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1 de agost de 2000 Saint Alphonse de Liguori |
François Marto est né le 11 juin 1908, et sa soeur Jacinthe, le 10 mars 1910. Leur cousine Lucie, qui verra avec eux la Sainte Vierge, est née le 22 mars 1907. Tous trois sont originaires d'un hameau nommé Aljustrel près de Fatima, au centre du Portugal. Dans le foyer Marto, on respire une ambiance chrétienne, fondée sur une solide honnêteté naturelle. L'amour de la vérité on ne doit pas mentir est une règle fondamentale soigneusement respectée. L'amour de la pureté est un autre trait distinctif de la famille: divertissements, paroles, attitudes, tout est honnête, délicat et pur. La piété chrétienne et la prière, l'assistance à la Messe dominicale, la réception des sacrements, sont habituelles.
Les paysans d'Aljustrel vivent pauvrement des ressources de leurs terres pierreuses et de leurs brebis. Lucie, François et Jacinthe ont l'habitude de réunir leurs troupeaux pour les faire paître ensemble, et ils organisent des jeux qui n'empêchent pas la vigilance. Un jour du printemps 1916, un Ange leur apparaît; courbant le front jusqu'à terre, il dit par trois fois: «Mon Dieu, je crois, j'adore, j'espère et je vous aime! Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n'adorent pas, qui n'espèrent pas, qui ne vous aiment pas!» Lors d'une deuxième apparition, en été, l'Ange leur recommande d'offrir à Dieu «des prières et des sacrifices». Il revient en septembre, tenant un calice surmonté d'une Hostie d'où coulent des gouttes de sang. L'Ange s'agenouille avec les enfants et leur fait répéter trois fois: «Très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, je vous adore profondément, et je vous offre les très précieux Corps, Sang, Âme et Divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, présent dans tous les tabernacles du monde, en réparation des outrages par lesquels Il est Lui-même offensé. Par les mérites infinis de son Coeur Sacré et par l'intercession du Coeur Immaculé de Marie, je vous demande la conversion des pauvres pécheurs».
Le 13 mai 1917, Lucie, François et Jacinthe ont conduit leurs brebis en un lieu appelé Cova da Iria. Il est midi et le ciel est limpide. Soudain, un éclair traverse les airs. Croyant à la venue d'un orage, les enfants poussent le troupeau vers le fond de la combe. Là, se tient devant eux une jeune fille d'une beauté extraordinaire, toute lumineuse, vêtue d'une longue robe blanche et d'un voile qui descend jusqu'aux pieds; ceux-ci sont posés sur un léger nuage qui effleure un petit chêne vert. Elle paraît avoir dix-huit ans. Lucie lui demande: «De quel endroit êtes-vous, Madame? Je suis du Ciel. Et que désirez-vous de nous? Je viens pour vous demander de vous trouver ici six fois de suite, à cette même heure, le 13 de chaque mois. Après, je vous dirai qui je suis et ce que je désire de vous. Vous venez du Ciel!... et moi, irai-je au Ciel? Oui, tu iras. Et Jacinthe? Aussi Et François? Il ira aussi; qu'il récite également son chapelet »
Qui nous fera voir le bonheur? (Ps 4,7)
Après avoir fortifié les enfants par la promesse inestimable du Ciel, la Dame les introduit dans le mystère de la Rédemption auquel, avec une exquise délicatesse, elle leur demande de s'associer: «Voulez-vous vous offrir à Dieu pour faire des sacrifices et accepter volontiers toutes les souffrances qu'Il voudra vous envoyer en réparation des péchés qui offensent sa divine Majesté? Voulez-vous souffrir pour obtenir la conversion des pécheurs, pour réparer les blasphèmes ainsi que toutes les offenses faites au Coeur Immaculé de Marie? Oui, nous le voulons! répond Lucie. Vous aurez beaucoup à souffrir, mais la grâce de Dieu vous assistera et vous soutiendra toujours». Tout en parlant, l'Apparition ouvre les mains et ce geste répand sur les voyants un faisceau de lumière mystérieuse, qui, pénétrant leurs âmes, les fait se voir eux-mêmes en Dieu.
D'abord consoler Jésus
La parabole de l'enfant prodigue nous révèle que le drame du péché n'est pas seulement celui d'un fils qui s'éloigne de la maison paternelle, mais aussi la tragédie du père qui souffre de cet éloignement. Dieu se trouve, mystérieusement, dans cette situation lorsque nous commettons le péché. Dans notre langage humain, nous disons alors que Dieu «souffre» de notre éloignement. Les âmes habitées par un amour de Dieu très intense se préoccupent des répercussions du péché dans le Coeur de Dieu, qu'elles veulent «consoler». Tel paraît avoir été le cas de François. Ce petit voyant, qui semblait défavorisé au plan des apparitions, est parvenu aux sommets les plus élevés de la spiritualité chrétienne.
