse a conçu le désir d'une humilité très parfaite qui, pour imiter Notre-Seigneur, «préfère la pauvreté avec Jésus-Christ pauvre, plutôt que les richesses, les opprobres avec Jésus-Christ rassasié d'opprobres, plutôt que les honneurs», et souhaite «être regardée comme inutile et insensée, par amour pour Jésus-Christ qui le premier a été regardé comme tel, plutôt que de passer pour sage et prudente aux yeux du monde» (Exercices Spirituels, n. 167).
Toutefois, les combats intérieurs de la Mère transparaissent dans ces paroles: «Il faut se tenir toujours prêt à accepter d'avance tout ce que le Bon Dieu permettra ou ordonnera. Ce n'est que dans cette disposition que l'on trouve le repos ou la paix... J'ai honte de ma faiblesse et surtout de mon peu de vertu, moi qui reçois la croix de mauvaise grâce, quand elle approche. Mais non, je la veux, quelle qu'elle soit, et je dirai toujours de bon coeur: Fiat! Fiat!... La Croix porte toujours son fruit, quand nous la portons avec soumission et amour». Sans le savoir, elle agit selon l'enseignement que saint Benoît donne dans sa Règle: «Le sixième degré d'humilité comporte qu'un moine se trouve content dans tout abaissement et extrémité, et qu'en tout ce qui lui est enjoint, il se considère comme un mauvais et indigne ouvrier, disant avec le Prophète: Je suis réduit à rien, je ne sais rien, je suis devant vous comme une bête de somme, mais je suis toujours avec vous (Ps 72 [73], 22-23)» (ch. 7).
Le fruit de l'humilité
Après son séjour à Tournon, Mère Thérèse rejoint La Louvesc, puis Lyon. Le 20 octobre 1859, un Père jésuite fait aux Soeurs une conférence qui la touche profondément: «Il dit, rapporte-t-elle, que le divin Maître demandait des âmes dévouées à son bon plaisir, à l'accomplissement de toutes ses volontés, c'est-à-dire des victimes offertes en sacrifice pour sa gloire et le salut des âmes... Je priais, je m'offrais à Notre-Seigneur aussi complètement que j'en étais capable. Je Lui disais que je n'osais pas m'offrir en victime, car les victimes devaient être pures pour Lui plaire, et je L'avais tant offensé. Alors, Il me fit comprendre qu'Il me voulait cependant, qu'Il m'agréait en qualité de victime et j'entendis distinctement ces mots: «Tu seras victime d'holocauste». Il n'y avait en moi aucune révolte, j'adhérais entièrement, mais j'étais tremblante, interdite». Notre-Seigneur lui explique que lors d'un holocauste, la victime est entièrement consumée; ainsi, Il désire qu'en elle tout soit pour Lui. Il ne s'agit donc pas nécessairement d'être dévorée par la souffrance physique ou morale, mais consumée par la volonté d'être tout à Lui. Vouloir faire ainsi la volonté de Dieu n'est pas se constituer esclave d'un Maître extérieur et lointain, mais écouter le Seigneur présent au plus intime de notre âme.
Se livrer
Dans les années qui suivent, le Bon Dieu accorde à Mère Thérèse de nombreuses grâces de prière et des lumières sur sa propre misère et sur la Sainteté divine, notamment celle-ci: «Tout à coup, je vis écrit, comme en lettres d'or, ce mot «Bonté»... Je le vis écrit sur toutes les créatures animées et inanimées, raisonnables ou non... Je compris alors que tout ce que les créatures ont de bon et tous les services et les secours que nous recevons de chacune d'elles, sont un bienfait que nous devons à la Bonté qui leur a communiqué quelque chose de sa bonté infinie, afin que nous la rencontrions en tout et partout».
Cette lumière vient illustrer une des méditations que saint Ignace propose: «Je contemplerai que tous les biens et tous les dons descendent d'en haut: ma puissance limitée dérive de la puissance souveraine et infinie qui est au-dessus de moi, de même la justice, la bonté, la compassion, la miséricorde, etc.; comme les rayons émanent du soleil, comme les eaux découlent de leur source, etc.» (Exercices Spirituels, n. 237). Les Exercices ont, en effet, pour fin de nous faire vivre près de Dieu en toutes choses, dans une foi qui nous Le montre à l'oeuvre même dans les événements douloureux de notre vie.
«Je Vous suivrai sans cela!»
Durant ses dernières années, Mère Thérèse passe son temps dans un fauteuil de paille à faire divers ouvrages, tout en priant silencieusement. Malgré l'état d'agonie intérieure qui perdure, son âme paraît apaisée. «Mon oraison est très simple, dit-elle un jour. Je me mets en présence de Notre-Seigneur et je Lui dis tout ce que j'ai dans le coeur. Je Le félicite de Ses attributs divins, je souhaite que toutes les créatures L'adorent et L'aiment..., je demande la persévérance et la sanctification des justes, la conversion des pécheurs; en un mot, je répands mon âme devant la Majesté divine. Si j'ai des joies, je Lui en fais part; des peines, je les Lui confie; je reste anéantie en Sa présence».
Au début de 1885, Mère Thérèse tombe dans une syncope qui la laisse plusieurs heures sans connaissance. Le lendemain, elle fait part à sa Supérieure générale d'une perception étonnante qu'elle a du Purgatoire: «Depuis hier, je suis environnée de multitudes qui prient sans interruption avec un accent pénétrant... Elles supplient, elles gémissent, elles adorent la divine Majesté, elles La louent, avec un ensemble, une harmonie, une foi, une espérance, un amour ineffables... Il y a des voix d'hommes, des voix de femmes, des voix d'enfants... Comme ils prient, comme ils chantent! Oh! si nous savions prier comme eux!»
Après une agonie difficile, Mère Thérèse rend doucement son âme à Dieu, le 26 septembre 1885, âgée de quatre-vingts ans. Le pèlerin qui se rend à La Louvesc peut y voir son corps, resté intact, qui semble tout simplement endormi, tant son visage respire le calme et la sérénité.
Quiconque s'élève sera humilié et qui s'humilie sera élevé (Lc 14, 11). Cette parole divine, citée plusieurs fois dans l'Évangile, s'est d'abord réalisée en Notre-Seigneur Jésus-Christ dont saint Paul nous dit: Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s'est abaissé Lui-même en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix. C'est pourquoi Dieu L'a élevé au-dessus de tout; Il Lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms (Ph 2, 7-9). De même, sainte Thérèse Couderc «fut pratiquement destituée de sa charge de Supérieure, son titre de fondatrice lui fut contesté, on lui donna des postes et des charges inférieures à ses capacités et à ses mérites. C'est alors surtout, dans cette humilité, dans ce don de soi («Se livrer», disait-elle), qu'elle apparaît grande», déclarait Paul VI en la canonisant. La fécondité de cette vie humiliée a été également manifestée par des fruits spirituels abondants, surtout dans la Congrégation religieuse qu'elle a fondée. Aujourd'hui, la Congrégation du Cénacle compte 500 religieuses travaillant à la gloire de Dieu dans onze pays.
Demandons à sainte Thérèse Couderc de nous enseigner la pratique de l'humilité qui conduit à la Charité parfaite envers Dieu et le prochain.