L'effet des apparitions sur Jacinthe se manifeste surtout après le 13 juillet. Ce jour-là, Notre-Dame montre l'enfer aux trois enfants. Lucie écrira: «Elle nous fit voir un océan de feu... et, plongés dans ce feu, les démons et les âmes comme des braises noires et transparentes... au milieu de cris et de gémissements de douleur et de désespoir qui épouvantaient et faisaient trembler de frayeur». La Sainte Vierge demande de garder cette vision secrète. Elle ne permettra à Lucie de la révéler qu'en 1941. Jacinthe en retire une impression qui la marque profondément. À partir de ce jour, elle se montre très préoccupée du sort des pauvres âmes qui tombent en enfer. Elle s'assoit souvent par terre ou sur une pierre, et, toute pensive, elle dit: «Oh, l'enfer! Que j'ai de peine pour les âmes qui vont en enfer!» Cependant, elle ne s'en tient pas à une peine stérile, mais, sous la motion d'une charité très élevée, elle prie et se sacrifie héroïquement pour ceux qui sont en péril de se perdre.
Une pénible réalité
Devant les événements d'Aljustrel, les partisans de la politique anticléricale au Portugal s'agitent. L'administrateur de l'arrondissement de Vila Nova de Ourém, dont dépend le hameau, est un homme sectaire. Le 13 août, il se rend à Fatima, et emmène par ruse les trois enfants à Ourém. Les petits voyants sont consternés de manquer le rendez-vous donné par la Sainte Vierge. Ils offrent ce grand sacrifice à Notre-Seigneur. Interrogés sur les apparitions, ils racontent ce qu'ils ont vu, mais restent fidèles au secret. On leur promet des pièces d'or: rien ne peut les ébranler. En dernier recours, l'administrateur les conduit à la prison et leur dit: «Si vous tardez trop à parler, on vous fera frire dans l'huile». Le soir, les trouvant inébranlables, il commande de préparer une chaudière pleine d'huile. Puis, se tournant vers Jacinthe: «Dis le secret que tu prétends avoir reçu. Je ne puis pas. Tu ne peux pas?... Eh bien, je vais faire en sorte que tu puisses!...» Un gendarme emmène Jacinthe. Au bout de quelques minutes, l'administrateur s'adresse à François: «Voilà ta soeur frite!... Maintenant à toi!... dis-moi ton secret. Je ne puis le dire à personne». Et, on l'entraîne pareillement. Puis, vient le tour de Lucie. En réalité, ce n'est qu'une mise en scène; cependant Lucie avouera plus tard: «Je croyais que c'était pour de bon et que j'allais mourir. Mais je n'avais pas peur et je me recommandais à la Sainte Vierge». Un tel courage, chez des enfants, manifeste une intervention surnaturelle de Dieu par l'octroi du don de force.
Le 13 septembre, la Sainte Vierge confirme sa promesse d'un grand miracle pour le 13 octobre. Ce jour-là, la Dame donne son nom: «Je suis Notre-Dame du Rosaire. Je désire que l'on fasse ici une chapelle en mon honneur, et que l'on continue à dire le chapelet tous les jours». La foule est évaluée à 50.000 personnes. À la fin de l'apparition, le soleil se met à danser, à émettre toutes sortes de couleurs, puis il semble se précipiter par bonds en zigzag sur la foule, et enfin reprend sa place, miracle qui accrédite les apparitions. Les jours qui suivent, les petits sont harcelés d'interrogatoires interminables de la part de toutes sortes de personnes. Suivant les recommandations de la Sainte Vierge, ils offrent leurs souffrances à Dieu. Pour sauver les pécheurs, ils sont devenus insatiables de sacrifices.
«Quelle belle lumière!»
Jacinthe, elle aussi, est frappée par l'épidémie. De petite fille boudeuse, délicate, aimant à la folie les jeux et la danse, l'enfant est devenue patiente, forte et même rude devant la souffrance. Cependant elle n'est pas morne. Conduisant les brebis ou cueillant des fleurs, elle chante, sur des airs improvisés: «Doux Coeur de Marie, soyez mon salut! Immaculé Coeur de Marie, convertissez les pécheurs, préservez leurs âmes de l'enfer». Son amour du Pape est singulier. Lors de l'apparition du 13 juillet 1917, la Sainte Vierge avait dit: «Le Saint-Père aura beaucoup à souffrir». Un peu plus tard, Jacinthe reçoit deux révélations particulières. Un jour, elle dit à Lucie: «J'ai vu le Saint-Père, dans une très grande maison, à genoux devant une table, la tête dans les mains, et pleurant. Dehors, il y avait beaucoup de monde. Les uns lui jetaient des pierres, d'autres lui adressaient des injures et lui disaient de vilaines paroles. Pauvre Saint-Père! Il nous faut prier beaucoup pour lui!» Une autre fois, elle voit le Pape priant, avec une foule, devant le Coeur Immaculé de Marie. Ces révélations inspirent à Jacinthe une ferveur pleine d'amour dans ses prières pour le Saint-Père. Le Pape Jean-Paul II, conscient d'en avoir lui-même bénéficié, a exprimé sa reconnaissance à Jacinthe dans l'homélie de la Messe de béatification: «Je désire une fois de plus célébrer la bonté du Seigneur envers moi, quand, durement frappé le 13 mai 1981, je fus sauvé de la mort. J'exprime également ma reconnaissance à la bienheureuse Jacinthe pour les sacrifices et les prières faites pour le Saint-Père, qu'elle avait vu tant souffrir».
«C'est si bon d'être avec Lui!»
On la transporte à l'hôpital de Vila Nova de Ourém. La séparation de Lucie lui coûte plus que tout, car seule sa cousine est à même de la comprendre. Une fistule s'est ouverte à son côté gauche. «Ne dis à personne que la plaie me fait mal, confie-t-elle à Lucie qui est venue la visiter Dis à Jésus au Tabernacle que je l'aime beaucoup». Un jour, elle rapporte à Lucie: «La Sainte Vierge m'a annoncé que j'irai à Lisbonne dans un autre hôpital. Je ne te reverrai plus, ni mes parents. Après avoir souffert beaucoup, je mourrai seule». Cette perspective la fait beaucoup souffrir: «Que t'importe, lui fait remarquer Lucie, si la Sainte Vierge vient te chercher! Oui, c'est vrai. Mais il y a des moments où j'oublie qu'Elle viendra me prendre avec Elle».
Jacinthe est transférée à Lisbonne pour une intervention chirurgicale d'autant plus douloureuse que la faiblesse de la malade ne permet pas une anesthésie totale. L'opération achevée, les pansements font atrocement souffrir l'enfant. La Très Sainte Vierge vient la visiter et lui enlève toutes ses douleurs. Le visage de Marie paraît bien triste: «Les péchés qui conduisent le plus grand nombre d'âmes à la perdition sont les péchés de la chair, confie-t-elle à sa privilégiée. Il faut renoncer, ne pas s'obstiner dans le péché, comme on a fait jusqu'ici. Il est indispensable de faire grande pénitence». Quelques jours après l'opération, des complications surviennent. Le 20 février 1920, au soir, Jacinthe se confesse; le prêtre croit pouvoir attendre le lendemain pour lui apporter la Sainte Eucharistie. Pourtant, le soir même, vers dix heures trente, elle expire doucement.
Encore quelque temps...
À cette occasion, le Pape rappelait: «Dieu désire que personne ne se perde; c'est pourquoi, il y a deux mille ans, Il a envoyé son Fils sur la terre pour chercher et sauver ce qui était perdu (Lc 19, 10). Il nous a sauvés par sa mort sur la croix. Que personne ne rende cette Croix vaine!... Dans sa sollicitude maternelle, la Très Sainte Vierge est venue ici, à Fatima, pour demander aux hommes de «ne plus offenser Dieu, Notre-Seigneur, qui est déjà très offensé». C'est la douleur d'une mère qui l'oblige à parler; le destin de ses enfants est en jeu. C'est pourquoi Elle demande aux pastoureaux: «Priez, priez beaucoup et faites des sacrifices pour les pécheurs; tant d'âmes finissent en enfer, parce que personne ne prie et ne se sacrifie pour elles»».
Cet appel de Notre-Dame s'adresse à chacun d'entre nous, spécialement en cette année jubilaire de conversion et d'intercession. Le 20 avril 1943, Lucie précisait à l'évêque de Leiria quelles pénitences Dieu attend de ses enfants: «Le Bon Dieu est peiné de voir un si petit nombre d'âmes en état de grâce, et disposées aux renoncements nécessaires pour observer sa Loi. Et c'est précisément la pénitence qu'Il exige maintenant, c'est le sacrifice que chacun doit s'imposer afin de vivre une vie juste en conformité avec sa Loi». Dieu ne veut pour mortification, continue le message, «que l'accomplissement simple et honnête des tâches quotidiennes, et l'acceptation des peines et des ennuis; et Il désire qu'on montre clairement ce chemin aux âmes, car beaucoup s'imaginent que pénitence signifie grandes austérités, et, n'ayant ni la force ni la magnanimité pour les entreprendre, ils se découragent et tombent dans une vie d'indifférence et de péché».
Avec l'aide de la grâce, chacun peut mettre en oeuvre ce programme tout simple de pénitence, à travers le devoir d'état quotidien, en puisant sa force dans la récitation et la méditation du chapelet. C'est ce que nous demandons pour vous au Coeur Immaculé de Marie et à saint Joseph.